La provoc de Jeune Afrique: Cellou Dalein Diallo, « le chef de la communauté peule »

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Présent à Marrakech pour la COP22, Cellou Dalein Diallo, chef de file de l’opposition guinéenne pourrait passer des jours longs. Le journal panafricain Jeune Afrique l’a encore caricaturé comme le « chef de la communauté peule ». Lui qui depuis 2007, date de son entrée en politique, traîne ce vilain masque qu’il dit lui avoir été collé par ses détracteurs pour l’isoler. Ce papier de François SOUDAN qui fait le portrait géant du président Alpha Condé ne restera pas sans réaction… de Diallo et proches.

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Guinée : Alpha Condé, l’homme pressé
Arrivé au pouvoir en 2010 à 70 ans passés, le chef de l’État ne se ménage pas. Portrait et entretien avec un président obsédé par son pays et en guerre contre le temps.
Vue du hublot de l’hélicoptère, en ce matin d’octobre finissant, la basse côte guinéenne ressemble à un tapis de billard gorgé d’eau : verte, plate, serpentée de rivières étales, piquetée de villages et bordée de mangroves. L’appareil, un Puma quasi quadragénaire récemment révisé en Roumanie, finira peut-être ses jours dans un musée de la République.
Il a transporté Sékou Touré, Lansana Conté, Sékouba Konaté, un nombre incalculable de VIP en visite et rend toujours de vaillants et bruyants services à celui qui, depuis six ans, préside au destin de la Guinée. Le trajet de Conakry à Kamsar – où est prévue l’inauguration d’un nouveau quai commercial destiné notamment à l’exportation de bauxite, dans le cadre d’un méga-investissement émirati avec 4 000 emplois à la clé – dure moins d’une heure.
Le temps pour Alpha Condé de se plonger dans la lecture d’une demi-douzaine de journaux débarqués la veille au soir du vol quotidien d’Air France : Le Monde, Libération, Courrier international, Jeune Afrique, sans oublier L’Équipe, que ce papivore fan de football avale avec gourmandise. Le temps aussi de fermer les yeux et de gagner quelques minutes d’un microsommeil récupérateur.
Bain de foule
Onze heures. Le Puma olive aux armoiries de l’État guinéen se pose dans un tourbillon de poussière pour une demi-journée de cavalcade. Alpha Condé, 78 ans, extrait de la carlingue son mètre quatre-vingt et sa carcasse, étonnamment souple, de bonze malinké. Une fanfare exécute Liberté, l’hymne national, dont les paroles célèbrent « l’illustre épopée de nos frères morts au champ d’honneur en libérant l’Afrique ».
Immobile, tête nue sous un soleil de plomb, le président se met en marche à la dernière note, direction la foule. Il faut le voir au milieu des gens, immergé dans le bloc compact et chamarré des écoliers hystériques, des ménagères ravies, des notables en boubou, des handicapés en extase, des mineurs casqués, heureux comme un gamin sous les yeux effarés de ses gardes du corps. Il faut l’entendre tenir meeting en soussou, secouant les épaules en communion de rires avec son auditoire. Il faut le suivre, surtout, au pas de charge, au rythme de ses impatiences, pas le temps de boire ni de picorer les brochettes du cocktail, à peine celui de finir une phrase, en mouvement perpétuel.
On regagne l’hélico lessivé, lui s’y engouffre. « Mes pairs me demandent comment je fais pour tenir ce rythme », s’amuse-t il. Réponse : massages chinois et exercices physiques, chaque jour, avec un coach. Diététique au cordeau. Et surtout une passion, qui le dévore et l’anime à la fois : Alpha Condé vit, respire, pense, transpire, rêve Guinée. Il s’endort et se réveille avec à ses côtés cette maîtresse, aussi belle qu’exigeante, qui l’a toujours habité mais que désormais il incarne, parfois jusqu’à l’excès.
Même si Alpha II, celui du second quinquennat, a appris – un peu – à déléguer, il reste le président de tout et de partout, constamment en alerte, attentif au moindre détail, obsédé par les résultats. Arrivé septuagénaire au pouvoir, après une vie de combats politiques, il sait que l’horloge tourne vite et que les Guinéens, qui l’ont réélu en octobre 2015, ne lui ont pas signé un chèque en blanc. Alpha Condé, l’homme pressé, court après le temps.

Un premier mandat mouvementé
Retour à Conakry, presqu’île capitale de plus de deux millions d’habitants, au bord de l’infarctus circulatoire, que ponctuent çà et là des chantiers, immeubles neufs et hôtels de luxe, preuve que l’image d’une Guinée terre maudite des investisseurs se dissipe peu à peu. Entre le cinq-étoiles Palm Camayenne ouvert par la filiale équato-guinéenne du groupe espagnol Unicon, le Sheraton des Américains de Starwood, le Noom financé par l’homme d’affaires sénégalais Yérim Sow, ou les résidences haut de gamme de Plaza Diamant commercialisées par China Dreal Group, ce sont pas moins de 250 millions d’euros qui ont été injectés ces cinq dernières années dans l’immobilier conakrien.
