Crise à la Cour constitutionnelle : attention au piège des pseudo-juristes commentateurs ! (Par Abdoulaye Barry)

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Depuis le début de la crise intervenue à la Cour Constitutionnelle entre les conseillers et leur Président, plusieurs personnes tentent d’alimenter le débat en faisant de l’intox.

Parmi ces personnes, on peut noter l’intervention du Professeur TOGBA ZOGBELEMOU qui a fait de grandes confusions entre les notions de destitution, de révocation et de l’état d’empêchement.

Si vraiment, il avait pris la peine de faire une lecture objective de la loi organique relative à la Cour Constitutionnelle, il pouvait se rendre compte que les notions de destitution  et de  révocation sont prévues à l’article 11 de ladite loi et que l’état d’empêchement est régi par l’article 10 de la même loi.

C’est pour dire que les deux premiers concepts concernent tous les membres de la Cour qui, s’ils arrivent à commettre un délit, crime ou parjure sont susceptibles d’être destitué ou révoqué après une condamnation définitive par la Cour Suprême.

Mais ce qui est bizarre, aucun juriste, aucun praticien du droit n’a voulu lire ou simplement invoquer les articles 7, 8, 9 et 10 de la loi organique relative au fonctionnement de la Cour constitutionnelle qui parlent de l’élection du Président et du vice-président.

Ceux-là, en plus de leur qualité de membre détiennent un mandat électif de neufs ans pour le premier et de deux ans pour le second.

En cette matière et en ce qui concerne le Président,  l’article 10 de la loi organique est très claire car elle dispose que « L’élection du nouveau Président de la Cour constitutionnelle a lieu quinze (15) jours au moins avant l’expiration des fonctions du Président en exercice ou après la constatation de l’empêchement définitif de ce dernier »

Dans le champ du droit constitutionnel, l’empêchement rend impossible, en droit, ou en pratique, la poursuite d’un mandat ou d’une fonction, des plus hautes autorités, d’une manière temporaire ou définitive.

Cette disposition n’intéresse que le Président de la Cour.

L’état d’empêchement dans ce cas précis résulte d’une situation de blocage née de la perte de confiance des conseillers à l’endroit de Kelefa SALL  et la persistance de ce dernier à se maintenir à la tête de l’institution.

Pour débloquer ce bras de fer, le même article a prévu une élection dans les 15 jours après la constatation de l’empêchement pour désigner un autre Président.

Etant donné que Monsieur Kéléfa SALL n’a pas perdu sa qualité de membre de la Cour constitutionnelle, il peut se présenter à cette élection à égalité de chance avec tout autre candidat.

C’est la logique élémentaire.

Je pouvais comprendre le raisonnement de ces « Professeurs » si le législateur avait dit que l’élection du nouveau Président aura lieu « ………15 jours après la constatation de sa destitution ou de sa révocation » ;

Mais tel n’est pas le cas.

Ces même juristes vont jusqu’à dire que la motion de défiance n’est pas prévu par les textes et que la Cour ne peut pas s’autosaisir ;

A cela je réponds tout de suite pour dire que l’article 1er dernier alinéa de la loi organique est formel sur ce point en ce qu’il a précisé que la Cour Constitutionnelle a la plénitude de compétence pour réguler le fonctionnement et les activités des pouvoirs législatif et exécutif et des autres organes de l’Etat.

La Cour Constitutionnelle ne fait-elle pas partie des organes de l’Etat ?

En tout état de cause, depuis son installation, elle a régulé le fonctionnement de l’Assemblée Nationale en statuant sur l’interdiction à la commission de délégation de voter des lois en lieu et place de la plénière de l’Assemblée de la Nationales et tout récemment le cas de la suppléance de Monsieur Baïdy Aribot.

Aussi, elle a régulé le fonctionnement de la CENI en statuant sur la crise née de la destitution de Monsieur Bakary FOFANA et la crise au sein de la HAC

Par ailleurs, je suis d’autant surpris si j’entends le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats dire qu’il ne faut pas faire un parallèle entre le cas de Bakary FOFANA et celui de Kèlèfa SALL non sans affirmer que ce dernier ne faisait pas partie de la composition qui a rendu le premier arrêt.

Ces propos relèvent d’une contre vérité manifeste.

En effet, il sait et tous les avocats le savent que deux Bâtonniers de l’Ordre des Avocats ont vu leurs mandats écourtés par des pétitions.

