Sidya Touré : ‘’la Guinée est dans le même état que la Centrafrique, la guerre en moins’’ (In Le Monde)

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L’opposant, qui dénonce la corruption et la mauvaise gouvernance, appelle le président Alpha Condé à ne pas briguer un troisième mandat en 2020.

Alors que le président Alpha Condé, au pouvoir en Guinée depuis 2010, laisse planer le doute sur sa candidature à un éventuel troisième mandat, l’opposant Sidya Touré dresse un sombre bilan de l’état de son pays, aussi bien sur le plan économique que de la gouvernance. Aux côtés de partis d’opposition et d’organisations de la société civile, il appelle le chef de l’Etat à renoncer à se représenter en 2020.

La Guinée n’a jamais attiré autant d’investisseurs étrangers, notamment dans le secteur minier. Est-ce le signe de la bonne santé économique du pays ?

Sidya Touré : Non, la Guinée marche sur la tête. Neuf ans après l’arrivée au pouvoir d’Alpha Condé, 3 milliards de dollars [environ 2,7 milliards d’euros] ont été dépensés pour la production d’énergie, et pourtant pas une seule ville ne dispose d’électricité 24 heures sur 24, y compris la capitale, Conakry. La Guinée est devenue le deuxième exportateur mondial de bauxite, mais dans le budget 2019 les recettes intérieures diminuent de 11,5 %. Situation curieuse, non ? Cela aurait dû rapporter de l’argent, mais on ne le voit pas, on le cherche.

Où est passé cet argent ?

Corruption ! C’est la seule explication au fait qu’en neuf années, pas une université n’a été construite, pas un hôpital, pas même cent logements sociaux, pas un seul échangeur routier à Conakry… Tout est dégradé. Il y a un système en place qui ponctionne l’argent public. J’attends qu’on me prouve le contraire.

« Le secteur minier ne nous mènera nulle part si l’argent disparaît en route. »

Nous avons la chance d’avoir des ressources minières. Ce que je déplore, c’est la cadence folle d’attribution des permis miniers, sans transparence ni prise en compte de l’impact environnemental. Les compagnies minières s’acquittent de leurs taxes, mais nous ne les voyons pas dans le budget. Le secteur minier ne nous mènera nulle part si l’argent disparaît en route. Il faut investir ces recettes dans l’agriculture, les infrastructures, et créer des biens communs.

S’il y a des malversations, n’est-il pas de la responsabilité des élus de l’opposition de demander des commissions d’enquête ?

On le fait, mais les commissions n’aboutissent à rien. On a demandé une enquête sur l’attribution du port de Conakry, sur les conventions minières, mais ça n’aboutit pas parce que les institutions ont été appauvries au profit de l’institution présidentielle.

Après l’arrivée d’Alpha Condé, en 2010, nous avons dû manifester pendant trois ans pour obtenir l’organisation d’élections législatives et pendant sept ans et demi pour avoir des élections locales. Et tous ces scrutins, depuis le premier en 2010, ont été frauduleux.

Parallèlement, les différents dialogues politiques organisés avec le pouvoir n’ont mené à rien. Il y en a eu plusieurs. Un jour on signe un document, le lendemain le pouvoir recommence comme si de rien n’était. Le plus grave, c’est que tout cela déstructure l’Etat. Plus personne ne croit plus en rien.

Pour expliquer les difficultés de la Guinée, le président rappelle qu’il a hérité d’un pays, pas d’un Etat…

En neuf ans, on a largement le temps de tout reconstruire, y compris dans des pays qui ont connu la guerre. Le président Lansana Conté avait laissé des institutions, autorisé les partis politiques, changé la monnaie, créé l’Assemblée nationale, les radios libres, la Cour suprême…

Ce qui n’a pas empêché le coup d’Etat du capitaine Moussa Dadis Camara à la mort de Lansana Conté, en 2008…

« Il n’y a aucune vision, aucun leadership pour conduire le pays quelque part. »

Certes, mais depuis, aucune modification qualitative n’a été apportée à ce qui constitue la voûte de l’Etat. Au contraire, il y a une centralisation à outrance des services au niveau de la présidence, surtout ceux qui ont de l’importance en matière financière. Les institutions avaient été créées, elles devaient être renforcées, Alpha Condé les a affaiblies. Résultat : nous sommes le pays le plus en retard d’Afrique de l’Ouest. Nous sommes dans le même état que la Centrafrique, sauf qu’ici il n’y a pas la guerre et il n’y en a pas eu. Le problème est qu’il n’y a pas de leadership pour conduire le pays quelque part. Il n’y a aucune vision !

Comment changer les choses ?

