Course à l’armement stratégique : une fois encore la Russie devant (Par Moïse Sidibé)

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Entre Russie et USA, c’est à qui épaterait l’autre dans une trouvaille technologique pour alimenter la guerre froide. Seulement, y a plus de terrain pour matcher ni de ring pour boxer.

Vladimir Poutine vient de découvrir le tout nouveau missile Avangard, à côté duquel, à en croire les infographies diffusées sur les télévisions du monde, les jouets de Donald Trump et de Kim Jong-Un semblent rudimentaires, surannés et obsolètes.

Quand Valery Giscard d’Estaing était venu à Conakry en provenance de Lyon, en Concorde, en 1977, le supersonique de transport avait fait 2 heures, disait-on. S’il volait à 2200 km/h, il y a dans les 4400 km entre ici et là-bas, du moins, ce qu’on avait déduit à l’époque…

Avangard, lui, n’est pas que supersonique, il est hypersonique de 20 à 27 Mach (un Mach est la vitesse du son dans l’air, qui est de 340 m/s, soit 1224 km/h).

A 20 Mach, il va à 24480 km/h; à 27 Mach, attachez bien vos ceintures, il ne fera que moins d’1 heure 22 minutes pour faire le tour de la terre, qui a 40000 km de circonférence.

On se demande de quels matériaux il est fait pour ne pas se briser sous l’effet d’une telle puissance aérodynamique. La question se pose, puisqu’en 1969, alors que Apollo-11 avançait dans la zone d’attraction de la lune pour son alunissage, la fusée téléguidée soviétique Luna-15 rodait déjà en orbite lunaire. Il y a eu cris, tapages et protestations des Américains, et les Soviétiques ont retiré très vite Luna-15 des lieux pour éviter une collusion aux conséquences…

Luna-15 fut rappelée à 40000 km/heure, disait-on. L’engin se serait brisé en chemin.

Le score était mitigé : les Russes ont envoyé un homme dans l’espace, les Américains ont rattrapé le retard et en ont envoyés 3, dont 2 sur la lune.

Ce jeu a commencé depuis 1945 : les Américains ont été les premiers à fabriquer la bombe-A. Pendant les négociations de Yalta sur le partage de l’Allemagne en zones d’influence, Roosevelt et Churchill ont voulu utiliser la bombe pour influencer Staline dans les négociations, ce dernier avait bluffé comme un joueur de poker en feignant une totale indifférence et était resté intransigeant sur ses prérogatives à revendiquer à l’est. Dans son tréfonds « l’Oncle Jo » savait pertinemment que « l’Uncle Sam » avait déjà trouvé « la chose » que tout le monde convoitait : la bombe atomique.

C’est à Yalta qu’il y a eu « Oncle Jo, pour Joseph Staline et « Uncle Sam » pour USA. Ils s’étaient donné des noms, ces gens-là, ce n’est pas de Oncle Hô, ce qui condamné Hô Chi Minh à rester célibataire jusqu’ààà. Il disait à ceux qui le poussaient à se marier, mais avec qui, tout le monde l’appelait « Oncle »? Mais il y a autre chose. Ce n’est pas le moment.

Les Soviétiques ne rattraperont ce retard qu’en 1949-50. Cela a coûté la chaise électrique au couple Rosenberg accusé d’avoir vendu le secret de la bombe aux Soviétiques.

Avec la création de l’OTAN, c’est le coup d’envoi de la guerre froide, une guerre à distance par pays interposés, où tous les coups sont permis. Et comme la France tenait à Son « Union Française », qui comprenait le Laos, le Cambodge et le Vietnam (appelé la perle de l’Asie, Conakry est la perle de l’Afrique occidentale à cause de la presqu’île de Kaloum…), elle invita le Vietminh à Dien Bien Phu pour un match décisif : Français en bleu, Vietnamiens en rouge. Les coaches étaient Américain en bleu, et URSS et Chine en rouge : Victoire rouge sans appel.

Cette défaite pas encore digérée, voilà qu’en 1957, les Soviétiques envoient Youri Gagarine dans l’espace, à bord du premier satellite artificiel, Spoutnik-1. Il y aura indigestion.

