« Dans l’Arène de Simandou », le livre de Akoumba Diallo qui met à nu les tiraillements entre la Guinée et des multinationales autour de Simandou

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Dans une enquête journalistique qu’il a publiée dans un livre intitulé « Dans l’Arène de Simandou », le journaliste guinéen, spécialiste des questions minières Aboubacar Akoumba Diallo, plonge l’opinion dans le périple politico-judiciaire qui a opposé la Guinée et plusieurs multinationales au tour de la mine de Simandou, la plus grande réserve mondiale de minerai de fer.

Volumineux de 328 pages, ce livre d’enquête explique comment des sociétés comme Rio-Tinto, BSGR, Vale, Chinalco et La société financière internationale (SFI) se sont affrontées depuis 1996 pour s’emparer de cette manne minière encore non exploitée.

Même si certaines de ces multinationales avaient réussi à arracher des permis d’exploitation des mains de l’État guinéen, comme ce fut le cas de BSGR, le mont Simandou reste à ce jour non exploité. Dans cet ouvrage ‘’Dans l’Arène de Simandou« , Akoumba Diallo retrace les tracasseries judiciaires mais aussi de lobbying qui ont poussé plusieurs d’entre ces sociétés à abandonner, puisque selon l’auteur : « Les dossiers relatifs au Simandou étaient examinés dans des juridictions américaines, suisses, israéliennes, guinéennes, etc. Un volet de ce feuilleton Simandou était examiné devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), fruit de la convention de Washington du 18 mars 1965 et faisant partie du groupe de la Banque mondiale ; un autre fut devant la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), principal organe judiciaire de cette communauté régionale issu du protocole de 1991″.

Ci-dessous, une brève introduction sur le contenu du livre « Dans l’arène de Simandou »

Le mont Simandou est l’une des plus grandes réserves de minerai de fer de classe mondiale non encore exploitée. Situé au Sud-Est de la Guinée, pays en développement de l’Afrique de l’Ouest, cette gigantesque chaîne de montagnes qui s’étend sur plusieurs milliers de kilomètres carrés regorge plusieurs milliards de tonnes de minerai de fer de haute qualité. Plusieurs compagnies minières se battent, depuis toujours, pour le contrôle de ce dépôt naturel unique de par sa teneur en oxyde de fer : L’anglo-australienne Rio Tinto, BSG Resources du nom du richissime israélien Beny Steinmetz, la brésilienne Vale, la chinoise Chinalco à travers sa filiale China Iron Ore holding (CIOH), la Société financière internationale (SFI), filiale du groupe de la Banque mondiale. Toutes ont promis d’investir des dizaines de milliards de dollars US, sans jamais les mobiliser entièrement, pour l’exploitation de la mine et la réalisation des infrastructures connexes.

De 1996 à 2018, l’histoire de ce projet d’exploitation du minerai de fer de Simandou en Guinée n’a été qu’une succession de tueries, d’engagements non tenus, de procès judiciaires à dimension internationale et souvent interrompus, de conflits permanents entre Communautés et investisseurs, de destruction massive de matériels technologiques et, surtout, d’un perpétuel recommencement d’actes administratifs pour faire de ce rêve de mégaprojet intégré, une réalité.

« Cinq corps sans vie et criblés de balles, exposés à même le sol, dont l’un complètement nu avec un visage ensanglanté » telle est la scène décrite, le 4 août 2012, à Zogota par une mission des organisations de défense des droits de l’Homme.

En effet, dans la nuit du 30 au 31 juillet 2012, des dégradations d’infrastructures sont perpétrées sur les cinq sites de Zogota, pilotés par VBG joint-venture du consortium Vale/BSG Resources et la Guinée, occasionnant l’arrêt de toutes les activités de la société VBG. A la suite de ces actes de vandalisme, les forces de l’ordre guinéennes menèrent une intervention punitive dans la nuit du 3 au 4 août, qui se solda par la destruction d’habitations communautaires et des tueries contre des villageois de Zogota. Le bilan est lourd : cinq morts, de nombreux blessés graves et des arrestations massives d’autochtones.

Ces faits troublants ne sont qu’une des résultantes du conflit entre communautés riveraines, administrations locales chargées de la gouvernance et compagnies minières sur cette zone isolée de la Guinée forestière. Rien qu’une mauvaise cohabitation avec les populations des trois communes rurales riveraines ! la mauvaise gestion des paiements locaux, les problématiques de l’emploi et la violation des lieux de culte ont conduit les protagonistes à cet affrontement mortel.

La dégradation de la situation s’était aggravée lorsque les sous-traitants de VBG (Odebrecht et Zagope) ont débuté leurs activités dès 2011. Plusieurs compagnies multinationales minières, des institutions financières internationales découlant de la charte des Nations Unies, des banques d’investissement privées, des cabinets d’ingénierie et d’avocats, des services des renseignements généraux et de conseils occidentaux, des démarcheurs locaux et des « lobbyistes » de tout genre figurent parmi les acteurs de cette ignoble bataille que l’auteur raconte dans cet ouvrage ‘’Dans l’Arène de Simandou’’.

