Lutte contre les embouteillages à Conakry : un vrai challenge pour nos autorités (Par Safayiou Diallo)

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En République de Guinée à l’image de la plupart des pays africains, la circulation explose. Les problématiques de congestion risquent de s’aggraver de manière exponentielle si rien n’est fait. A date, les automobilistes rencontrent beaucoup de difficultés à circuler dans la capitale Conakry.  A certaines heures (entre 9h et 10h, à la sortie des classes dès midi ou en fin de journée dès 17h jusque parfois 21h) il est pratiquement impossible de circuler dans la ville. C’est pourquoi, bon nombre des guinéens optent pour les motos, moyen très simple de se faufiler entre les véhicules. Ils offrent ainsi une très grande fluidité dans les déplacements contrairement aux automobilistes qui passent plusieurs heures dans la circulation entrain de suffoquer les gaz d’échappement des véhicules amortis et toxiques en raison du fait que les fenêtres restent ouvertes faute de climatisation.

Causes de l’embouteillage :

L’explosion démographique : selon la banque mondiale, le taux de croissance démographique est de 67% depuis 2000 pour une croissance urbaine de près de 80%. La capitale Conakry, qui est aujourd’hui peuplée de plus de 2,3 millions d’habitants, a connu une augmentation de plus 100 % en 10 ans seulement (cf. enquête démographique sur la santé de 2016).

Selon les estimations de l’ONU, la population devrait osciller autour de 14 984 117 en 2025. Quand l’agglomération de Paris augmentait d’1 million d’habitants entre 1995 et 2015, La Guinée passait de 6 à 11 millions d’habitants sur la même période. Cet accroissement des flux démographiques qui n’avait pas été anticipés par l’Etat pose aujourd’hui d’énormes problèmes.

Cependant, l’émergence de la classe moyenne a mécaniquement entraîné un doublement du parc automobile entre 2005 (où l’on était à la série K, 11eme lettre de l’alphabet) et 2015 (fin des 15 autres lettres de l’alphabet et recommencement des A). Ce qui n’est pas sans incidence sur la situation que nous vivons aujourd’hui dans la capitale Conakry.

L’indiscipline :

L’indiscipline est la première cause des embouteillages à Conakry. Chacun croit avoir raison et personne ne cède le passage à l’autre. Chacun se fait passer pour le plus pressé et le plus important. Parfois, en plein bouchons tu entends des sirènes des véhicules des personnes parfois qui sont les moins importantes de l’Etat avec des véhicules de policiers ou des motards devant forcer le passage et ainsi ouvrir la pagaille à d’autres usagers impatients. Parfois, tu passes les carrefours sans même voir la cause principale des embouteillages qui fait que tout le monde reste cloisonné en un même endroit.

Dans les ronds-points, il est pratiquement impossible pour les voitures de passer. On y entend tout dans la circulation (les supplications, les menaces, les insultes, un cocktail de klaxons etc.) et voit tout (des gens qui créent des lignes à quatre ou 5 voies, des passagers qui traversent n’importe comment, des policiers qui sont incapables de réguler la circulation faute de feu rouge…). Personne ne respecte la priorité, et, tout le monde force le passage… résultat des courses, personne n’avance.

Un trop plein de voitures pour quelques routes très souvent en mauvais état :

Selon la Direction des transports terrestres, il y a 38 394 voitures immatriculées à Conakry dont 28 917 en circulation (cf. enquête démographique de 2016). Bien que ces chiffres semblent marginaux, ils vont en grandissant chaque jour. Des vendeurs de voitures d’occasion que l’on trouve à tous les coins de rue proposent des centaines des voitures, à tous les prix. En examinant le quotidien que vivent les guinéens dans la circulation, on a plutôt l’impression que plus de n’avoir pas de routes. Alors que les conducteurs hésitaient à exposer leurs autos neuves sur des routes pleines de nids de poule, aujourd’hui la tendance consiste à exhiber son beau 4×4. Si la circulation est en train de tourner au cauchemar, c’est aussi parce que les infrastructures et les solutions de mobilité ne suivent pas le développement du pays.