Les Américains furieux et voyant les petits Vietnamiens qui jubilaient à cet exploit, vont débarquer en force en 1960 pour calmer un peu les ardeurs. Ils trouveront un prétexte en 1964 pour déclencher l’opération Rolling Thunder, qui va durer jusqu’en 1968.

En 1962 déjà, Hô Chi Minh, voyant les choses venir, avait demandé aux officiers de la lutte anti-aérienne de se préparer contre le B-52, un avion stratosphérique bourré de brouillages électroniques contre les radars et missiles, capable de voler jusqu’à15000 mètres d’altitude, donc intouchable par la DCA, sur 4000 km de distance sans ravitaillement et pouvant emporter 30 tonnes de bombes, une vraie prouesse technologique. Seuls défauts, il est lourd et relativement lent (950-1000 km/h)

En 1965, Hô Chi Minh demanda aux soviétiques de l’aide pour lutter contre cette nouveauté, mais le « grand-frère » n’en savait pas plus long que lui sur cet avion. Des centaines de missiles S-75 envoyés ne pouvaient rien. Hô Chi Minh prédit que tôt ou tard, les B-52 entreront dans Hanoi. Et comme à Dien Bien Phu, la finale se jouera là. Commença, alors, la formation des pilotes de chasse et des lanceurs de missiles.

En pleins bombardements, il lança un appel à la raison à Lindon Johnson tout en le défiant : « Le Vietnam ne capitulera jamais, la guerre peut durer 10-20 ans, le peuple vietnamien se tiendra débout, Rien n’est plus précieux que l’indépendance et la liberté ».

« L’offensive du Têt » en Janvier 1968. Une opération-suicide digne des terroristes et jihadistes de notre temps d’aller prendre l’ambassade américaine de Saigon avec caméra, était-ce un coup d’éclat ou une stratégie ? Le fiasco total était contraire au mot d’ordre de Hô Chi Minh « n’attaquer que si la victoire est certaine », mais ici la victoire n’était pas certaine. Comment « bouter à tout prix les Américains hors du Vietnam, sans les attaquer ?» Les pertes furent énormes, mais elles avaient eu pour effet de faire réagir l’opinion américaine pour déstabiliser l’administration Johnson, qui assurait que la guerre était en passe d’être gagnée. Le démentit fut accablant.

Les bombardements de l’opération Rolling Thunder cessèrent entre 1969 et 1971. Les Vietnamiens profitèrent pour s’armer et se préparer. Les pilotes de chasse et les soldats des missiles eurent le temps de bien se former en Russie. Les Soviétiques avaient aussi eu le temps de comprendre les astuces et les leurres des B-52 de se dissimuler entre les avions d’escorte et de protection. Ils livrèrent aux Vietnamiens leur dernier cri de MIG-21. Les Vietnamiens trouvèrent le moyen de renforcer les capacités des missiles Sam-2. ça a été long et douloureux avant de toucher un B-52.

Le premier touché avait pu rejoindre sa base en Thaïlande. Les Américains démentent le fait, même quand un autre est abattu au-dessus de Hanoi. Les journalistes de la BBC et de Reuter ont publié les images pour faire taire la polémique. Les échos de cet exploit étaient planétaires, puisqu’ils sont arrivés jusqu’en Guinée. Les MIG-21 et les Sam 2 pouvaient se payer désormais les B-52. Sa suprématie n’était plus absolue, il a fallu 10 ans pour rattraper ce retard.

Il restait cependant un autre : l’utilisation par les américains de l’infra-rouge. Quand les B-52 attaquaient de nuit, c’était compliqué pour les Viêts. Ils n’en étaient pas équipés, en 1972.

La fin était proche, il fallait trouver un plan de sortie honorable : la vietnamisation, c’est-à-dire laisser les Vietnamiens se combattre entre eux. Le monde entier savait que les soldats du sud ne tiendront pas devant les soldats du nord, mais comment sortir du bourbier ? Il faudrait affaiblir les Viets au maximum avant de faire la passe décisive aux soldats du sud pour la finition.

