INTERVIEW- Abdoulaye Yéro Baldé, ministre de l’Enseignement supérieur : ‘’il n’a jamais été proposé l’extinction progressive des IES privées’’

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Les autorités du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique sont préoccupées par la mise en œuvre effective des grandes lignes de la reforme dans le secteur. Dans cet entretien exclusif qu’il a bien voulu nous accorder, le ministre de tutelle, Abdoulaye Yéro Baldé, a abordé plusieurs sujets d’actualité au niveau de son Ministère. Lisez !

Mediaguinee.com : Quelles sont les grandes lignes de la réforme de l’Enseignement supérieur ?

Abdoulaye Yéro Baldé : En fonction des axes stratégiques du MESRS, nous pouvons citer Axe 1 (Gouvernance) : la finalisation de la première phase de la biométrie et bancarisation des bourses des étudiants ; la mise en place de l’ANAQ ; l’organisation de la 1ère édition du Forum de l’Etudiant Guinéen. L’Axe 2 concerne les infrastructures. A ce niveau, nous avons le démarrage des travaux d’extension des 4 universités ; la finalisation des travaux d’infrastructures dans les IES. Axe 3 : C’est l’apprentissage et la formation. Il y a la transformation de la Faculté de Médecine en Ecole Supérieure des Sciences de la Santé ; la finalisation de l’Etude sur la création de l’Ecole d’Excellence des Mines ; la Mise en œuvre du Projet Mamou Valley, par la formation de jeunes Développeurs et de création d’une zone numérique ; la Mise en œuvre du Projet Wacren et le Réseau National d’Education et de Recherche ; le Démarrage du projet de Formation des Formateurs en partenariat avec les Finlandais ; la Mise en place d’un fonds pour la recherche. Axe 4 : c’est les Partenariats et Accords. A ce niveau, il y a la Diversification de partenaires stratégiques dans les domaines de la santé, de l’Informatique et infrastructures ; l’Accompagnement de Conakry Capitale Mondiale du Livre ; Mémorandum d’entente entre Polytechnique de Paris et l’Université Gamal Abdel Nasser pour la mise en place en Guinée des classes préparatoires aux grandes écoles.

Pourquoi le MESRS a décidé de ne pas orienter cette année des étudiants dans les Institutions d’enseignement supérieur (IES) privées ?

La raison est simple et découle du bon sens. Il n’existe pas une obligation écrite pour un Etat de donner des marchés de prestation de services à un opérateur économique, qui qu’il soit. Les universités privées sont des entreprises privées qui offrent des services. Si l’Etat a les moyens, les ambitions, il propose des prestations à ces entreprises. Maintenant, ce n’est pas le cas. Car le nombre d’étudiants de cette année est insuffisant pour toutes les universités publiques. Dans ces conditions, l’Etat ne peut se déshabiller pour habiller un autre. L’année dernière, il y a eu 36 000 bacheliers. Les universités ont reçu 26 000 étudiants, les écoles professionnelles et techniques de type B qui reçoivent des bacheliers ont reçu 5 000 bacheliers et l’Etat a donc proposé aux universités privées d’inscrire et de scolariser les 5 000 restants. Cette année, il y a eu 23 000 bacheliers. Cet effectif n’est même pas suffisant pour les universités publiques. A fortiori si l’on ajoute les écoles professionnelles et techniques de type B. De plus, il faut que les fondateurs arrêtent de fonder leur modèle économique de création et de fonctionnement des universités sur la seule dépense publique. L’Etat guinéen n’envoie aucun élève dans les maternelles privées, dans le primaire privé et dans le secondaire privé. Il n’a donc aucune obligation d’alimenter les universités qui se disent privées. D’autant plus que de par la Loi d’Orientation de l’Education Nationale n° 97/022/AN du 19 juin 1997 et son décret d’application D/97/190/PRG/SGG du 21 août 1997 portant organisation du système éducatif, en son article 6 n’impose à l’Etat guinéen que « la scolarisation gratuite et obligatoire des enfants de Guinée de 6 à 16 ans » et non pas les 18 ans et plus.

Est-ce une application de la recommandation visant l’extinction progressive des IES privées ?

Non. Il n’a jamais été proposé l’extinction progressive des IES privées. La recommandation contenue dans le document de la commission de réflexion sur la réforme de l’éducation a proposé « l’extinction progressive des IES privées » dans les formations de la santé et de la formation des formateurs.