Il n’y a rien à inventer par rapport à ce qui se fait ailleurs pour instaurer une gouvernance vertueuse dans un Etat organisé. Nous avons perdu beaucoup de temps. A ce jour, il n’y a pas d’Etat, pas d’administration, pas de leadership… La réalité est basique : rien ne fonctionne.

Le pouvoir estime que le changement passe par une modification de l’actuelle Constitution, adoptée lors d’une période de transition politique. Pourquoi vous y opposez-vous ?

Pourquoi la modifier maintenant, alors qu’il aurait pu le faire dès 2011, si ce n’est pour se maintenir au pouvoir ? Pourquoi avoir attendu ? Ça n’a pas beaucoup de sens. Il faut tout d’abord et avant tout éviter qu’Alpha Condé brigue un troisième mandat [l’actuelle Constitution limite à deux le nombre de mandats]. Il faut organiser une élection présidentielle libre et transparente, sans lui ni son système.

Le pouvoir dit que c’est à la population de décider, au besoin par référendum.

Nous nous y opposerons. C’est dans ce sens que nous venons de créer le Front national pour la défense de la Constitution, qui associe des partis politiques et des organisations de la société civile. Il s’agit de défendre la volonté de 12 millions de Guinéens contre celle d’un seul homme qui ne nous a rien apporté. L’avenir politique des leaders de partis et l’avenir politique de toute la Guinée dépendent de cela : non au troisième mandat.

Ne craignez-vous pas que cette contestation entraîne des morts ?

J’estime que c’est une lutte qui mérite d’être menée. C’est lui contre le peuple de Guinée.

Il y a eu près de 100 morts dans le cadre de ces manifestations depuis 2010. Les gens ne sont-ils pas lassés ?

« Nos manifestations sont pacifiques, pourquoi leur tirer dessus ? »

Il ne s’agit pas d’envoyer de la chair à canon. Ce sont des manifestations pacifiques, pourquoi leur tirer dessus ? Rappelons qu’il s’agit seulement d’une fin de mandat à respecter, avec une transition démocratique qui se fasse dans le calme.

Vous sentez-vous soutenus par la communauté internationale ?

On ne peut pas dire que la Guinée attire particulièrement l’attention. Il y a des raisons évidentes. Prenons la France, avec laquelle nous entretenons des relations, disons, privilégiées. Elle n’a pas autant d’intérêts économiques en Guinée que dans les pays limitrophes. Nous ne sommes pas un pôle économique, nous avons donc moins de visibilité que le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou le Mali. Ce que l’on entend, notamment lorsque le président Macron rappelle un certain nombre de principes démocratiques, va dans le bon sens. Mais il appartient aux Guinéens de gérer et régler leurs affaires.

Source : Le Monde

 

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2 commentaires
  1. CONDÉ ABOU dit

    Il est de votre droit de demander au Président de la Republique de bien vouloir ne pas se présenter en 2020, et personne certainement n’y trouverait de reproche, venant de la part d’un candidat de l’Opposition.

    Mais quant à dire de façon péremptoire que la Guinée se trouverait au même niveau de développement que la République Centrafricaine, aucun observateur sérieux ne vous écouterait, et c’est votre crédit politique qui en prendra de sérieux coups, puisque vous avez tout l’air de ne même pas connaître ce qu’il y a comme statistiques et chiffres officiels en République Centrafricaine.

    Selon les sources officielles, la République Centrafricaine arrivait en 2018 en cinquième position du classement des pays produisant le moins de richesses par habitant au monde. Ce pays d’Afrique centrale enregistrait en 2018 un PIB de 2,23 milliards de Dollars US pour une population de plus de 5 millions d’habitants, soit 440 Dollars par tête.

    En 2008, 66,3% de la population Centrafricaine vivait en dessous du seuil de pauvreté selon la Banque mondiale.
    • PIB par habitant en 2018 : 440 dollars
    • PIB 2018 : 2,23 milliards de dollars
    • Population 2018 : 5,08 millions d’habitants

    En 2018, la situation est infiniment plus catastrophique au plan de tous les indicateurs sociaux et de développement après tant d’années de guerre civile dans ce pays et de chaos politique.

    Au même moment, la Guinée arrivait 15e au classement 2018 des pays qui produisent le moins de richesses par habitant avec un produit intérieur brut par tête de 741 Dollars US. Le PIB de la Guinée était estimé à 9,86 milliards de Dollars pour un peu plus de 13 millions d’habitants.

    En 2012, 35,3% de la population guinéenne vivaient en dessous du seuil de pauvreté, mesure indiquée par les conclusions de la Banque mondiale.
    • PIB par habitant en 2018 : 741 Dollars
    • PIB 2018 : 9,86 milliards de Dollars
    • Population 2018 : 13,29 millions d’habitants

    Pour le reste, tirez-en votre conclusion et votre comparaison comme vous voulez.