Et ce qui est plus effarant, c’est lui qui était à la base de l’éviction du Bâtonnier Maître Dinah SAMPIL lorsque celui-ci a proposé au Conseil de l’Ordre sa désignation comme commissaire à la CENI en lieu et place de Monsieur Salif KEBE lors du renouvellement du bureau de la CENI en 2012.

Toute la fronde a été organisée et planifiée en son temps par Maître Mohamed TRAORE et son équipe pour maintenir Maître Salif KEBE comme commissaire à la CENI pour le compte du Barreau.

Et ce sont les mêmes personnes qui ont montré le chemin à suivre à leur ami pour engager la procédure d’éviction de Monsieur Bakary FOFANA de la présidence de la CENI.

Les commissaires de la CENI pour commencer, ont rédigé une motion de défiance avant de passer à l’élection faisant de Maître Salif KEBE le Président de cette institution.

Monsieur FOFANA a saisi la Cour Constitutionnelle pour contester cette élection.

En son audience du 14 aout 2017 la Cour Constitutionnelle a rendu l’arrêt N°AC 048 dont le dispositif s’énonce comme suit « Déclare la requête de Monsieur Bakary FOFANA recevable ;

Déclare conforme à la constitution la procédure de convocation, la tenue et les décisions de l’Assemblée plénière extraordinaire de la CENI du mardi 04 juillet 2017 ;

Valide en conséquence la destitution de Monsieur Bakary FOFANA et l’élection de Monsieur Amadou Salif KEBE dans les fonctions de Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI)

Dit que le présent arrêt sera notifié au Président de la République , au Président de l’Assemblée Nationale, aux commissaires Bakary FOFANA, Amadou Salif KEBE et 17 autres.

Dit que le présent arrêt sera publié au Journal Officiel »

C’est vrai que Monsieur Kèlèfa SALL n’avait pas  présidé la composition qui a rendu cette décision. Mais il reste et  demeure que cette décision a été prise à la majorité des conseillers et elle s’impose donc à tous.

Etant parfaitement conscient que l’arrêt est insusceptible de recours, Monsieur Bakary FOFANA en bon démocrate et respectueux de l’Etat de droit, a immédiatement félicité Maître Salif KEBE.

C’est le lieu de saluer la grandeur et la hauteur d’esprit de Monsieur Bakary FOFANA.

 La Cour dans son arrêt du 12 septembre 2018 n’a fait qu’appliquer la loi tout en se référant à sa propre jurisprudence.

Il est à se demander pourquoi ceux qui crient aujourd’hui au scandale ne l’ont pas fait au temps de l’arrêt qui a validé l’élection de Maître KEBE ?

Et c’est là le piège.

Les mêmes « juristes » et politiciens accusent Le Président de la République d’être à la base de cette crise parce qu’il veut tout simplement briguer un troisième mandat.

Et ils affirment que seul le Président a le pouvoir de régler cette crise sur le fondement de l’article 45 alinéa 3  de la constitution qui dispose que « Il (Le Président de la république) assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et la continuité de l’Etat »

Je veux dire tout de suite que si le Président de la République est le garant  du bon fonctionnement régulier des pouvoirs publics, cela ne lui donne aucun pouvoir de s’immiscer dans le fonctionnement interne d’une Institution constitutionnelle et ce, en vertu du principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs.

Ce principe est énoncé à l’article  2 alinéa 8 de la Constitution qui dispose comme suit : « Le principe de la séparation du pouvoir et de l’équilibre des pouvoirs est consacré ».

Ces juristes et politiciens, en sollicitant l’intervention du Président de la République dans la résolution de la crise au sein de la Cour sur le fondement de l’article 45 alinéa 3 seront les premiers à crier sur tous les toits pour dire qu’il a violé le principe de la séparation des pouvoirs.

 Et si le P.R est capable de violer ce principe intouchable de la Constitution, il sera tout aussi capable de présenter sa candidature pour un troisième mandat.

Et le tour est joué. A bon entendeur salut.

Je ne terminerai pas mes propos sans réaffirmer encore une fois, qu’en lisant les documents que j’ai pu consulter, Monsieur Kéléfa SALL n’est destitué, ni révoqué de la Cour Constitutionnelle.

Il faut signaler enfin qu’il n’y a aucun blocage au sein de la Cour quant à son fonctionnement car elle continue toujours de siéger comme d’habitude.

Pour preuve, elle a rendu l’arrêt n°037 du 04 septembre 2018 relatif à la loi organique L/2018/044/AN modifiant la loi organique L/2012/2016/CNT, portant création, organisation de la CENI sans Kèlèfa SALL.

Abdoulaye Barry

Juriste – Consultant

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