Les dossiers relatifs au Simandou étaient examinés dans des juridictions américaines, suisses, israéliennes, guinéennes, etc. Un volet de ce feuilleton Simandou était examiné devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), fruit de la convention de Washington du 18 mars 1965 et faisant partie du groupe de la Banque mondiale ; un autre fut devant la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), principal organe judiciaire de cette communauté régionale issu du protocole de 1991.

Le 20 mars 2013, le cabinet d’avocat conseil de la Guinée, SNR Denton, a accompagné le pays dans la conception du modèle fiscal du Simandou sud. Les problématiques décrites dans ce rapport fiscal avaient été préparées par des éminences grises internationales, à savoir James Otto, Andrew Thompson et Jacques Chareyre.

Curieusement, le 1er août 2014, ce cabinet devenu Dentons, par la grâce des mutations, a porté plainte contre la République de Guinée et le ministère des Mines et de la Géologie. Cette action en justice découlait d’un non-paiement de cinq factures de 10 241 458 dollars US au total, « pour appui à la préparation du cadre d’investissement du projet Simandou signé le 26 mai 2014 avec les actionnaires de Simfer Jersey. »

Sur une autre rubrique relative au respect des obligations contractuelles entre partenaires, des engagements portant sur les opérations de prospection géologique, de l’élaboration des études de faisabilité bancables, la mise en place du consortium d’investisseurs dans les infrastructures, de la construction des infrastructures et la réalisation de la première production commerciale n’ont été que de simples paroles en l’air.

Durant cette longue période d’incertitude, les acteurs principaux de ‘’Dans l’Arène de Simandou’’ sont entre autres, le groupe Rio Tinto Plc. Il fut le premier à manifester de l’intérêt pour la mise en valeur des ressources minières de Simandou. Ensuite, vînt le groupe BSG Resources, signataire du protocole d’entente du 26 février 2006 par lequel il a mis une option sur les parties de Simandou qui devaient être rétrocédées plus tard par le groupe Rio Tinto, avant d’en être le principal concurrent.

Dans la perspective de mobiliser des investisseurs nécessaires aux infrastructures connexes, la société Rio Tinto s’était « mariée » avec la Société financière internationale, une organisation du groupe de la Banque mondiale créée en 1956 et qui est dédiée au secteur privé des pays membres.

En 2010, Rio Tinto a entamé des démarches « secrètes », sans succès, auprès de la junte militaire au pouvoir (2008-2010), pour l’approbation de son association avec Chinalco dans le capital de la Simfer, la société d’exploitation de Simandou.

Quant au groupe BSG Resources qui bénéficiait « du soutien total » des autorités transitoires, une transaction impliquant Vale a été conclue, aboutissant à la création de la joint-venture VBG.

Au titre des cabinets d’ingénierie, le groupe Rio Tinto était en partenariat avec Fluor, CHEC et CNRC. Des sociétés de travaux publics locales comme Guicopress et Guiter avaient également été adjudicataires des marchés de la compagnie anglo-australienne.

En avril 2011, dès après l’installation du président Condé, le gouvernement guinéen a signé un accord transactionnel avec le groupe Rio Tinto, avant de déclencher des hostilités avec le groupe BSG Resources dont il annulera les droits miniers en avril 2014. Aussitôt fait, le groupe BSG Resources assigna la Guinée devant le CIRDI, le 1er août 2014. Cette procédure arbitrale avait été scindée en deux phases : la première portant sur la compétence et la responsabilité, la seconde sur le préjudice subi.

Dans le cadre de la première phase, BSG Resources demandait au tribunal d’ordonner à la Guinée de lui restituer les droits sur les blocs 1 et 2 de Simandou.

A Conakry, le 25 février 2019, avec la bénédiction de l’ancien président français Nicolas Sarkozy, la Guinée et le groupe BSG Resources (par le biais de son ancien patron) ont conclu « un accord à l’amiable ». Consacrant l’abandon réciproque des poursuites judiciaires entre les parties. A la faveur de cet accord arriva dans le jeu, en lieu et place BSG Resources, la société anglaise Niron Metals Plc, de l’influent Michael Lawrence Davis.  « Niron Metals a été créée au Royaume Uni, dans la foulée du rapprochement entre la Guinée et le groupe BSG Resources, le 12 juin 2018 sous le numéro 11411548 », croient savoir des interlocuteurs.

