Al-Hassane Onipogui, ancien ministre : « une alternance responsable et crédible s’impose en Guinée »

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Onipogui Al-Hassane. C’est son nom. Il fut ancien ministre de la République de Guinée Conakry sous la Transition ayant mis le pays sur les rails de la démocratie et de l’Etat de droit, grâce aux premières élections présidentielles démocratiques organisées sous la présidence effective du Général Sékouba Konaté. Dans un entretien exclusif qu’il a bien voulu accorder à votre média, Onipogui Al-Hassane passe en revue la situation de son pays et fait des propositions concrètes pour une Guinée unie, paisible, juste, libre, stable et prospère. Lisez.
*Présentez-vous brièvement à nos lecteurs ?*
Je suis Onipogui Al-Hassane, spécialiste en administration publique, économiste, diplômé des grandes écoles d’administration publique : ENAP de Rabat, du Québec, Institut international d’administration publique de Paris, Institut du Fonds monétaire et de la Banque mondiale, Ecole nationale des douanes de Neuilly. Je suis aussi titulaire d’une maîtrise en économie et de huit certificats des grandes écoles dont  cinq de l’ENAP de Québec  management publique, évaluation des politiques publiques.
Pour annihiler toute prétention à un poste de contrôle dont je serai présumé avoir la gouvernance, des transfuges de l’ancien régime Conté s’évertuèrent à inventer un poste fantôme de ministre des Audits
En République de Guinée, mon pays d’origine, j’ai occupé respectivement plusieurs fonctions : inspecteur des Finances, inspecteur général des mines et de la géologie, chef de la DAF du ministère des Travaux Publics et des Transports, ministre du Contrôle d’Etat, inspecteur d’Etat à  la présidence de la République.
Je suis républicain, social-démocrate, admiratif du Général De Gaulle, de Robert Shaman, et du Général Macarthur. Je me considère comme un néo keynésien.
Pendant que je fus l’un des premiers civils présents au camp Alpha Yaya Diallo au lendemain de la prise de pouvoir, je fus aussi le dernier à être nommé au sein dudit gouvernement
*Vous avez été donc ministre en Guinée Conakry. Comment avez-vous été nommé à ce poste ?*
En décembre 2009, à la suite de la situation qui a porté au pouvoir le capitaine Moussa Dadis Camara, le Général Sékouba Konaté que j’ai connu au Maroc, alors que j’étais étudiant à l’Enap de Rabat, et lui à l’académie royale de Meknès, me fit appel pour participer au gouvernement d’union nationale.
Le décret me nommant fut signé en ma présence, il disparut entre le moment de sa signature et le moment de sa publication au journal officiel
Pendant que je fus l’un des premiers civils présents au camp Alpha Yaya Diallo au lendemain de la prise de pouvoir, je fus aussi le dernier à être nommé au sein dudit gouvernement. C’est au prix de la colère du Général Konaté que j’ai pu enfin participer à ce gouvernement. Toutes les propositions de postes que le Général fit soumettre ne furent pas concluantes, car il commença par me proposer comme ministre des Finances, en dépit du fait que le décret fut signé en ma présence, il disparu entre le moment de sa signature et le moment de sa publication au journal officiel.
Après trois jours, ne voyant pas de suite au premier décret, puisque le poste était attribué à quelqu’un d’autre, le Général insista pour que le ministère des Mines me soit attribué, dans la mesure où j’en étais naguère l’inspecteur général. Ce second projet de décret se volatilisa encore une seconde fois dans la nature.
Entre temps, la publication des membres du gouvernement fut prononcée, avec M. Kabinet KOMARA comme Premier ministre, je n’y figurais pas. C’est alors que le Général entra dans une grande colère en menaçant de démissionner du CNDD. Mais quel était donc le but d’une telle gymnastique politique? Certains transfuges de l’ancien régime CONTE redoutent que je fasse des audits publics qui pourraient les compromettre. Donc pour annihiler toute prétention à un poste de contrôle dont je serai présumé avoir la gouvernance, ils s’évertuèrent à inventer un poste fantôme de ministre des Audits, invention dont seuls les Guinéens savent le faire.
