Espace santé : le bec-de-lièvre avec le professeur Rafiou Diallo

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Conakry, le 05 Janvier 2018 – Le bec-de-lièvre était naguère, la dénomination courante des fentes labiales et palatines. Il s’agit de malformations congénitales dont un très petit nombre est d’origine génétique, les autres survenant de façon sporadique. Il en existe plusieurs formes. Premièrement les fentes de la lèvre supérieure, parfois une simple encoche mais qui peut aller jusqu’à la narine. Deuxièmement, les fentes labio-maxillaires qui se prolongent sur la gencive. Ces malformations peuvent être bilatérales. Enfin, les fentes du palais, plus ou moins étendues, isolées ou associées éventuellement à une des fentes précédentes. On rapproche du bec-de-lièvre une autre malformation, le colobome : c’est une grande fente oblique de la face, allant de l’angle interne de l’œil à la lèvre supérieure, en respectant le nez. L’explication de ces malformations est simple : au cours des deux premiers mois du développement de l’embryon, la face se forme à partir de plusieurs massifs cellulaires, les bourgeons faciaux, qui sont initialement séparés les uns des autres se rapprochent peu à peu et c’est leur fusion qui donne l’aspect général du visage. La correction de ces anomalies se fait chirurgicalement dès les premiers mois, pour éviter des complications dont les problèmes de langage et ultérieurement, sur un visage plus grand, la chirurgie esthétique corrigera les séquelles de la première intervention. On y adjoint en général une orthodontie et une rééducation orthophonique. 

Bonjour Professeur Rafiou Diallo, vous êtes chef du service de chirurgie en odontostomatologie et Chirurgie maxillo-faciale. Expliquez aux lecteurs, les problèmes de fente labiale, labio –palatine, ainsi que les malformations diverses observées dans la population guinéenne !

Je voudrais d’abord vous remercier, d’avoir fait le déplacement pour cette interview susceptible de sensibiliser et de faire connaitre certaines pathologies à la population guinéenne, et d’expliquer leurs prises en charge.

En ce qui concerne les malformations appelées fente-palatine, naguère qualifiées de bec de lièvre, il s’agit d’une pathologie congénitale, en rapport avec l’absence de soudure des différents bourgeons formant la face pendant la période embryonnaire. La pathologie apparait au cours de la grossesse, et l’enfant naitra obligatoirement avec une malformation. La face se forme à partir des troisième et quatrième semaines de la vie intra utérine à partir de petits bourgeons qui sont aux nombre de cinq : le premier formera le nez (bourgeon frontal), les deux autres latéraux formeront les mâchoires supérieures par soudure et les deux derniers formeront en bas la mandibule par le mécanisme de migration, donc de rapprochement vers la région centrale et par le phénomène de désipermidation.

C’est donc l’absence de migration et de soudure au cours de cette période de grossesse qui entraînera sur le bébé une malformation qui sera labiale si ça ne concerne que la laine ; donc malformation liée aux bourgeons qui constituait les deux maxillaires ou une mal formation labio-palatine si la malformation est intervenue au cours de la migration des bourgeons maxillaires. Il y’a aussi d’autres malformations au niveau de la face, mais qui sont plus rares, qui sont la malformation latérale des fentes au niveau de la lèvre inférieure et ainsi de suite. Mais les malformations les plus couramment connues ce sont ces malformations au niveau de la lèvre supérieure qu’on appelle bec de lièvre ou des malformations au niveau du palais et de la lèvre qu’on appelle fente labio-palatine.

Qu’est ce qui cause cette malformation dès les premières semaines de grossesse ?

C’est une question pertinente, parce que si on comprend cela, on effacera beaucoup de préjugés autour de nos sœurs, de nos mamans qui mettent au monde ces enfants, ça c’est fondamental. Dans les temps, au sein de la société africaine, on disait que c’était en rapport avec un djinn, un sorcier, une sorcière, ou bien c’est parce qu’elle n’a pas respecté son mari. Sur le plan scientifique, c’est connu que ça n’a rien à voir avec ces préjugés. Par contre, on sait clairement aujourd’hui que ces malformations sont en rapport avec plusieurs facteurs, donc c’est des malformations qui sont multifactoriels :

– Le premier facteur est héréditaire, les parents qui ont eu dans leurs ascendants des enfants malformés mettront plus tard au monde soit à la première, deuxième ou troisième génération un enfant qui présente une fente labio palatine. Le risque est plus grand dans la population qui a ces gènes de la malformation.

