Analyse théorique des facteurs explicatifs de la surliquidité bancaire en Guinée

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Cette tribune met un accent particulier sur la surliquidité du système bancaire guinéen dans un contexte de « sous-financement de l’économie ». D’après notre lecture de la situation, les banques ont tendance à surestimer le risque associé au financement d’une grande partie des PME mais aussi des grandes entreprises. Ce qui se traduit naturellement par l’insuffisance des prêts vis-à-vis des dépôts et, donc, par l’augmentation de leur liquidité au-delà du seuil requis.

La problématique du financement de l’activité économique reste et demeure un défi majeur auquel l’économie guinéenne reste encore confrontée. Suivant les résultats d’une enquête sur le financement bancaire de l’économie guinéenne, réalisée en 2015-16 par la Société financière Internationale du groupe de la Banque Mondiale, l’entreprise formelle guinéenne moyenne et non agricole se finance avec ses fonds propres ou bénéfices non répartis à hauteur de 92% pour ses investissements et 90% pour ses fonds de roulement. Parmi les sources de financement externe des investissements, seul l’emprunt auprès des banques privées est significatif car, il représente 2,8% du total de ses investissements (cité par Sékou Falil, Makan Doumbouya, Sékou Sadia, Mai 2018).

Selon le même rapport, 27% des entreprises formelles non agricoles sont exposées aux contraintes de crédits. Malgré cette situation, 46% de ces entreprises n’ont pas demandé de prêts car elles estiment qu’elles ont un capital suffisant. Ce qui parait à notre sens surprenant qu’une entreprise refuse un crédit pour développer son activité parce qu’elle prétend avoir suffisamment des capitaux pour faire face à ces besoins de financement. C’est qui nous pousse à nous poser la question suivante : le problème de financement des entreprises formelles guinéennes ne résulte-t-il pas essentiellement de sa déconnexion au système financier guinéen ?

En dépit de cette réalité, il convient toutefois, de souligner que le secteur bancaire guinéen contribue faiblement au financement de l’activité économique. Suivant les statistiques recueillies auprès de la Banque Centrale de la République de Guinée, le ratio du crédit bancaire rapporté au PIB tourne autour de 10,0%, contre 22,3% en Côte d’ivoire, 33,3% au Sénégal et plus de 100% en Afrique du Sud. De plus, le ratio du crédit accordé au secteur privé rapporté aux dépôts bancaire est de 58,0%. Ce qui est largement faible par rapport aux autres pays limitrophes. En observant ces chiffres, on se rend bien compte qu’en Guinée, les dépôts reçus des clients par le système bancaire sont faiblement transformés en Crédit au secteur privé. D’où la surliquidité.

Quelles seraient alors les causes de cette surliquidité bancaire ?

Dans cette partie, nous allons nous baser sur les résultats obtenus sur des travaux empiriques pour en déduire ses facteurs explicatifs. Cependant, un certain nombre de travaux académiques se sont penchés sur la question dont la plus célèbre étude fut réalisée par Doumbia en 2011. Il ressort de la plupart de ces études que la réticence des banques à fournir davantage de crédits à l’économie résulte principalement du manque de projets d’investissement bancables, des lacunes en matière de normes comptables, et d’un système judiciaire faiblement développé et souvent incapable de régler les litiges potentiels entre prêteurs et emprunteurs. Des tels facteurs explicatifs pourraient bien figurer dans la liste non exhaustive de notre pays d’autant qu’à notre connaissance aucune étude n’est parvenue jusque-là à trouver les causes de la surliquidité de notre économie.

A côté de ces facteurs cité ci-dessus, nous pouvons rajouter la faible concurrence du secteur bancaire. Ce qui pourrait expliquer en partie la hausse des taux débiteurs et des conditions drastiques d’accès au crédit bancaire pour certaines relations d’affaires.

A notre avis, cette situation devrait être une préoccupation majeure pour les autorités monétaires de notre pays car, la surliquidité bancaire complique l’efficacité de la politique monétaire prônée par la Banque Centrale.  De plus, elle touche les secteurs d’activités qui ont un réel besoin de financement notamment les PME même s’ils ne l’expriment pas de la même façon. Cette liquidité supplémentaire pourrait de nos jours être utilisée à bon escient en accordant davantage des créances aux couches les plus vulnérables.

Il serait donc souhaitable que les autorités monétaires interviennent à travers le développement des institutions comme les fonds de garantie. Celles-ci pourraient contribuer à l’abaissement du risque et permettre ainsi aux agents économiques ayant un besoin de financement de trouver les voies et moyens pour développer leur activité. A côté de cela, il faudrait bien sûr améliorer l’environnement des affaires, avec en particulier la mise sur pied d’un système judiciaire sain, facilitant le règlement des litiges contractuels entre prêteurs et emprunteurs (Kauffmann, 2005). Même si, la mise en place effective de ces mesures demandera un certain nombre d’années, il serait judicieux d’y penser maintenant car, c’est le bon moment.

Mamadou Safayiou DIALLO
Analyste Économique
Enseignant-Chercheur

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