Solution des contentieux électoraux du 4 février 2018 : le point de vue d’Elhadj Sidiki Kobélé Keïta…

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Depuis le 4 février dernier, les Guinéens attendent en vain l’installation des conseillers communaux. Pouvoir et opposition ne parviennent pas à s’entendre sur une solution aux contentieux électoraux. Elhadj Sidiki Kobélé Keïta, enseignant-chercheur et auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire récente de la Guinée a jugé bon d’apporter sa contribution pour aider à la décrispation du climat politique en Guinée. Mediaguinee vous la livre in extenso…

La solution des contentieux électoraux du 4 février 2018 : Consensus des partis politique ou reprise des scrutins dans les circonscriptions à conflits ?

                                                                               Mon point de vue

Depuis le début des travaux du Comité de dialogue, l’attitude de certains partis politiques nous laisse pantois. Il est temps que tous comprennent que le peuple de Guinée s’est fondamentalement déterminé et définitivement : pour se donner ses représentants au sein de ses différentes institutions locales ou nationales, il a choisi la voie démocratique et non sur la base du consensus des partis politiques ?  

Et comment peut-on se dire démocrate et vouloir se substituer coûte que coûte au peuple pour ce choix ?

 En d’autres termes, comment peut-on continuer à saigner les populations guinéennes- déjà pauvres- en gaspillant des milliards de francs guinéens pour l’organisation d’élections si, au final, on ne tient pas compte des résultats des urnes, si les partis politiques tiennent, mordicus, à se choisir la solution qui les arrange ?

Ainsi des élections communales du 4 février 2018 : les partis politiques qui y ont participé doivent   laisser, au peuple de Guinée, le droit de résoudre les contentieux ou conflits qu’il a lui-même créés.

En effet, certains résultats ayant été contestés dans certaines circonscriptions, il n’y a, logiquement, qu’une solution démocratique (mais faut-il être de vrais démocrates pour le vouloir !) : recourir à un autre scrutin mieux encadré –puisque limité- afin que les électeurs des circonscriptions à conflit départagent définitivement les candidats : tous ne se sont-ils pas déclarés victorieux dans ces zones, à l’issue de la consultation ?

 C’est en ce sens que nous avons envoyé, à certains membres guinéens du comité de dialogue, la lettre du 10 avril 2018 que tous ont reçue le 12 avril 2018, donc bien avant le début des travaux, comme la liste   des réceptions en fait foi :

« Conakry, le 10 avril 2018       

 A          –              

Monsieur le ministre Bourèma Condé, Président du comité de suivi de dialogue de  la mise en œuvre de  l’accord du 12 octobre 2016 

 M. Salim Cissé, secrétaire général du RPG

M. Damaro Camara, président du groupe parlementaire RPG-ARC-EN- CIEL

Elhadj Cellou Diallo, président de L’UFDG

Elhadj Sidya Touré, président de l’UFR

CNOSCG

CONASOC

CENI

Je me permets, en tant que cadre patriote qui s’adresse à des patriotes, de soumettre,  à votre haute appréciation, une  proposition   qui me taraude  et qui me semble la plus  indiquée, dans le contexte actuel,  pour  solutionner définitivement les contentieux électoraux du 4 février 2018 qui continuent à nous   empoisonner.

Comme vous le savez, au sortir de l’expérience de 26 ans de parti unique, le Peuple souverain  de Guinée s’était  doté, par référendum, d’une Loi Fondamentale le 23 décembre 1990,  la seule mouture légitime  et   légale des constitutions tripotées  depuis lors, sans son aval.

A l’époque, tout le monde était d’accord pour le multipartisme, mais différait sur le nombre et l’approche. Le peuple, référence suprême, avait fini par trancher en faveur de deux partis.

L’article 95 alinéa1 de cette mouture   consacrait ainsi deux partis   pour préserver et consolider  l’unité nationale héritée de la Première République.  L’on a dû s’inspirer  certainement du cas sénégalais de multipartisme limité (1976-79). Certes l’expérience n’aurait pas duré, mais   l’anarchie ordonnée dont nous souffrons aujourd’hui aurait été étouffée dans l’œuf et rendue impossible dans un pays apaisé  et plus conscient de l’importance de la paix. 

