De nouveau pacte social/démocratique et la transition en Guinée (Ousmane Guirassy)

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🛑Par Ousmane Guirassy🛑La Guinée avant le coup d’Etat du 5 septembre 2021 organisé par un groupe d’homme mené par le Colonel Mamadi Doumbouya plus tard appelé CNRD est venu porter le coup de grâce au régime d’Alpha Condé. Ce régime était arrivé à un point extrême ou il fallait mettre fin à la monarchie républicaine et ses vicissitudes pour recréer un ordre social. Le Colonel Mamadi Doumbouya est venu trancher le noeud gordien.

La Question que tout le monde se pose est de savoir si le CNRD réussira a imposer une discipline démocratique garante des libertés ou si quelque homme et femme forts casqués et bérets sur la tête continueront à tirer l’épée comme le faisait Dadis Camara ou Sékouba Konaté ?  

Il ne s’agit pas simplement et uniquement pour le CNRD de réinventer une démocratie mise à rude épreuve depuis 1958 en Guinée, mais plutôt une réinvention complète de l’ensemble de la chaine de production de l’Etat. Armées, le système éducatif, les impôts, l’administration publique, les banques, les transports, le commerce etc. Ne serait-ce que cette mission, elle justifierait « un nouveau pacte de refondation démocratique ». Ce nouveau pacte démocratique devrait être passé avec le peuple Guinéen pendant cette période transitoire. Ce pacte devra se prolonger, sur une plus grande échelle, les actions déjà réalisées (confiance dans la vie politique, évolution du Conseil National de la Transition, la nomination des nouveaux visages dans le gouvernement, la mise à la retraite des personnes n’ayant plus l’âge légal de service, la réforme de la haute fonction publique envisagée, baromètres de l’action publique…)

I) Ainsi, quelle ambition doit nourrir les acteurs de la transition ?

L’une des actions fondamentales des acteurs de la transition est de : ramener aux urnes les citoyens Guinéens qui s’en sont éloignés et arrêter l’inquiétante spirale de défiance qui rend caduc tout projet collectif. Car, depuis plus d’une vingtaine d’années, les Guinéens et ont le sentiment que leurs votes sont volés, manipulés, détournés ce qui rompt complètement leur confiance en tout processus électoral en Guinée.

L’enjeu est encore plus décisif. Les quatre grandes crises qu’a traversées la Guinée – Coup d’Etat du CNDD en 2008, le simulacre d’élection organisé par Sékouba Konaté en 2010, le coup d’Etat constitutionnel orchestré par Alpha Condé en 2020 et enfin ce coup d’Etat du 5 septembre 2021 ont souligné que l’essoufflement démocratique privait aussi de leur oxygène vital ses nécessaires transformation. Si le CNRD veut continuer de ramener la confiance du peuple dans le progrès qu’il a déjà engagé, il ne pourra faire seulement battre la corde économique et sociale qui est sa marque de fabrique. Le succès enregistré dans le dégagisme et de la réconciliation sociale n’en suffisent pas. Il doit y ajouter une réponse plus strictement politique de vaste ampleur.

  1. Réconcilier légitimité du pouvoir et efficacité de l’action

C’est sur ces deux piliers que le CNRD doit construire ce « pacte ». Tâche tout indiquée d’une large campagne de communication, d’agora et de dialogue avec l’ensemble des Guinéens sans distinction aucune. Chaque Guinéen devrait être un citoyen (acteur responsable de la démocratie) avant d’être un client (usager exigeant des services publics). Or, cette hiérarchie est depuis belle lurette sortie dans la pansée collective des Guinéennes et Guinéens en se remettant au fatalisme de leur sort. Cette hiérarchie de servir d’abord le peuple s’est inversée il y a bien longtemps qu’il va falloir la renverser. Cette situation a sapé les fondements traditionnels de la citoyenneté au profit d’un dangereux fractionnement de la nation et d’un droit permettant à l’objection de conscience.

