La chronique de Mamadou Dian Baldé : Sous la pression de la rue, le coup de poker d’Alpha Condé

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Le directeur de publication de L’Indépendant-Le Démocrate, Mamadou Dian Baldé a consacré sa chronique de ce dimanche, aux recettes proposées par le président Alpha Condé pour sortir de la crise qui agite les milieux de l’enseignement pré-universitaire, dont le fameux remaniement ministériel annoncé, et qui reste pour le moment lettre morte.

Cette chronique est servie tous les dimanches sur City fm, en avant-première de l’émission « A vous de convaincre ».

Talibé Barry : Bonjour Mamadou Dian Baldé. Vous vous penchez sur l’actualité brûlante de la semaine, et vous nous servez une chronique qui s’intitule « sous la pression de la rue, le coup de poker d’Alpha Condé ». De quoi cela retourne-t-il M. Baldé ? 

Mamadou Dian Baldé : En scrutant ses faits et gestes de ces derniers jours, c’est comme si Alpha Condé est en train de céder avec le couteau sous la gorge, avec la pression de la rue qui se fait plus forte. En effet, pour conjurer la crise socio-politique qui paralyse son pays depuis un mois, suite à la grève des enseignants, mouvement, auquel s’est greffée la crise post-électorale, le chef de l’Etat opte finalement  pour un changement de cap.

Il y a d’abord eu  cette annonce faite sur un éventuel coup de balai au sein du gouvernement. Alpha Condé qui semblait apparemment gêné aux entournures, face à la fermeture des écoles du cycle pré-universitaire et de l’élémentaire, depuis un mois, a tenté de faire pièce aux femmes, fortement mobilisées lors de la célébration de la Journée internationale des femmes, sur l’esplanade du palais du peuple, le 08 mars.

Comme à son habitude, le président a eu recours à un habile tour de passe-passe, qui consiste à se défausser sur ses collaborateurs. En affirmant, avoir été « trompé » par ses ministres, qui lui ont caché la vérité dans ce bras de fer avec le syndicat de l’éducation. Il promet donc de procéder à un vaste remaniement ministériel, sans toutefois donner de détails sur ses intentions. De quoi nourrir le suspense et l’angoisse dans la cité, chez les ministres, qui sont dorénavant sur des sièges éjectables.

Même si certains observateurs craignent que cette sortie du chef de l’État ne soit que de l’enfumage.

Après la promesse faite de changer de logiciel, le pouvoir a, dès le lendemain de la fête des femmes, décidé de délier les cordons de la bourse pour s’acquitter des 30% restants des 40% dûs  aux enseignants. Histoire sans doute de trancher le nœud gordien. Mais le Slecg est resté sourd à toutes ces propositions, et a renvoyé le gouvernement à mieux se pourvoir.

Comme pour dire que le coup de poker tenté par le président, pour reprendre la main, a pour le moment échoué.

Justement le président Alpha Condé, le 08 mars dernier, a agité le chiffon rouge d’un remaniement ministériel imminent. Mais vous, vous restez sur vos gardes, et vous pensez que c’est un remaniement après tout, pour que rien ne change ? 

Ça m’en a tout l’air. Il faut commencer par mentionner que depuis l’annonce faite par le chef de l’État de son intention de remanier son gouvernement, tous les regards sont tournés vers Sékhoutouréya. Mais en attendant d’apercevoir la fumée blanche se dégager du toit du palais présidentiel, le président entretient le suspense.

Il dit vouloir écouter, avant le grand chamboulement annoncé, les magistrats, les transporteurs, les médecins et les jeunes, en vue de recueillir leurs complaintes et récriminations. Certains observateurs voient dans cette démarche, une manœuvre dilatoire du président. Car cet animal politique à sang froid, bien qu’étant ces derniers temps comme un oiseau sur la branche, ne voudrait sans doute pas agir sous la contrainte de la rue, en démettant ce gouvernement, qu’il a saqué avec véhémence, devant des milliers de femmes rassemblées au palais du peuple, lors de la célébration du 08 mars.