  2. MANZO dit

    Tableaux comparatifs et croisés de la RCA et de la République de Guinée:

    1/ Présentation de la République centrafricaine

    Présentation du pays
    Nom officiel : République centrafricaine
    Nature du régime : République
    Chef de l’Etat et/ou du gouvernement :
    M. Faustin Archange Touadéra

    Données géographiques
    Superficie : 623 000 km².
    Capitale : Bangui.
    Villes principales : Bangui (600 000 hab.), Berbérati, Carnot
    Langues officielles : français, sango.
    Langues courantes : français, sango.
    Monnaie : Franc CFA (100 FCFA = 0,15 euro).
    Fête nationale : 1er décembre (date de la proclamation de la République en 1958).

    Données démographiques
    Population : 4,6 millions d’habitants (INED estimation 2018)
    Densité : 6,2 hab/km² (INED estimation 2018)
    Taux de croissance démographique : 19,8/1000 (INED 2018).
    Espérance de vie : 53,5 ans (INED estimation 2018).
    Taux d’alphabétisation des adultes (15 ans et plus) : 56,6 % (UNICEF 2008-12).
    Religions : animisme, christianisme, islam.
    Indice de développement humain 2016 : 188e sur 189 pays (PNUD – la RCA était 159ème en 2013).

    Données économiques
    PIB (2016) : 1,95 milliard USD (Banque mondiale)
    PIB par habitant (2016) : 382,21 USD (Banque mondiale)
    Croissance : -36,7 % en 2013 / 1 % en 2014 / 4,8 % en 2015 / 4,5% en 2016 / 4% en 2017 et 4% projetés en 2018 (FMI avr. 2018)
    Chômage (au sens du BIT) : absence de données
    Inflation : 6,6 % en 2013 / 11,6 % en 2014 / 4,5% en 2015 / 4,6% en 2016/ 3,8% en 2017 et 3,5% projetés en 2018 (FMI avr. 2018)
    Solde budgétaire : – 5,5% du PIB (hors dons) / 0,4% du PIB en incluant les dons (est. 2017, FMI)
    Dette publique : 56% du PIB en 2016 et 51,8% du PIB en 2017 (dont 23,1% de dette intérieure)
    La dette centrafricaine est considérée à risque de soutenabilité élevé par le FMI.
    Balance commerciale : – 295 MUSD (est 2017, FMI)
    Source:https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/republique-centrafricaine/presentation-de-la-republique-centrafricaine/

    2/Présentation de la Guinée
    Présentation du pays
    Nom officiel : République de Guinée
    Nature du régime : République
    Chef de l’Etat : Président Alpha Condé

    Données géographiques
    Superficie : 245 857 km²
    Capitale : Conakry
    Villes principales : Kindia, Kankan, Nzérékoré, Labé
    Langue officielle : Français
    Langues courantes : peul, malinké, soussou
    Monnaie : Franc guinéen (cours flottant)
    Fête nationale : 2 octobre

    Données démographiques
    Population : 12,4 millions d’habitants (Banque mondiale, 2016)
    Densité : 50,4 habitant/km² (Banque mondiale, 2016)
    Croissance démographique : 2,5 % par an (Banque mondiale, 2016)
    Espérance de vie : 60 ans (Banque mondiale, 2016)
    Religion : Islam (85%), christianisme (8%), animisme (7%)
    Indice de développement humain : 183 sur 188 (PNUD, 2016)

    Données économiques
    PIB (2017) : 9,1 milliards $ (FMI)
    PIB par habitant (2017) : 702 $ (FMI)
    Taux de croissance (2017) : 6,7 % (FMI)
    Taux d’inflation (2017) : 8,5 % (FMI)
    Balance commerciale (2015) : – 565 M$ (OMC)
    Principaux clients (2015) : Ghana, Inde, Emirats Arabes Unis, Espagne, Allemagne
    Principaux fournisseurs (2015) : Chine, Pays-Bas, Inde, Belgique, France
    Part des principaux secteurs d’activités dans le PIB (2016, Banque mondiale) :
    agriculture : 20 %
    industrie : 37 %
    services : 43 %
    Source:https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/guinee/presentation-de-la-guinee/

    Maintenant si le truand peut raconter ses contes et légendes à des Guinéens analphabets pour les distraire,c’est bien de son droit,mais beau essayer mille fois pour transformer le cuivre en Or,mille fois qu’il fera face à un échec cuisant.Car la mythomanie comme stratégie politique ne peut prospérer dans un monde plus en plus ouvert et averti!

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