Et puisque dans le nouveau gouvernement, on ne faisait pas cas du ministère du Contrôle d’Etat, ministère qui a été célèbre du temps du président Ahmed SEKOU Touré, puis qui a déroulé sous le Général Conté, le contrôle qui a conduit à la radiation de plusieurs trésoriers des effectifs de la fonction publique, le président Dadis me fit l’honneur, non sans difficulté de se heurter à la critique des caciques de l’ancien régime, de lui proposer un département, car disait-il tous les postes sont pris à présent : on ne me le répéta pas deux fois, dès le lendemain, je proposai au président mon ministère et mon cabinet qu’il entérina.
*Quel est l’héritage de la Transition en termes de bilan, cette Transition qui a historiquement réussi à instaurer la démocratie en Guinée ?*
Vous l’avez dit, la Transition s’est traduite par l’instauration d’un régime démocratique, je dirais, la première en tant que telle en République de Guinée. Sur le plan de la bonne gouvernance, le CNDD avait fait de la lutte contre la corruption et les grands détournements son cheval de bataille. La lutte contre le trafic des stupéfiants et autres infractions connexes était aussi dans notre agenda.
Puisque j’ai été pommé pour assainir les finances publiques, je fis immédiatement faire procéder à l’arrêt des écritures au niveau de tous les postes comptables de l’Etat et cette contraction entre recettes et dépenses me permis de déterminer une encaisse théorique de l’Etat et de tomber sur un déficit public de plus de 5 000 milliards de francs guinéens, plusieurs millions de dollars et 20 tonnes d’or volatilisés à la banque centrale. C’est de là que débuta les grands audits publics qui ont rendu au CNDD sa crédibilité.
En trois mois seulement, suite à cet audit, l’Etat a pu mettre en recouvrement et versé dans les comptes du trésor public 750 milliards de francs guinéens, 25 millions de dollars, les comptabilités du trésor en font foi de même que les procès verbaux d’audition  contradictoirement signés des inspecteurs et des prévenus. Suite en a été faite à la greffe du Tribunal de Première Instance de Conakry. Les ministres compromis et leurs préposés s’engagèrent à faire, suivant un échéancier bien défini, le remboursement des sommes dues à l’Etat, l’agent judiciaire de l’Etat se chargeant, le cas échéant au recouvrement des dits montants.
Après dix ans d’exercice du pouvoir par le régime du président Condé, le bilan qui en sort est globalement mitigé
*Aujourd’hui, qu’est-ce qui a changé dans votre pays ? Quel est l’état des lieux de la démocratie, de l’Etat de droit, des Droits de l’Homme et de la bonne gouvernance ?*
Aujourd’hui, après dix ans d’exercice du pouvoir par le régime du président Condé, le bilan qui en sort est globalement mitigé, quoi qu’on dise l’Etat est une continuité, chaque gouvernement apporte sa pierre à l’édification de la nation. Certes, des efforts non  négligeables ont été faits  par le gouvernement en place, notamment sur les plans institutionnels et politiques : créations de la Cour Constitutionnelle, la Cour des Comptes, le bureau du vérificateur Général, etc. Aussi, sur le plan énergétique, les barrages Kaléta et Souapiti vont amorcer l’indépendance énergétique du pays. Cependant, sur le plan des Droits Humains, la Guinée continue à user de façon disproportionnée de la force publique, c’est pourquoi on déplore près de 200 morts rien qu’au titre des manifestations de l’opposition. Cela doit changer, les forces de sécurité auteur d’homicides doivent être traduites devant les Tribunaux.
Force est de constater également que le pays est devenu le chantre de l’impunité par une absence de volonté politique du contrôle, et pourtant les organes de contrôle sont bien en place : inspection générale d’Etat, Cour des comptes, Contrôle financier.
Sur le plan de la gouvernance, l’Etat doit privilégier le dialogue politique et la concertation, il doit plutôt rassembler tous les Guinéens de toute obédience politique, l’opposition aussi doit pouvoir se mettre autour de la table de négociation. Ce n’est qu’à ce prix que la Guinée peut se construire et rattraper son immense retard.
