Ahmed Kourouma à la DW : ‘’il est maintenant difficile d’empêcher Alpha Condé de faire un 3è mandat »

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Les Guinéens sont appelés aux urnes le 18 octobre pour l’élection présidentielle qui ouvrira la voie à une quatrième République. Les adversaires du président guinéen dénoncent un coup d’Etat constitutionnel.

DW (Deutsche Welle): Bonjour M. Ahmed Kourouma. Pourquoi êtes-vous contre un probable troisième mandat du président Alpha Condé ?

Ahmed Kourouma : Tout simplement parce que je suis un enfant qui est né après les indépendances et que je n’ai jamais, je dis bien jamais assisté dans mon pays, à une alternance qu’on appelle le jeu démocratique, le jeu des parlementaires, le jeu présidentiel où une équipe arrive, fait son travail en fonction de ses résultats, elle est remerciée ou pas par le peuple. Moi, je suis un enfant de la démocratie qui estime que la démocratie est un moyen de développement d’une nation, que soit intellectuel, économique, culturel et on ne peut pas avoir pendant 30 ou 40 ans, les mêmes personnes au pouvoir parce qu’il y a ce qu’on appelle l’usure du pouvoir. Et puis, il faut que la dynamique des hommes politiques et des femmes politiques s’opère sur l’échiquier national. On prend souvent en exemple le dynamisme culturel, économique voire la domination mondiale des États-Unis. Ça se fait parce qu’il y a des équipes qui se renouvellent. 

On prend souvent aussi en exemple la Chine, pour l’opposer à la démocratie américaine. Mais je vous dis que les Chinois sont des gens qui travaillent 24h/24 et 7 jours sur 7 et qui sont sous payés. Donc moi, je préfère la démocratie à la Descartes, à la Socrates plutôt que ces gens qui s’éternisent au pouvoir et qui, en plus, n’ont pas de résultats. C’est ça qui me désole. J’entends bien de nos compatriotes africains qu’il faut moderniser la démocratie, l’adapter à nos réalités, mais encore faut-il que nos chefs d’Etats aient des résultats économiques, sociaux et culturels. Or, ils n’en ont pas.

Et pourtant, Papa Koly Kourouma, porte-parole de l’actuelle majorité présidentielle, a été pendant longtemps votre allié politique. Qu’est ce qui n’a pas marché entre vous ?

Il n’a pas été mon allié politique. Il a été mon président de parti. Ce qui n’a pas marché, c’est qu’il est passé de l’opposition à la mouvance présidentielle. Il a été nommé ministre d’Etat et j’étais en désaccord avec certaines décisions qui étaient prises de manière unilatérale dans le parti. Comme je l’ai dit, moi, je suis un homme politique d’un genre nouveau et je ne suis pas un suiviste. Donc lorsque les décisions qui sont prises au niveau du parti auquel j’appartiens – parce que j’y suis rentré par conviction –  et qui ne me conviennent pas, je claque la porte point final.

Le FNDC qui est une coalition de partis politiques et d’organisations de la société civile guinéenne a boycotté les dernières élections législatives et le référendum constitutionnel. Mais à y voir de près, l’opposition guinéenne semble incapable d’empêcher un probable troisième mandat d’Alpha Condé. Pourquoi, selon vous ?

Parce que l’opposition guinéenne n’a pas de stratégie. J’ai été le porte-parole de l’opposition guinéenne. J’ai été membre actif de l’opposition. J’ai manifesté dans la rue et j’ai vu sous mes yeux, à côté de moi, des enfants tomber. Et au bout d’un moment, quand on en arrive là, on commence à réfléchir. On se dit qu’est-ce qui ne fonctionne pas?