Richard Nixon lance l’opération Linebacker-2 en décembre 1972 pour un baroud d’honneur. Consigne ferme et insistante : « Vous devez mettre toute votre puissance. Je répète toute votre puissance de B-52 pour frapper Hanoi et Haiphong » hormis les maisons de culte, les zones d’habitation et les centres de détention des prisonniers, des pilotes et navigateurs abattus depuis 1966 (ils étaient des centaines).

(Le général Mc-Caine s’était prévalu héros national pour avoir été prisonnier au Vietnam. Donald Trump ne considérait pas un prisonnier comme un héros, lors de l’investiture républicaine…).

Lors de cette finale dénommée Linebacker-2, du 18 au 29 décembre 1972, les deux camps ont mis leur tout dans le tout pour montrer c’est qui le plus fort. L’obstination collective des pilotes des MIG 21 et des Sam-2 était uniquement les B-52. Cette ‘’distraction’’ a dû être fatale à beaucoup de pilotes qui considéraient les F-4 Phantom, les F-105, les F-111 de l’UAAF et des A-4, A-7 de l’US-Navy comme des menus fretins.

Le bilan exact de cette opération montré par Wikipedia n’est pas consensuel. Il faut la VAR pour les départager. Pour Wikipedia: 63 avions (toutes sortes) abattus côté vietnamien et 67 côté américain. Les Vietnamiens parlent de 53 avions (ou 63 ?) abattus, dont 34 B-52 en 11 jours et 11 nuits. Le nombre de B-52 abattus les intéressait plus que tout.

Malgré ce bilan, le documentaire de Planète sur « Missions aériennes au Vietnam-L’opération Linebacker-2 » dit en introduction : la campagne Linebacker-2, va mettre à genoux la machine de guerre nord-vietnamienne et permettre aux Américains de se désengager d’un conflit qui a fait des centaines de milliers de victimes.

 Désengagement ou fuite ? Les mots ont leur sens ! Ensuite, le commentateur poursuit : l’histoire de Linebacker-2 n’est pas seulement le récit d’une opération aérienne de grande envergure, c’est aussi le récit des hommes qui ont contribué à faire sortir les USA de la guerre du Vietnam. Logomachie ! Pourquoi ne pas employer le mot « bourbier », puisque les Américains ont reconnu que c’était un bourbier ?

Ensuite : l’objectif de Rolling Thunder est d’empêcher le gouvernement du nord de soutenir la guérilla Viêt-Cong au sud. Il s’agit aussi d’avertir clairement le gouvernement du nord que les Etats-Unis ne tolèreront pas d’ingérence supplémentaire dans le sud Vietnam » Le commentaire belliqueux contraste avec la réalité sur le terrain. Il est sans dialectique, son syllogisme ne comporte que la majeure qui ne colle pas avec la mineure et la conclusion : Se désengager au pire moment s’appelle fuite, il n’y a pas autre à dire. Au lieu d’affaiblir les nordistes pour que les sudistes terminent le job, c’est les nordistes plus revigorés à la suite de cette confrontation qui vont hériter d’une armée sudiste orpheline et abandonnée à son sort.

Dans la narration d’un fait de l’Histoire vivante, il faut éviter de prendre parti.

Les deux pays entretiennent de très bonnes relations. Les deux derniers présidents Obama et Trump se sont rendus au Vietnam. Auparavant, en 1943, Eisenhower envoyait de l’aide militaire au Vietminh pour bouter les Japonais du Vietnam. C’est pour cela qu’i ne faut pas prendre parti.

Enfin, avec Avangard, les Russes viennent de se placer une fois de plus devant. Si les membres de l’OTAN d’Europe de l’ouest n’ont pas trop d’inquiétude à se faire, il n’en n’est pas de même pour la Pologne et pour les pays de l’ancienne URSS qui sont passés de l’autre côté. En cas de grabuges, ce sont eux qui vont trinquer en premier. Reste à savoir si ce missile est en vente libre.

Voilà une pub pour Vladimir Poutine qui s’apprête à briguer son troisième mandat, et Donald Trump, s’il arrive à se sortir de cette mauvaise passe, son deuxième. L’Avangard est le cadet de ses soucis.

Moïse Sidibé

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