Des agents de la circulation qui au lieu de résoudre les problèmes en multiplient :

Face à la faiblesse des revenus et l’’extrême pauvreté (55% des guinéens vivent avec moins de 2 dollars par jour) pousse le plus souvent les policiers chargé de réguler le trafic routier à s’occuper à verbaliser la population et parfois même sans infraction. Ils réagissent que lorsqu’une personnalité se retrouve dans la file d’attente.

Les pires c’est aussi les jeunes engagés comme agent de sécurité (qui n’ont vraiment pas de formation dans le domaine) et qui se retrouvent à faire la circulation. Ces derniers mélangent très souvent les pédales en donnant la priorité à une file de voitures au détriment d’une autre qui reste longtemps arrêté au même point sans bouger. Une telle situation démultiplie l’embouteillage.

Pistes de solution :

L’accroissement du trafic, lié à l’urbanisation, l’augmentation du parc roulant et l’indiscipline, ne sont pas les seuls responsables de la dégradation des conditions de circulation. Peu à peu, les agglomérations mettent en place des restrictions : nombre de voies réduit, routes et rues transformés en dépotoirs d’ordures et en espaces piétons, …Certaines mesures annoncées (interdictions de la rentrée dans le port de Conakry des véhicules ayant circulé en Europe plus de 5 ans ou encore les véhicules dont la direction se trouve du côté droit par exemple.) peuvent permettre de diminuer le trafic et la pollution liée.

Les défis de l’urbanisation guinéennes sont immenses, mais les exemples de développements urbains abondent (Singapour, Corée du Sud, Bangkok dans une certaine mesure). Pour répondre à cette situation critique dont les enjeux sont importants (perte de temps, retard au travail, réduction du temps de travail, baisse de la productivité…), des solutions adéquates devront être mise en œuvre. Au nombre de ses solutions nous proposons les points ci-dessous :

  • Instaurer le partenariat public-privé : une telle expérience a été mise en place à Dakar à travers la construction de l’autoroute à péage. Les retombées sont extrêmement importantes pour l’Etat sénégalais et les usagers y trouvent leur compte. A titre d’illustration, la durée du trajet a été réduite de 80% pour une durée minimale de 3h auparavant dans les bouchons. La mise en place d’une stratégie consistera pour un début à identifier le trajet par lequel passera la route, assurer le déplacement de la population en leur mettant à disposition des terrains de même surface et de même valeur. Cela permettra à moyen et long terme d’améliorer la mobilité des personnes et des biens à Conakry et à l’intérieur du pays, accroître le gain du temps et la sécurité du réseau et la réduction des coûts de transports.
  • Assurer le développement des transports en commun et covoiturage : l’expérience a démontré que l’utilisation de ces modes de transports prennent moins de temps que l’on puisse penser dans les déplacements si l’on met de côté le temps d’arrêt à certains stops pour prendre des passagers. S’agissant du covoiturage, c’est un mode transport qui est beaucoup utilisé par les travailleurs qui utilise le même itinéraire de nos jours. C’est non seulement un moyen qui permet non seulement d’économiser sur les frais de déplacements mais aussi il donne un côté social très agréable avec les échanges en cours de route.
  • Désengorger Conakry : en créant une nouvelle ville à l’image de Diamniadio ou en développant les villes existantes l’on réduira ce trafic pendulaire où tout le monde descend à Kaloum le matin et remonte dans la banlieue le soir.
  • Installer les panneaux de signalisation : à notre avis, cette mesure n’aura de succès que si l’on parvient à éduquer/sensibiliser les conducteurs sur les bonnes pratiques de conduite via des spots publicitaires, dans le but d’instaurer la culture de conduite chez la plupart des guinéens. Une telle mesure devra permettre de respecter les règles essentielles du code de la route qui consiste à : signaler son changement de voie avec les clignotants, ralentir à proximité des passages piétons, vérifier l’angle mort pour les dépassements, stationner dans les zones autorisées et enfin, respecter les priorités…

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Mamadou Safayiou DIALLO

Analyste Economiste 

Enseignant-Chercheur.

 

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