Et moi, j’ai été de ceux qui avaient alerté l’opposition lorsque le président de la Cour constitutionnelle, Khalifa Sall, a été démis de ses fonctions. A l’époque, j’avais dit que si on laissait faire ça, on ouvrait directement la voie à un troisième mandat. Et malheureusement, il n’est jamais aisé d’avoir raison trop tôt, mais c’est ce qui est en train de se passer. A partir du moment où Khalifa Sall a été écarté et à partir du moment où il y a eu un bras de fer dont l’opposition n’est pas sortie gagnante au niveau des élections et de la Constitution surtout, effectivement le constat est que l’opposition guinéenne est malheureusement incapable d’endiguer cette vague du troisième mandat. Mais ce n’est pas seulement en Guinée, c’est un peu partout en Afrique de l’Ouest. Moi, je suis un panafricaniste, donc je regarde ce qui se passe en Côte d’Ivoire, au Mali etc. Et malheureusement, ici en Guinée, nous sommes actuellement dans l’incapacité d’empêcher Alpha Condé de faire un troisième mandat.

Alors, malgré quelques défections au sein du parti au pouvoir, tout semble prêt pour offrir un nouveau mandat de six ans, voire douze années supplémentaires au président Condé. Dans ces conditions, craignez-vous une montée des violences entre militants de l’opposition et ceux du parti au pouvoir ?

Mais non seulement je la crains mais c’est une chose qu’il ne serait pas bonne pour le pays. Effectivement, il y a un risque de dérapage des deux camps parce que les deux camps aujourd’hui se sont extrémisés et qu’il peut y avoir des dérapages voire même des affrontements. Je ne le souhaite pas en tant qu’homme politique, c’est pour ça qu’il est très heureux actuellement de constater que les deux camps commencent à parler du dialogue. Ce sont des dialogues timides qui commencent à se faire mais il y a une possibilité de dialogue. Donc allons au dialogue, discutons entre Guinéens et essayons de trouver des solutions pour que la situation catastrophique que vous venez de décrire n’arrive pas.

Vous parlez de discussions entre Guinéens. Êtes-vous déçu de la réaction de la communauté internationale face au climat politique tendue en Guinée ?

Non, je ne suis pas déçu de la réaction de la communauté internationale dans la mesure où je n’ai jamais rien attendu de la communauté internationale. Vous savez, la Guinée est un pays minier. Il y des intérêts français voire allemands, russes, turcs, chinois etc. Vous avez le Fonds monétaire international qui fait du business dans les mines en Guinée. Donc moi, je n’attends rien de ces gens-là. Je pense que les problèmes africains doivent être réglés par les Africains. Il est temps qu’on mûrisse. Et puis, je pense aussi que la communauté internationale, tout ce qui l’intéresse, c’est le semblant de statu quo et de stabilité qu’il peut y avoir dans les pays africains pour que le business continue. Tout cela est une question de business. Alors je suis un libéral mais un libéral en ce qui concerne mon pays. J’attends que l’économie et le chômage soient endigués par les Africains et pour les Africains. Je ne crois pas à la communauté internationale en ce qui concerne l’Afrique. La médiation de la communauté internationale a toujours, de tout temps, eu des intérêts partisans.

Alpha Condé peut- il perdre la présidentielle du 18 octobre s’il se représentait pour un troisième mandat ?

Ça, c’est une question qui me fait doucement rire. Vous savez, c’est le vieux Omar Bongo qui disait qu’en Afrique, on organise pas des élections pour les perdre. Donc croyez-moi, si le président Alpha Condé va aux élections dans l’état actuel du fichier électoral, dans l’état actuel de la Cour constitutionnelle, il va les gagner haut la main. Qu’on ne se leurre pas. Vous êtes dans un pays germanique qui est à l’origine de ce qu’on appelle la realpolitik, le pragmatisme allemand, on le connaît. Donc, je suis un pragmatique puisque moi, j’ai vécu pendant des années en Autriche. Et je puis vous dire que dans l’état actuel, si l’opposition guinéenne va aux élections, elle les perdra.

Merci Ahmed Kourouma.

Merci à vous. 

Source : DW

 

 

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