– Deuxième facteur, c’est les facteurs liés aux maladies, notamment les maladies du premier trimestre de la grossesse. Les infections chez des femmes peuvent entrainer cela, des maladies chroniques ou d’autres pathologies comme la syphilis, la tuberculose, sont reconnues aujourd’hui comme facteur de risque de survenue de ces mal formations. Ajoutez à cela la prise de médicaments non prescrits au cours de la grossesse, contenant des molécules suspectées d’entrainer à la longue des malformations.

– D’autres facteurs, sont des facteurs environnementaux, c’est notamment l’écologie qui, si elle n’est pas saine au fil du temps engendre des changements génétiques.

Quelle est l’incidence de cette malformation sur la Guinée ? 

Malheureusement il n’y a pas d’études effectuées sur cette pathologie en Guinée. Le peu de données qui existent, n’est pas représentatif pour l’ensemble de la population nationale. Tout ce qu’on sait, c’est que c’est une pathologie très fréquente en Guinée malheureusement et que selon les données statistiques hospitalières, la région de la Moyenne Guinée est la plus grande pourvoyeuse de ces pathologies, ce qui ne signifie pas qu’elles n’existent pas dans d’autres régions du pays.

Comment peut-on diagnostiquer cette malformation chez les enfants ?

La médecine évolue ; cette malformation est diagnostiquée actuellement à la phase anténatale, donc avant que l’enfant ne naisse, grâce aux échographies effectuées au cours de la grossesse notamment les trois premiers mois. Comme la face est déjà formée, on peut visualiser la lèvre supérieure notamment au niveau du palais et à partir de là, on peut diagnostiquer que l’enfant naitra avec une mal formation et ceci reste valable dans les pays les plus développés.

Dans nos pays, malheureusement, ce n’est qu’à la naissance que la sage-femme constate que l’enfant est né avec une mal formation. Le diagnostic clinique n’est posé qu’après la naissance. 

Comment peut-on traiter cette pathologie ?

Dès après le diagnostic, il faut savoir orienter les malades. Malheureusement dans la plupart des cas, les investigations ne continuent pas après la naissance pour savoir si  la pathologie peut être traitée. Il est utile de savoir que de nos jours, la pathologie peut être traitée à 100% par des moyens et des techniques diverses. En Guinée même, depuis quelque temps, nous avons des possibilités de prendre en charge ces enfants.

Au niveau de la lèvre, c’est déjà à partir du troisième mois que le traitement est fait si l’état de l’enfant le permet. Le programme de prise en charge inclut également les parents de l’enfant atteint d’une malformation ; en effet, psychologiquement, il est très difficile de la faire accepter, d’où l’intérêt du diagnostic anténatal posé avant la naissance pour prévenir les parents qu’ils vont mettre au monde un enfant avec une malformation.

C’est par une chirurgie très bien maîtrisée, et bien codifiée pour laquelle l’hospitalisation ne dure en moyenne que deux ou trois jours. Vous pouvez imaginer le résultat au bout de ce délai. L’enfant reviendra les jours suivants pour la consultation jusqu’à ce qu’on retire les points de suture. L’enfant restera sous surveillance jusqu’à la fin de sa croissance. L’objectif consistant à surveiller la croissance maxillaire jusqu’à l’âge de 18 ans.

Ces enfants ont souvent des complications faciales, d’où l’intérêt du suivi régulier. S’il présente une fente au niveau du palais, le lait maternel va passer de la cavité buccale dans le nez, qui communique avec la bouche. Des infections pourraient donc survenir au niveau des voies aérodigestives supérieures parce que souvent l’enfant va faire des inhalations, et inspirer le lait. Chez certains enfants, des asphyxies pourraient entraîner des arrêts cardiaques ; d’où l’intérêt de travailler avec les mamans dès la naissance, leur apprendre la position adéquate pour faire téter l’enfant.

Je dois ajouter que la prise en charge, n’est plus payante et qu’elle est gratuitement faite en collaboration avec la clinique de Dr Sow à la Minière, en attendant la fin de la rénovation de l’hôpital Donka.

Pour finir docteur, quel conseil particulier pouvez-vous adresser aux populations ?

Les parents d’abord, doivent comprendre qu’après l’opération de la malformation, leur enfant deviendra physiquement normal, et grandira sans problème particulier. Aucune inquiétude à avoir donc : il suffit simplement de faire les consultations à temps. Aux personnels de santé ensuite, nous devons persister à diffuser toutes les informations dans les villages les plus reculés, afin que tous les enfants qui naissent avec des malformations, aient la possibilité de se rendre aux endroits indiqués pour une prise en charge. J’espère donc que cette interview participera à une large diffusion pour éviter que ces enfants ne restent toute leur vie à la charge des parents.

L’Etat doit aider à mettre au point un programme national, facilitant la prise en charge de ces enfants par les spécialistes.

Je vous remercie.

 

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