La nouvelle du don, par le Président de la République, de la totalité de sa récolte en riz de la campagne 2021-2022 aux cantines scolaires et de l’invitation qu’il a humblement faite aux membres du gouvernement de céder 50% des leurs à ces institutions, a réjoui plus d’un guinéen, puisqu’il dénote avec force l’attention particulière qu’il porte à la situation alimentaire et nutritionnelle de ces jeunes apprenants et traduit par la même occasion sa détermination à parvenir rapidement à l’autosuffisance alimentaire du pays.
Afin d’élargir les avantages de ce généreux geste à d’autres entités sociales, tout en évitant les faiblesses des politiques agricoles du passé ayant reposées sur ce modèle agricole du type gouvernemental, il serait intéressant de favoriser l’action des acteurs agissant en amont et l’aval de la production alimentaire. Car l’application de ce modèle a, dans une très grande mesure, constituée le principal facteur qui a freiné la réalisation des objectifs d’autosuffisance alimentaire que les leaders de cette période s’étaient fixés.
En effet, c’est sous la première république que cette politique de l’agriculture du type gouvernemental, c’est-à-dire l’agriculture basée sur l’intervention directe du gouvernement dans la production et la distribution des biens alimentaires, a connu sa plus grande extension. Elle s’est effectuée par le regroupement des paysans, l’implication des militaires et des élèves dans le processus de production. En aval, cette politique s’est traduite par la mise en place des structures de distribution étatique des aliments aux populations des grandes villes et des travailleurs de l’administration publique. Les résultats obtenus dans ce cadre, furent très en deçà des objectifs de production que ce régime avait établi à cette fin.
Suivra ensuite la deuxième république qui, en dépit de son choix du marché libre, (que la communauté internationale salua d’ailleurs), tombera dans la trappe de la corruption. Ce qui contribua à détourner les ressources productives agricoles de leurs destinataires primaires que sont les paysans. Prises dans la tourmente économique que ce système engendra, les autorités de ce régime n’eurent d’autres choix que de simuler le modèle de l’agriculture du type gouvernemental qu’elles héritèrent de leurs prédécesseurs.
C’est ainsi que les fonctionnaires, les militaires, les associations de producteurs (formées pour la circonstance) et le président de la république lui-même se virent dotés de ressources (tracteurs, engrais, etc.) pour produire le riz pour eux-mêmes. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les résultats de ces actions furent insignifiants au regard des importantes ressources que ce régime engagea pour cette cause.
La troisième république qui ferme cette revue sommaire de la politique agricole du type gouvernemental est celle qui, sans avoir tiré les leçons des faiblesses des modèles qui l’ont précédés, invita plutôt les paysans à se regrouper en coopératives pour bénéficier des intrants que le gouvernement faisait venir à coup de milliards de francs Guinéens. Au même moment, elle installa les points de vente du riz importé pour les populations de Conakry.
Les cadres de l’administration publique et d’autres institutions agricoles publiques qui étaient chargés de distribuer ces ressources dans les régions et les préfectures du pays, se taillèrent la part de lion lors de ces opérations, grâce au vaste système de corruption et de détournement des deniers publics que ce régime engendra à son tour. Sans surprise, les résultats qui étaient attendus de cette démarche furent médiocres.
Il ressort de ce qui précède que l’intervention direct de l’Etat dans la production et la distribution des denrées alimentaires, notamment du riz en Guinée, a plutôt contrarié la croissance de ce secteur stratégique et accrut la dépendance du pays vis-à-vis de l’extérieur. Pour éviter cette erreur du passé, les nouvelles autorités doivent créent les conditions de développement du marché libre, ouvert et transparent où, acteurs de la chaine des valeurs des produits alimentaires, s’entremêlent sous l’encadrement judicieux de l’Etat et de ses démembrements qui s’assurent du respect scrupuleux par chaque élément des normes de compétition prescrites par le législateur.

Mamy Kéita, Agroéconomiste à la retraite
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