La maladie qui pousse les gens au suicide et dont on parle trop peu

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« Il y a urgence à agir. Des gens se suicident. D’autres sont en chaise roulante ou internés en psychiatrie. »

Pour le professeur Christian Perronne, le temps est venu de « sortir du déni » entourant la maladie de Lyme, transmise par les morsures de tiques. Cette pathologie affecte 27.000 personnes chaque année en France, selon les statistiques officielles. « Un nombre largement sous-estimé », estime M. Perronne, chef du service d’infectiologie de l’Hôpital Raymond-Poincaré de Garches, qui évoque « un scandale sanitaire » et dénonce des « tests de diagnostic défaillants ».
« Le test Elisa, imposé aux médecins français, ne détecte que trois espèces de Borrelia (bactéries responsables de la maladie) alors qu’il en existe une vingtaine. Et même quand les patients sont manifestement atteints de Lyme, le test peut s’avérer négatif », explique ce spécialiste de la maladie qui croule sous les demandes de consultations.
Faiblesse du diagnostic
Dès 2014, le Haut conseil de la santé publique pointait du doigt la faiblesse du diagnostic. Pourtant, les médecins ne sont toujours pas autorisés à utiliser d’autres tests comme le Western-Blot, qu’ils jugent plus fiable, même lorsque les symptômes sont observés. « Ils doivent suivre le protocole officiel. Si Elisa est négatif, on décrète que le malade n’est pas atteint de Lyme et celui-ci est exclu du traitement antibiotique. Si le test est positif, il doit être validé par Western-Blot », explique Marie-Claude Perrin, présidente de l’association Lyme Sans Frontières dont des adhérents ont décidé de porter plainte collectivement contre bioMérieux, l’un des laboratoires commercialisant Elisa.
Plâtrée dix fois en quatre ans
Plus la maladie est détectée tôt, mieux elle est soignée, martèlent associations et médecins. Sinon, elle peut conduire à des complications redoutables. Margaux Renaud, 21 ans, a vécu quatre années de calvaire. « Je monte à cheval depuis que j’ai trois ans. Les chevaux ont tout le temps des tiques », raconte-t-elle, amère. Infections urinaires, vomissements, pertes de connaissance, douleurs articulaires, problèmes ligamentaires. « J’ai été plâtré 10 fois en quatre ans », dit-elle.
D’hôpital en hôpital, personne ne trouve l’origine de son mal. Elle en perd le sommeil, fait une tentative de suicide, est internée à Saint-Anne. « Je ne sortais plus de chez moi, j’aurais préféré qu’on me diagnostique un cancer pour expliquer mes douleurs plutôt que de m’entendre dire que tout ça était dans ma tête », confie-t-elle. Un médecin lui fait une ponction lombaire pour refaire le test de Lyme, toujours négatif, « un cauchemar » pour Margaux qui a aussi des pertes de mémoire. « Il m’est arrivé de ne plus me souvenir de mon adresse », raconte-t-elle.
Quand elle atterrit dans le service du Pr Perronne, il y a neuf mois, Margaux Renaud est sur une chaise roulante, elle souffre d’une sciatique paralysante. Après un traitement alternant antibiotiques, antiparasitaires et anti-champignons, elle remarche, remonte à cheval, passe son permis de conduire, reprend ses études.
Une grosse grippe et un cercle vicieux
Le parcours de Emma, 16 ans, ressemble au sien. « Tout a commencé par une très grosse grippe à dix ans, suivie d’une importante fatigue accompagnée de douleurs insupportables. Le cercle vicieux s’est installé car Emma ne présentait jamais les mêmes symptômes qui allaient crescendo année après année », témoigne sa mère, Déborah Moigeon. Au début, tout pouvait avoir une explication. Douleurs aux jambes? La faute à la croissance. Mal au ventre? L’arrivée des règles. En 2012, un médecin refait une batterie d’examens dont Elisa: négatif. En revanche, il trouve des infections comme la toxoplasmose ou la mononucléose.
Mais sa mère s’interroge: comment une enfant a-t-elle pu attraper autant de maladies? Les malaises continuent avec un pouls à 180 par minute, « des décharges électriques qui la font littéralement décoller du sol ». « Les pompiers n’en croyaient pas leurs yeux », explique sa mère. Un matin, la jambe droite d’Emma se paralyse. Elle atterrit chez Christian Perronne. « Ma fille n’articulait plus un mot. Elle était en train de mourir. » Après trois mois d’antibiotiques, Emma recourt. « Quand je pense à toutes ces hospitalisations, ces examens, ces médicaments, à tout ce que cela a coûté alors qu’il suffisait de boîtes d’antibiotiques à 8 euros, ça me révolte », réagit Virginie Renaud, la mère de Margaux.
Maladie insidieuse
Lyme est une maladie complexe et difficile à diagnostiquer, se défend bioMérieux, qui souligne ne pas être leader sur ce marché. « Il est indispensable de replacer le résultat d’un test dans le cadre plus large d’un examen médical complet pour la diagnostiquer », fait-il valoir. « S’il n’y a pas de tests de diagnostic fiable, c’est parce que c’est compliqué d’en mettre au point », confirme Muriel Vayssier-Taussat, directrice de recherche à l’Institut national de Recherche agronomique (Inra), spécialiste des tiques. « Les bactéries vont transiter par le sang mais de manière très fugace ». Et, dans le milieu médical, les experts des pathologies à tiques sont rares, « sans doute parce qu’on a sous-estimé l’ampleur de cette maladie », avance la chercheuse.
L’Institut Pasteur a lui-même fermé en 2011 l’unité qui étudiait notamment les Borrelia. « Depuis peu, un groupe de travail, incluant le Pr Perronne et plusieurs responsables d’unité de Pasteur a été mis en place afin de relancer ces recherches », a toutefois indiqué une porte-parole. Pourtant, les tiques, qui sévissent de mars à octobre dans les bois, les forêts et même les parcs et jardins, sont les premiers vecteurs de maladies infectieuses chez les animaux et les premiers vecteurs chez l’homme en Europe.
Mais la morsure d’une tique est totalement indolore. Elle passe donc parfaitement inaperçue si elle ne s’accompagne pas d’un érythème migrant, cette grande tâche rouge caractéristique de la maladie. Toutes les tiques ne transmettent pas Lyme mais une même bestiole peut contenir une trentaine de micro-organismes d’espèces différentes, explique Muriel Vayssier-Taussat. Cela peut être des bactéries, des parasites, des virus. « Or, ces micro-organismes donnent des maladies provoquant des symptômes ressemblant à ceux de Lyme, ce qui pourrait expliquer que tant de malades restent séronégatifs pour Lyme », ajoute-t-elle.
La chercheuse fait donc l’hypothèse que dans sa forme chronique, Lyme est associée à d’autres infections qu’on ne diagnostique pas aujourd’hui. « On ne peut pas être sourds à ces malades qui vivent tous la même chose à travers le monde. Il faut absolument identifier le problème dans un contexte où l’on sait que les tests de diagnostic ne sont pas fiables », résume-t-elle.
Des médecins ont lancé « L’appel des 100 » à la ministre de la Santé pour exiger des « financements publics pour améliorer le diagnostic ». Et « l’arrêt des poursuites contre les médecins qui ne suivent pas les recommandations officielles pour soigner leurs patients ». Marisol Touraine a promis un plan d’action pour septembre.

AFP

 

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