Malheureusement, sous diverses pressions insensées et irréfléchies, le CMRN, qui n’avait aucune vision unitaire pour le peuple, avait fini par  céder : le multipartisme  intégral a été instauré par une  loi organique votée le 23 septembre 1991, par une structure  illégitime et illégale, le CTRN. Le comble, c’est que cette loi n’a pas été soumise à un référendum comme l’exige la logique: l’article 95 alinéa 1, a donc été sciemment violé.  Et la charte des partis politiques, la moins contraignante de la sous-région, destinée à atténuer les effets pervers de ce  multipartisme anarchique n’a jamais été  appliquée.

C’est dans cette situation  que s’inscrivent tous  les  conflit électoraux  guinéens.

Ceux du 4 février 2018 en particulier. Chacun des partis   affirme  avoir emporté  dans les mêmes circonscriptions en conflit. 

Aussi, puisque   nous avons opté pour la démocratie multipartite  ayant pour fondement le peuple  et que chacune des formations    se réfère au choix des électeurs des  mêmes zones, demandons à  la CENI de reprendre  les élections dans les 12 communes à conflit.

Ce sont donc les électeurs  de ces circonscriptions, qui semblent avoir créé les conflits ; c’est donc à eux de les résoudre en  départageant définitivement  les protagonistes par des votes clairs et sans faille. 

La surveillance des scrutins  sera plus aisée dans chaque zone, et nos partenaires étrangers, qui nous poussent à l’entente vitale, contribueront certainement à leur  financement.

En dehors de cette solution, nous  n’engagerons  le peuple souverain que dans une gymnastique  politicienne qui ne dégagera que des solutions batardes,  de nouvelles sources de conflits.

Or, si nous nous  livrons au tripotage des résultats contestés, aux« rectifications   arrangées »,   on aura encore  violé la loi qui est pourtant claire ; l’on  aurait d’ailleurs  dû  appliquer celle-là depuis longtemps avec courage et sans craindre une quelconque réaction.

 Mais la peur quand tu nous tiens!

 Ayant refusé de le faire, nous avons encore    préféré   nous livrer  à des arrangements biscornus ou hasardeux  dont les résultats, qui seront unanimement condamnés, provoqueront sûrement des conflits. Ce qu’il faut éviter à tout prix  dans l’intérêt du peuple de Guinée qui a trop souffert du multipartisme désintégrateur qu’on lui a  imposé sous le prétexte fallacieux que c’est l’une des exigences des bailleurs de fond…

Nous  estimons donc que la  seule façon de contourner la loi sans donner l’impression de la violer   fondamentalement, c’est de recourir aux électeurs des zones à conflit afin que la  solution qui en sortira ne soit ni  diffuse, ni  une source de  nouveaux contentieux dans ces zones. 

C’est dire que si nous   voulons  solutionner définitivement   les  conflits électoraux   du 4 février 2018, nous devons conserver  leur caractère local  en procédant à des  consultations  locales ; nous aurons ainsi montré que nous sommes de vrais démocrates  qui n’ ont pas peur du verdict du peuple;  également  démontré  que tous les arguments   politiciens  dont nous   nous abreuvons   ne sont pas  de mises.

 Nous insistons : la  soumission de nos récents conflits électoraux  à des scrutins  limités aux douze zones à conflit est la seule solution qui vaille ; ceux qui la rejetteront, prouveront tout simplement  qu’ils ne croient pas en la démocratie même dans son sens primaire et qu’ils veulent  indisposer tout le monde,   effrayer en particulier  les bailleurs de fond et les investisseurs étrangers, donc empêcher  le développement de la Guinée.

La reprise de  l’organisation de nouveaux scrutins dans les zones à conflit  est la seule solution indiquée, parce que les résultats seront incontestables ; aucune formation politique ne devrait avoir peur de cela,  à moins qu’elle ne soit certaine  de son échec.

Ayons le courage d’affronter une seconde fois les électeurs ; tout se passera normalement  et sans incident ;  les vaincus ne  s’en prendront alors  qu’à eux-mêmes, à leur électeurs ou à leurs illusions et non au Président Alpha Condé  ou à la CENI, qui ne sont pas au-dessus de la loi, donc du peuple.