La Guinée n’a pas fini d’exorciser son passé sanglant jonché de cadavres, spectacle macabre dont il est grand temps de se débarrasser
*Justement, depuis plusieurs mois, la Guinée est en proie à des violences. Comment expliquez-vous la répression sanglante des manifestations ?*
La Guinée n’a pas fini d’exorciser son passé sanglant jonché de cadavres, spectacle macabre dont il est grand temps de se débarrasser. Car il nous colle à la peau : le camp Boiro, le Camp Kèmè Bouréma, les massacres de l’autoroute Fidel Castro, ceux du stade du 28 septembre, les 200 manifestants tués sous le régime actuel. Comment un pays peut-il se construire dans un bain de sang ? La Guinée a brillé depuis son indépendance par une absence de justice et un mépris des droits des citoyens, c’est ce secteur qui a le plus besoin d’être reformé afin de parer aux violations récursives des Droits Humains.
Je ne parlerais pas d’échec du professeur Alpha Condé, il n’y a pas eu que des mauvaises choses sous sa présidence
*Est-ce à dire qu’Alpha Condé a-t-il échoué ? A-t-il déçu le peuple guinéen ?* 
Je ne parlerais pas d’échec du professeur Alpha Condé, il n’y a pas eu que des mauvaises choses sous sa présidence. Je m’inscrirais dans une logique constructive à savoir ce qui reste à faire et qui doit être fait pour améliorer la gouvernance et rationaliser la gestion publique.
Le principe de la continuité de l’Etat et celui du service public sont des principes fondamentaux du droit. Chaque gouvernement pose sa pierre sur l’échafaud de la construction nationale. Le service public et l’internet  général doivent toujours être préservés harmonieusement. L’intérêt général doit primer toujours, appuyé par le triptyque ordre public – sécurité publique – salubrité publique.
*Quel est votre position sur le débat relatif au 3ème mandat pour Alpha Condé?*
Que la volonté du peuple de guinéen soit faite, c’est la volonté du peuple guinéen qui doit primer sur celle du président Alpha Condé, il se doit de respecter la volonté du peuple.
Des interlocuteurs à la fois fiables et légitimes sont indispensables pour rétablir la démocratie et l’Etat de droit en Guinée et proposer une alternance responsable et crédible pour une gouvernance au service du peuple, respectueuse de la démocratie, des libertés, des Droits de l’Homme.
*Que faut-il faire aujourd’hui pour apaiser le pays, rassurer et rassembler les Guinéens ?*
Vous l’avez bien dit, rassurer, rassembler et unifier le pays. L’alternance politique est inéluctable. Des interlocuteurs à la fois fiables et légitimes sont indispensables pour rétablir la démocratie et l’Etat de droit en Guinée et proposer une alternance responsable et crédible pour une gouvernance au service du peuple, respectueuse de la démocratie, des libertés, des Droits de l’Homme.
Il n’existe pas de démocratie parfaite, l’apprentissage de la démocratie est un long chemin jonché d’embûches, la Guinée doit s’efforcer d’améliorer sa marche vers la démocratie. Chacun doit jouer sa partition en privilégiant les intérêts supérieurs de la nation : La Guinée d’abord.
Pour le décollage économique et social de la Guinée, j’avais déjà proposé un plan stratégique en 21 points constituant les piliers de la réforme que j’appelle de tout mon vœu
*Comment voyez-vous l’avenir de votre pays ?* 
La Guinée a tout pour réussir un développement économique et social équilibré. Ses atouts sont immenses, cependant elle manque de véritables ménagers, elle étouffe les énergies créatrices, elle se complaint dans l’improvisation et la médiocrité, le tout dans un environnement administratif régressif et absurde. Il n’y a de solution pour amorcer un cycle vertueux qu’une profonde réforme de l’Etat tant sur le plan structurel que sur le plan organisationnel. Il suffit d’une adéquation simple entre niveau de compétences et postes occupés pour que le pays développe des capacités phénoménales de gestion.
 Pour le décollage économique et social de la Guinée, j’avais déjà proposé un plan stratégique en 21 points constituant les piliers de la réforme que j’appelle de tout mon vœu. Il est contenu dans la vision stratégique que j’ai dédiée au président Alpha CONDE en 2016.
Source : L’Audace Info

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