Pensez-vous que la décision d’arrêter l’orientation dans les universités privées entraînera une baisse de la qualité de la formation ?

Le fait de ne pas orienter des étudiants dans les universités privées ne baissera en rien la qualité de la formation. On peut même dire qu’il y aura forcément et à très court terme une amélioration de cette qualité. S’il n’y a plus d’étudiants orientés dans les universités privées, les enseignants du supérieur les plus qualifiés et qui font fonctionner les universités privées vont revenir et intervenir de nouveau dans les universités publiques. Enfin, les universités privées auront des effectifs conformes à leurs capacités d’encadrement. Une capacité faible en ressources humaines de très haut niveau.

La décision d’arrêter l’orientation dans les universités privées ne va-t-elle pas entraîner le chômage au sein des employés des IES privées ?

Non. D’abord, ces universités scolarisent encore des étudiants de l’Etat pour lesquelles elles perçoivent du financement de l’Etat. Ces étudiants sont en Licence 2, en Licence 3, en Licence 4 et parfois en 5ème, 6ème en Médecine. Ces universités vont donc continuer d’accéder à des ressources financières de l’Etat pendant les trois prochaines années, même en l’absence d’orientation cette année et les trois prochaines années.

Certains affirment que l’Etat a favorisé les échecs au baccalauréat pour éviter d’orienter dans les universités privées ?

La gestion des examens nationaux, en particulier du baccalauréat, découle d’une seule logique : avoir la moyenne de 10 sur 20 au minimum. Etant donné que le baccalauréat est un examen national qui met en compétition tous les élèves de la Guinée quels que soient leur lieu de scolarisation et sa forme, l’utilisation des moyennes annuelles, surtout lorsqu’elles sont élevées dans certaines écoles (en particulier dans les écoles privées), faussait la compétition. Pour donner des chances égales à tous les candidats, la moyenne annuelle a été éliminée d’autant plus que cette mesure ne correspondait pas aux dispositions des règlements généraux des examens. Cette mesure a eu pour effet de changer le nombre d’admis de cette année. Un nombre qui est toutefois supérieur à celui de l’année dernière si l’on ne tient compte que de la proportion des admis qui ont une moyenne de 10 sur 20 cette année et l’année dernière. En effet, en 2016, les admis, sans la moyenne annuelle, était de 16 000 et en 2017 de 23 000.

Est-ce que l’Etat va continuer à payer les bourses d’entretien à tous les étudiants ?

L’Etat guinéen ne peut se permettre la continuation d’une telle politique, parce que cela n’existe nulle part ailleurs. En 2017, 85% des 1 300 milliards que l’Etat a mis dans les Universités publiques a servi à payer les bourses d’entretien des étudiants. Le ministère de l’Enseignement supérieur prépare un projet de décret sur les bourses. Ce projet va permettre de clarifier la typologie des bourses, déterminer les conditions d’accès, de maintien et de suppression de la bourse. L’objectif final est d’utiliser l’argent public rationnellement en donnant la bourse d’entretien à ceux qui le méritent et qui étudient dans des options de priorité nationale. Les économies réalisées doivent permettre de qualifier la formation par la construction de nouvelles infrastructures, des équipements de pointe, la formation des formateurs, l’introduction des TIC dans la formation et les apprentissages et l’accompagnement des diplômés pour une insertion réussie des diplômés.

Que prévoit l’Etat pour la formation des formateurs ?

Depuis plusieurs années, il existe des Masters et quelques programmes de doctorat qui, malheureusement, sont payants. Le Ministère de l’Enseignement se propose de mettre en place un programme de formation des formateurs dans trois sites. Le premier site sera ouvert à Gamal Abdel NASSER pour former aux Masters pour trois types de spécialités : les sciences (Mathématiques, Physique, Chimie et Biologie) ; la Médecine, Pharmacie et Odontostomatologie et l’Ingénierie. A l’Université, le Ministère va ouvrir des Masters dans les sciences sociales (Sociologie, Géographie, Histoire, Philosophie, Démographie, Criminologie, etc.), les sciences juridiques et politiques (Droit et Sciences politiques) et les Sciences économiques (Gestion, Economie, Audit, etc.). A Faranah, le Ministère va ouvrir des Masters dans les sciences agronomiques, les sciences animales et l’environnement. Pour mettre en place ces Masters, le Ministère va solliciter un financement du budget national et un accompagnement international. Des appels à candidatures seront lancés et un processus de recrutement basé sur le mérite permettra d’avoir les meilleurs jeunes Guinéens. Des partenariats seront noués avec des universités étrangères (Finlande, Tunisie, etc.) pour faire en Guinée des enseignants en complément de ceux qui sont dans le pays et ceux qui vont accepter de revenir au pays pour participer à la formation des nouvelles élites.