Cette malhonnêteté a contribué à fabriquer des défenseurs engagés et parfois enragés des causes qui influent l’existent des Guinéens, mais avares de leurs consentement aux concessions qui requiert l’intérêt général. Consommateur de prestation dont il faut mesurer la qualité à l’aune des impôts que les Guinéennes et Guinéens acquittent, mais n’y trouvent jamais leurs comptes, n’y profitent jamais ni directement ni indirectement. Prompte à gonfler leur compte en banque les voleurs des biens sociaux pour leurs seules familles et leurs proches quitte à laisser mourrir de faim des familles pauvres. IL faut que le CNRD pense à l’inverse, à la résilience collective pendant la grande pauvreté aussi pendant et après cette transition à ce que le citoyen Guinéen reprenne place dans la vie de la cité. Les dires, ce n’est stigmatiser personne. Mais planter le décor de la reconquête républicaine.

2) Renverser la table de la IVème République et mettre celle de la Vème 

Lorsque le Colonel Mamadi Doumbouya s’est présenté devant le peuple Guinéen le 05 septembre 2021, on pouvait remarqué qu’il avait auprès de lui deux compagnons qui s’appelaient l’honneur et la patrie. Ses compagnons d’aujourd’hui, qu’il a sans doute choisi et qui l’on suivi jusqu’ici, se nomment le coup d’Etat et la sédition. Et c’est dans ce choix qu’il s’est présenté devant les juges suprêmes pour être investi des pouvoirs et tous les pouvoirs. IL est désormais l’arbitre national qui fasse valoir la continuité de l’Etat au milieu des combinaisons. Comme disait la Maxim «plus valet quod agitur quam quod simulatir »

(Une action ne peut être prescrite avant d’être juridiquement possible). Ce qui amène à dire que c’est la rédaction de la constitution qui doit définitivement marquer l’action juridique du CNRD à tel point que c’est la rédaction d’une constitution claire, précise et adaptée à la réalité Guinéenne et sous régionale qui constituera la réussite ou l’échec de cette transition.

Il faut que cette nouvelle constitution soit la clef de voûte de ce nouveau pacte social et démocratique, elle doit transcender toute considération individuelle et privilégier le collectif. Cette norme suprême doit prendre en compte l’homme en tant que sujet de droit et le citoyen en tant que sujet politique.

a) L’homme comme sujet de droit 

C’est à dire que le constituant doit donner la possibilité à l’homme seul ou à plusieurs de faire échec à une décision administrative, politique ou légale si il (ils) considèrent que ces mesures sont inappropriées ou injustes. Concrètement, si un homme ou une femme juge qu’une loi, une décision administrative est injuste ou contraire à la constitution, il doit pouvoir sur un simple bout de papier saisir le juge constitutionnel afin qu’il puisse contrôler la constitutionnalité de cette loi ou de cette mesure administrative. Cette possibilité de saisine du juge constitutionnel devrait se faire à priori c’est à dire avant l’entrée en vigueur de la loi ou de la mesure et a-posteriori c’est à dire après l’entrée en vigueur de la loi ou de la mesure administrative.

b) Le citoyen comme sujet politique  

Le citoyen doit être considéré dans cette nouvelle constitution comme un réel titulaire du pouvoir c’est à dire qu’il doit être en mesure de proposer des lois et de dénoncer des lois par le biais de pétitions signées par 5000 citoyens âgés de 18 ans et plus qui sera appelé le « RIC » (le référendum d’initiative citoyenne). Dès lors que les 5000 signatures sont réunies, le sujet droit automatiquement être inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et faire l’objet de débat en présence des initiateurs du RIC.

À l’inverse, si une loi est considérée trop liberticide et pernicieuse, par une pétition signée par 5000 citoyens Guinéens, cette loi doit faire l’objet d’un réexamen à l’Assemblée Nationale suivi d’un débat pour soit sa réécriture soit son abrogation pur et simple.