Le cas  Kenyan est là : ce fut pourtant un scrutin national et non local comme le  nôtre. Mais, consulté une seconde fois, le   peuple a définitivement tranché.

Faisons mieux que les autres : consultons encore à la base.

Croyez, chers messieurs, en notre fraternelle  expression.          

                                                                                              El hadj Sidiki Kobélé Keita »

Par ailleurs, suite à   son intervention relative  aux  travaux du  comité, je m’étais permis également d’adresser cette lettre à monsieur Cellou Diallo, Président de l’UFDG 

« Conakry, le 2 mai   2018         

A         

Monsieur Cellou Diallo, président de l’ UFDG

Monsieur le  président,

Votre prise de position, relayée hier par la TV Espace, m’a quelque peu surpris  et m’amène à vous poser quatre  questions, pour  ma propre information de chercheur en histoire contemporaine de la Guinée,

Je voudrais savoir pourquoi l’UFDG préfère le consensus au respect de  la loi ?

  Je souhaiterais  connaître également, dans le cas des conflits électoraux de février 2018, les raisons qui, selon vous, ne militent pas    en faveur du recours  aux votes des électeurs des zones  à conflit pour  départager démocratiquement  les partis qui s’agrippent à des réclamations  véhémentes à propos de la tricherie  dans  ces circonscriptions (contestations des résultats proclamés,  du nombre de quartiers et districts à contrôler, dénonciations de diverses anomalies, etc. ) ?

Pourquoi votre parti choisit-il les  manifestations populaires dans les rues dont les conséquences sont  désastreuses pour notre pays aux débats à l’Assemblée nationale comme cela se fait dans tous les pays qui se disent démocratiques ?

       4 .Une autre préoccupation personnelle, la Guinée est le seul pays  que je connaisse où l’opposition, après avoir initié et organisé une manifestation politique  au cours de laquelle  il y a  des casses, exige que ce soit le gouvernement qui indemnise  les victimes ?

Dans l’espoir d’une réponse enrichissante, croyez, Mr le président de L’UFDG, en l’expression de ma haute et déférente considération ».

Puisque je n’ai reçu aucune réponse, j’ai  considéré  l’intervention du  11 mai 2018, de Mr Cellou Diallo à l’émission de 6h30  de  RFI, comme une réponse négative à mes lettres des 10 avril et 2 mai 2018.

Connaissant la pratique politicienne  instaurée en Guinée depuis 2010, je ne me faisais cependant aucune illusion.

Mais à l’écoute de la suite de cette émission, j’ai cru entendre que  même nos  partenaires au développent  préfèrent cette fois, au tripotage des résultats, le recours  à l’arbitrage des  électeurs  des circonscriptions à conflit ; ils auraient même   vivement   recommandé cette solution démocratique.

En effet, à quoi sert  la démocratie multipartite en Guinée si les décisions du peuple   ne sont pas prises en considération, toujours violées  pour satisfaire des ambitions politiciennes  dont les   auteurs regretteront,  à la longue, les conséquences  négatives ?

La  solution que certains partis  voudraient   nous  imposer  n’ est ni logique , ni   viable   puisqu’ elle consiste à se   substituer, une fois de plus,  au peuple et  créer  des frustrations  que certaines militants  victimes d’ autres partis ne   pardonneront  jamais    à leurs organes dirigeants.   

La loi n’ayant pas été respectée, la crise née des élections du 4 février 2018 n’a plus qu’une seule solution: le recours aux électeurs des circonscriptions où elle est née. Rejeter cette solution, c’est montrer   qu’on a peur d’être désavoué par les  électeurs des zones concernées.

Si cette solution raisonnable avait été retenue depuis qu’elle avait  été suggérée, nous aurions déjà  achevé l’installation des nouveaux  organes dirigeants communaux.

Ayons pitié du peuple laborieux de Guinée !

          El hadj Sidiki Kobélé Keita

 

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1 commentaire
  1. Diakite dit

    Bien dit, Mr Sidiki. Je vous connais par vos écrits. Aussi longtemps que durera cette façon de faire la politique, nous ne connaîtrons jamais la paix. Paix durable.

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