Sous d’autres cieux, cette rupture de confiance entre le président et son gouvernement, aurait dû entraîner de facto la démission de Mamady Youla et son équipe. Mais nos cadres, réputés pour leur frilosité et leur goût immodéré pour l’argent, préfèrent s’agripper à leur strapontin, jusqu’à l’humiliation. Quant à ce remaniement grandeur nature, annoncé par Alpha, l’opinion reste dans sa majorité incrédule comme Saint Thomas. Car ce pouvoir est passé maître dans l’art des effets d’annonce, vides de sens. Et la population qui s’attendait à ce que du beurre soit mis dans ses épinards, depuis 7 ans, a l’air complètement désabusé. Comme le dit l’adage « chat échaudé craint l’eau froide. »

Il n’y a d’ailleurs pas de quoi pavoiser. En attendant de connaître la physionomie du futur gouvernement.

Car comme le dit Lampedusa « il faut que tout change, pour que rien ne change. »

Surtout que le président de la République n’a jamais pu donner un coup de pied dans la fourmilière, depuis son avènement aux affaires en 2010.

Vous nous parliez de remaniement annoncé par Alpha Condé, de ce pas, vous sautez à pieds joints pour donc vous retrouver dans la crise post-électorale, et vous  n’y voyez rien d’autre qu’une « bouteille à l’encre » ? 

Faute d’avoir eu gain de cause auprès de la Ceni, qui s’était engagée à un réexamen des procès-verbaux litigieux, l’opposition veut aller au clash avec le pouvoir. Parmi les actions décrétées pour le moment par les opposants, il y a la journée ville morte prévue ce lundi dans la capitale, qui sera suivie d’une manifestation pacifique, sur toute l’étendue du territoire national, le mercredi. Nous avons dorénavant une opposition qui s’est affermie, dans sa posture. Et qui entend le démontrer à travers des actions de désobéissance civile, qu’elle veut multiplier à la vitesse grand V.

Face à cette opiniâtreté des opposants, le pouvoir se réfugie dans une fuite en avant, qui consiste à dire que la crise post-électorale et la grève syndicale, seraient le fruit d’une conspiration qui couve il y a longtemps. Ces passes d’armes musclées sont la preuve que le pouvoir et l’opposition campent sur des positions inconciliables. On en est donc réduit à la quadrature du cercle.

Quadrature du cercle, parce que ce qui se passe également à la Cour constitutionnelle y ressemble à s’y tromper, parce qu’on a vu 8 conseillers maîtres annoncer la destitution du président de l’institution, Kèlèfa Sall. Et pour vous, ce n’est rien d’autre également qu’un « psychodrame sur fond de défiance institutionnelle »…

Les conseillers maîtres  de la Cour constitutionnelle viennent de se donner en spectacle, en se liguant contre leur président  Kèlèfa Sall, qu’ils disent avoir « destitué ».

Le péché de ce dernier est d’avoir procédé au renouvellement par tiers des membres de l’institution. Procédé qui consiste à tirer au sort 3 commissaires et à les remplacer par des membres issus de leurs structures d’origine. C’est là une disposition de la loi, selon les juristes. Les 8 commissaires bottent en touche, en arguant agir en vertu d’une loi organique et d’un règlement intérieur de l’institution. Ils semblent fouler au pied l’inamovibilité du président de la Cour, élu pour 9 ans, non renouvelables, en vertu de l’article 101 alinéa 2 de la constitution. Cette décision des commissaires a provoqué une levée de boucliers au sein de l’opinion. C’est ainsi que  des constitutionalistes, et non des moindres, comme Dr Salif Sylla, ancien garde des sceaux, ne cachent pas leur amertume et leur colère contre cette décision de « destitution » du président de la Cour constitutionnelle.

Dr Salif Sylla qualifie d’ailleurs cette crise qui secoue l’institution de « chaos juridique et institutionnel. »

L’opposition n’est pas restée indifférente à cette crise. Et elle l’a fait savoir, à travers   son soutien au président Kèlèfa Sall, à l’issue d’une plénière qui s’est déroulée jeudi. Cellou Dalein Diallo et ses pairs soupçonnent en effet, une manœuvre du palais Sekhoutouréya, pour évincer Kèlèfa Sall, cet « empêcheur de tourner en rond ». Devenu un symbole anti-troisième mandat, depuis qu’il a mis le chef de l’État en garde contre d’éventuelles sirènes révisionnistes, le président de la Cour constitutionnelle s’est attiré les foudres du pouvoir, qui l’a dorénavant dans le nez.

À l’allure où vont les choses, il faut se demander à quand la fin de ce psychodrame, qui est venu confirmer la fragilité de nos institutions républicaines. Quant aux 8 conseillers maîtres  frondeurs, ils se sont plutôt à travers leur attitude, déconsidérés aux yeux de l’opinion.

 

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