Pourquoi les assistants ont-ils été exclus de l’arrêté conjoint octroyant des primes aux enseignants et chercheurs du Supérieur ?

Les assistants n’ont pas été exclus. Pour parler d’exclusion, il faut y avoir droit. Les assistants, du point de vue de la loi, ne sont pas des titulaires de l’enseignement supérieur. Les titulaires sont les Maîtres-assistants, les Maîtres de Conférences et les Professeurs. Le décret 176/PRG/SGG/89 du 27 septembre 1989 stipule dans ses articles 11 à 18 que les assistants sont des contractuels de l’enseignement supérieur. Leur recrutement se fait sur la base de l’article 15 qui dispose qu’ils sont « recrutés pour deux ans renouvelables deux fois pour les titulaires d’un diplôme d’études supérieures (DES) et de deux ans renouvelables une fois pour les titulaires d’un diplôme d’études approfondies (DEA) ». Au terme de ce délai, les assistants doivent faire leur doctorat pour rester dans le corps de l’enseignement supérieur. L’article 15 précise aussi que dans le cas où l’assistant ne remplit pas les conditions pour rester à l’enseignement supérieur, « il est rendu au Ministère en charge de l’Education nationale ou s’il appartient à une autre administration, à celle du ministre en charge de leur administration d’origine pour leur affectation dans un autre service ». L’article 17 stipule que le renouvellement du contrat de l’assistant se fait à la demande d’un Professeur ou d’un maître de conférences sous l’autorité duquel l’intéressé à été placé.

Après publication de l’arrêté conjoint, les assistants ont manifesté leur indignation vis-à-vis de leur exclusion dans les avantages. Qu’en pense le Ministère ?

Abdoulaye Yéro Baldé : Un assistant doit avoir une priorité : Sa formation. Le ministère se propose de mettre en place un programme massif de formation des formateurs de 500 jeunes pour aller au Master et plus tard au doctorat. Ce projet devrait être la priorité des assistants qui ont l’âge et les qualités requis pour poursuivre des études. Cette indignation pour une amélioration du revenu de leurs professeurs dont certains doivent aller à la retraite d’ici à la fin de l’année prochaine n’est pas justifiée. Le ministre qui a proposé, négocié et obtenu cet arrêté conjoint n’est pas du corps des enseignants. Il le fait alors qu’il ne va pas en bénéficier. Des jeunes qui devraient bénéficier de cette amélioration dans quelques années, mais qui ne l’ont pas immédiatement, s’indignent et menacent d’aller à la grève. Cependant, ces assistants qui manifestent doivent savoir qu’ils ne sont pas de l’enseignement supérieur, mais de la fonction publique. S’ils se mettent en grève, le ministère de l’Enseignement supérieur pourrait se passer d’eux, recruter d’autres assistants.

Existe-t-il un plan de carrière pour les formateurs à l’Enseignement Supérieur ?

Oui. Le décret 176/PRG/SGG/89 du 27 septembre 1989 prévoit dans ses dispositions le plan de carrière d’un enseignant et d’un chercheur. Il est prévu qu’il soit d’abord un contractuel pendant 4 ans ou 6 ans s’il n’a pas le diplôme requis dans l’enseignement supérieur. Ce délai doit lui permettre de faire sa thèse et de commencer par le grade de Maître assistant, de Maître de conférences et enfin celui de Professeur.

Que faire pour rehausser le niveau des enseignements/apprentissages à l’enseignement supérieur ?

Le ministère de l’Enseignement supérieur, en accord avec celui de l’Enseignement pré-universitaire, est dans un processus pour qualifier les enseignements/apprentissages. D’abord, il est nécessaire de rehausser le niveau des enseignements/apprentissages au secondaire. Cette mesure est en cours par la formation continue des enseignants et des examens qui reflètent la valeur intrinsèque des élèves. Au niveau de l’enseignement, nous distinguons des mesures conjoncturelles, immédiates et des mesures structurelles et à long terme. De plus, l’Etat s’engage à lancer un programme de recrutement de cadres de haut niveau dans l’administration privée et publique, de jeunes Guinéens titulaires d’un doctorat.

Réalisée par Youssouf Keïta

+224 666 48 71 30

 

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