Certes, il en faudrait cent fois plus pour mettre sur les rails un train qui n’a jamais quitté la gare, plombé par un demi-siècle d’une gestion tour à tour paranoïaque, autiste et ubuesque. Lorsqu’il accède au pouvoir à la fin de 2010, Condé hérite d’un pays en lambeaux : voirie défoncée, eau courante et électricité quasi inexistantes, armée prédatrice et pléthorique, mentalités corrompues, vénalité à tous les étages de la fonction publique, taux de pauvreté absolue frisant les 35 % de la population…
À peine le temps de balayer les écuries et de renvoyer les militaires dans leurs casernes que survient, en juillet 2011, une tentative d’assassinat menée par un quarteron d’officiers revanchards proches de son prédécesseur, le général Konaté.
Fin 2013, c’est au tour de la grande faucheuse Ebola de s’introduire par la porte de la forêt, avant de vitrifier tout le pays pendant deux ans. Sans oublier les coups de boutoir d’une opposition acerbe, les violences électorales de 2013 et 2015, la chute des cours des minerais de fer et de bauxite et le décès de l’homme qui a le plus compté dans sa vie, son frère Malick.
Vers une croissance à deux chiffres
Ceux qui n’ont pas cessé de le fréquenter pendant ces années sombres le savent : s’il est arrivé à Alpha Condé de vaciller, ce ne fut jamais au point de craquer, d’abandonner un pouvoir qu’il aime autant pour ce qu’on en fait que pour ce qu’il est. L’inauguration, en septembre 2015, du grand barrage de Kaléta, suivie neuf mois plus tard par l’annonce officielle de la fin de l’épidémie d’Ebola, a redonné quelques couleurs à un taux de croissance voisin de zéro.
Les dernières prévisions du FMI, qui a conclu sa dernière revue, le 28 octobre, sur un satisfecit global, tablent sur 5,2 % en 2016 – une bouffée d’oxygène, même si le président estime qu’il faudrait à la Guinée « une croissance à deux chiffres ». Reste que dans le secteur minier la résilience des Chinois de Chinalco compense à peine les effets du retrait de Rio Tinto du gisement de fer magique de Simandou, le plus grand au monde, pour cause de surproduction et de cours plancher. Quant aux investisseurs « lourds » et aux financements privés, ils hésitent toujours à prendre le chemin d’un pays classé 163e (sur 190) au dernier classement « Doing Business ».
Angoissé par l’idée fixe de se donner les moyens d’agir sur le quotidien d’une population sortie exsangue de la calamité Ebola, Alpha Condé fait alors ce qu’il sait aussi faire. Louer un avion, s’envoler pour la Turquie où Recep Tayyip Erdogan l’attend pour un déjeuner de travail, se lancer à corps perdu dans une visite d’État de dix jours en Chine, mouiller l’abacost et le boubou, puis revenir début novembre à Conakry chargé de contrats et de promesses.
« Tant que Dieu et mon corps me porteront, je remonterai sans cesse au front », dit-il, avant de balayer d’un revers de la main les arguments habituels de ceux qui, en Occident, pointent le risque de sino-dépendance. « La Guinée n’est la chasse gardée de personne, mais la Chine est le premier acheteur de nos minerais et le seul pays à s’engager à nos côtés avec une telle constance. Je crois en la coopération Sud-Sud et j’ai besoin de résultats. »
Dans cette guerre pour le salut de la Guinée, le soldat Alpha ne compte guère sur sa communication. Il n’a cure de ces officines qui vous facturent une heure de rendez-vous au prix d’une cargaison de riz, se soucie comme d’une guigne de son image et n’a passé de contrat avec aucun cabinet, français ou américain. Il est vrai que tenter de corseter cet électron libre dans le moule d’un casting médiatique susceptible de brider sa spontanéité et de canaliser sa proximité avec les Guinéens relève de la mission impossible.
Mais il compte sur son réseau d’amis fidèles, anciens condisciples de Sciences-Po et de la Sorbonne, comme l’ex-ministre Bernard Kouchner, le banquier et éditeur Jean-Paul Dessertine ou Étienne Mougeotte, une poignée de professionnels des médias, des entrepreneurs influents tels Vincent Bolloré ou l’Italo-Érythréen Makonnen Asmaron et même un milliardaire philanthrope, l’Américain George Soros, auprès de qui il cherche volontiers conseil.