D’avril 2011 à février 2018, les relations entre le groupe Rio Tinto et la Guinée n’ont pas été tendres. Des nombreux avocats, des cabinets d’études et des banques d’affaires ont été sollicités par chacune des parties prenantes du projet Simandou sud. Herbert Smith, Taylor DeJong, SNR Denton, Pactual Bank, Lazard Bank, Orrick, DLA Piper, Fidcis, Axcelcium, Jones Day, Sylla & Partners, General Electric, CSR/CNRC, CRCC, Hyundaï, CHEC, BP oil, Vinci et Bolloré, etc., chacun est intervenu selon ses compétences dans le duel de ‘’Dans l’arène de Simandou’’.

Du pool économique de la présidence de la République au ministère des Mines et de la Géologie, de la représentation résidante du groupe de la Banque mondiale aux opérateurs économiques locaux, des acteurs de la société civile au comité technique de revue des titres et conventions miniers, chacun tirait, durant les différentes tractations, la couverture juridique de son côté.

Une autre protagoniste est la société African iron ore group (AIOG), qui en 2012, a obtenu de la Guinée le droit de lever des fonds pour le financement des infrastructures (Transguinéen) du Simandou sud. Elles doivent être dédiées au transport du minerai de fer de Simandou jusqu’à un port en eau profonde, à Forécariah, sur les côtes guinéennes.

Ce contrat en faveur d’AIOG a irrité la direction générale de la SFI et une partie du gouvernement guinéen qui était à la recherche d’un programme de réduction de la dette avec le Fonds monétaire international. A cet effet, le 21 juin 2012, Thierry Tanoh, le Vice-président de SFI a écrit à Kerfalla Yansané, le ministre guinéen de l’Économie et des Finances, en ces termes « Ce partenariat pose un problème de réputation lié à la présence de l’un des administrateurs de AIOG, sur lequel IFC a déjà eu à émettre de sérieuses réserves. Malheureusement, nous ne pouvons pas divulguer les raisons qui ont motivé ces réserves, comme vous l’avez requis, parce que nous avons des obligations de confidentialité à des tiers. Dans ce contexte, cet accord pourrait compromettre l’appui du groupe de la Banque mondiale au projet Simandou. »

Étranglé, Conakry finira par jeter, sans formalités appropriées, cet accord de financement avec AIOG aux oubliettes. Ceci, malgré les menaces de l’investisseur soutenu par son avocat conseil, Latham & Watkins.

Dans une lettre du 17 juillet 2012 à Madame Rachel F. Robbins, vice-présidente et directrice des affaires juridiques de la SFI, Christopher G. Cross de Latham Watkins écrit : « Nous comprenons de son excellence, le ministre des Mines et de la Géologie Mohamed Lamine Fofana que M.Tanoh, écrivant explicitement au nom et pour le compte de l’ensemble du groupe de la Banque mondiale (et ce, quelques jours avant son départ allégué vers une banque privée), a procédé à un certain nombre de déclarations que notre client IMG dénonce. »

  1. Cross ajoute que « Des membres du gouvernement ont signalé que des personnels de la SFI étaient dans un passé récent intervenus pour accuser Ethelbert Cooper, le fondateur d’AIOG, d’infraction rendant toute association avec lui indésirable. » Le lecteur retrouvera cette série sur le plateau de ‘’Dans l’arène de Simandou’’.

Pourtant, dans le cadre de la mise en œuvre des obligations découlant de l’accord transactionnel, SNR Denton a demandé l’avis de la banque Lazard sur les questions élémentaires qui doivent être posées à des investisseurs potentiels. L’enjeu est de taille : l’apport de financement à l’État guinéen en vue d’acquérir la participation de 51% dans la société d’infrastructures (Infraco). Selon les termes de son mémorandum du 4 décembre 2012 à SNR, Denton, Lazard Bank a été catégorique : « La capacité de l’État à obtenir le financement des 51% dépend inévitablement de la bancabilité de Infraco et de l’attractivité de la proposition d’investissement qui sera faite par l’État aux investisseurs. »

Cette enquête journalistique de 328 pages intitulée ‘’Dans l’arène de Simandou’’, vous invite dans l’univers des négociations avortées, durant lesquelles les actionnaires de Simfer annonçaient avoir évalué des options qui permettraient d’intégrer le transport de minerai de fer de Simandou sud par camion : l’objectif étant d’atteindre un niveau de production de la mine le 31 décembre 2014.

Si cette proposition avait été approuvée par les actionnaires de Simfer S.A, la décision de transporter par camion le minerai de fer se serait réalisée, parallèlement, à la construction des infrastructures ferroviaires et portuaires du projet. Cet amusement stratégique est ‘’Dans l’arène de Simandou’’.

Tout ce tâtonnement suggère que les acteurs anonymes doivent être nombreux dans ce dossier souvent traité « dans une grande discrétion. » Cette longue enquête journalistique tentera, tant soit peu, de livrer quelques secrets de cette bataille aux acteurs complexes. Bonne lecture !

Thierno Sadou Diallo

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