Hommes de confiance
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la plupart des membres du « réseau Alpha » – qui compte également nombre de personnalités africaines du monde des affaires et de la politique – lui sont attachés pour des motifs désintéressés. Simplement parce que cet homme, son parcours, ses convictions, sa gueule d’acteur de cinéma, sa simplicité un peu rude, son charisme de militant couturé ont le don de déclencher l’empathie et de susciter l’adhésion. Il en est un qui les surpasse tous, côté fiabilité, confiance réciproque, complicité humaine, écoute et proximité : l’universitaire Albert Bourgi.
Même si Alpha et Albert ne sont pas d’accord sur tout (le premier entretient, depuis le début des années 2000, des rapports compliqués avec Laurent Gbagbo par exemple, alors que le second lui est toujours resté fidèle), il est impossible de glisser entre eux une simple feuille de papier à cigarette tant leur fraternité paraît indéfectible. Autre cercle : celui des amis chefs d’État, les camarades Boubacar Keïta, Issoufou et Kaboré en tête, mais aussi Denis Sassou Nguesso, avec qui il a préparé sa visite officielle en Chine, et, plus récemment, Paul Kagame – sans oublier évidemment François Hollande, dont il est proche.
Un président français en grande difficulté, à qui il « souhaite le meilleur », tout en précisant que « les relations entre la Guinée et la France sont d’État à État, pas de personne à personne ».
Noyau dur enfin : la famille. Peu nombreuse, en tout cas peu visible, à l’image de la première dame, Djéné Kaba, une cadre de la diaspora épousée à Paris où elle a travaillé au sein de l’Agence de la francophonie, puis de la fonction publique française et qui gère aujourd’hui sa propre fondation. Ou encore de son seul fils, Alpha Mohamed, quadra formé aux États-Unis, très discret lui aussi, objet de beaucoup de fantasmes de par son rôle de conseiller spécial et d’intermédiaire entre son père et le monde anglophone des miniers, mais à qui on ne connaît ni frasques ni comportements ostentatoires.
Travailleur
Dans son palais de Sékhoutouréya, grande bâtisse sans attrait particulier construite par les Chinois et inaugurée à la fin des années 1990 par Lansana Conté, Alpha Condé vit et travaille. Ou plutôt nomadise, car il n’est pas rare de le retrouver, à toute heure du jour ou de la nuit, assis dans le bureau de l’un de ses collaborateurs, relisant des parapheurs, ses inséparables téléphones portables à portée de main.
À l’instar de son directeur de cabinet, le mathématicien Ibrahima Khalil Kaba, l’entourage proche a été renouvelé au profit d’hommes jeunes, diplômés d’universités américaines, hyper connectés et parfaitement à l’aise dans la langue de Shakespeare. Une irruption de modernité, perceptible également au sein du gouvernement, qui a suscité de vives réticences parmi les caciques du RPG (Rassemblement du peuple de Guinée, au pouvoir), inquiets de ce qu’ils ressentent comme une mise à l’écart des compagnons « historiques » du chef.
« Il n’y a pas de parti-État en Guinée », répond Alpha Condé, qui assume cette réorganisation dans laquelle d’aucuns voient la patte d’un expert en la matière, l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair. Le RPG, il est vrai, doit tout à son fondateur.
Il faudra bien, de toute façon, que les baobabs du parti et ceux de la communauté malinkée, dont le président ne s’est pas privé de critiquer en public le passé politique pas toujours glorieux, s’y fassent. Alpha II, qui a déjà obtenu le ralliement de Sidya Touré, nommé haut représentant du chef de l’État, et signé la paix avec l’opposant Amadou Bah Oury, a décidé de faire entrer la Guinée dans une nouvelle ère – dont on ne sait encore combien de temps elle durera –, celle de la paix civile. Un retournement de situation qui a surpris, par sa célérité, nombre de Guinéens.
Préserver la paix civile
Le 16 août dernier, le principal leader de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, fait descendre dans les rues de Conakry des milliers de ses partisans avec un slogan explicite : « Alpha démission ! À bas la dictature ! ». Des échauffourées éclatent avec la police. Bilan : un mort, et une douzaine de blessés de part et d’autre. Le spectre des affrontements sanglants de 2013 et 2015 ressurgit et la capitale retient son souffle. Moins de deux semaines plus tard pourtant, Alpha reçoit Cellou et les deux adversaires conviennent des bases d’un dialogue national qui débouchera, le 12 octobre, sur un accord consensuel, afin d’organiser les futures élections (communales en février 2017, législatives l’année suivante).
Un homme a joué un rôle clé dans ce rapprochement entre Alpha Condé et le chef de la communauté peule : Tibou Kamara, ancien ministre à la fin des régimes militaires, beau-frère du président gambien Yahya Jammeh, résident usuel au Maroc, très proche de Cellou Dalein Diallo et apprécié de l’hôte de Sékhoutouréya… lire ici la suite de l’article sur Jeune Afrique

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