Quand bien même cette liste de proposition est loin d’être exhaustive, mais, si le CNRD arrive par la voie constitutionnelle a redonner du pouvoir au peuple, il aurait réussi a renverser « la table » des précédentes Républiques et assoir dans la durée la Vème République. Ces précédentes Républiques en butte aux désordres, ont préféré le bruit et la fureur aux gestes calibrés. Les membres du défi démocratique étaient sensibles à cette tentation de radicalité. Qui, même les voix les plus sérieuses n’ont pas réussi à dissuader les caciques de la République qui se prennent pour un Dieu. Or, l’histoire n’a jamais été aussi malveillante que pour ceux qui se prennent pour un Dieu. La crise démocratique est si profonde qu’elle exige de sceller un contrat solennel entre les citoyens et son chef. Mais la réussite de ce pacte repose d’abord sur la pertinence du constat, la traque des idées reçues et la cohérence des traitements à administrer dans un intérêt commun.

Ainsi, par exemple, le sens commun voudrait que la prétendue toute puissance du Président de la IV ème République soit la cause de la frénésie démocratique. Pour autant, le contraire aurait été la meilleure manière démocratique. Le Président de la future constitution ne doit pas être un président Jupiterien. Il doit en fréquence se confronter à l’opinion publique que cette opinions soit politique ou neutre. Quant à l’autorité qu’il exercera sur l’administration publique, doit rompre avec le système bureaucratique d’une autre époque. Chacun sait bien que ce système rencontre des limites inhérentes. Ses lenteurs et des blocages. Omnipotent? Jupiter est un mythe. Et celui de Sisyphe, un risque sérieux qu’il faut à tout prix prévenir dans cette nouvelle constitution.

II) Comment doit  se mettre  en pratique cette ambition nourrie

IL a été expliqué dans les lignes précédentes des enjeux de cette ambition nourrie et de la création d’un nouveau pacte démocratique et social lors de cette transition. Voyons à présent comment cela doit prendre forme et fond.

  1. La récréation d’un large espace de débat public

Il ya un besoin marqué en Guinée de recréer un large  espace public et simplifier la chaine de production du service public: telles sont les deux conditions qui détermineront la restauration du couple « légitimité-efficacité ». Le premier objectif doit inspirer des changements dans l’exercice du pouvoir qui résultent exclusivement d’une modification des pratiques et des habitudes des dirigeants. Le second objectif implique une clarification des responsabilités entre les différents acteurs publics c’est à dire Etat central, Etat déconcentré et collectivité locale qui ne rime pas avec une énième vague de changement des préfets et sous préfets. Ces deux objectifs se confondent dans ce qui fera figure d’une cure de désintoxication dans les pratiques du pouvoir en Guinée : le remplacement de sacro-saint culte de la personnalité, la personnification du pouvoir par la culture de la co-construction, du temps long, du diagnostic, du contrat, de l’expérimentation. Et, bien sûr, du résultat.  Même si les réformes institutionnelles engagées par le CNRD n’auront à elles seules sur le désenchantement démocratique les effets d’une baguette magique, sa nécessité ne fait pas de doute. La restauration d’un espace de débat public implique de nombreuses transformations en cascade. Celle-ci commence au CNT et impose à ce dernier de recouvrer une représentativité et une influence qui lui sont aujourd’hui contestées avant même qu’il ne prenne corps et forme. Cette restauration d’espace de débat s’étend ensuite à la capacité de donner périodiquement la parole au citoyen dans les grands choix politiques, et pas seulement tous les cinq ans, aux élections.

Le CNT aura besoin de l’influx de légitimité et cela implique de revenir sur la chronologie des pratiques anciennes jugées néfastes pour l’équilibre des pouvoirs, de l’élection du chef de l’Etat et de celles des députés, qui la suivent immédiatement ? Tous les constitutionnalistes jugent dépassée cette chronologie dans la mesure où elle ferme la porte à un débat démocratique sincère. Chacun se meut dans un conformisme politique.

IL faut proposer dans cette constitution le retour au septennat ou instauration du sextennat ,mandat du député de six ans (avec ou sans renouvellement par moitié tout les trois ans). Les idées ne manquent pas. Mettez cette idée en débat public ? Pourvu que des changements aussi majeurs (comme le serait aussi la transformation de la cours suprême en véritable chambre des territoires).

2) L’introduction d’une dose de proportionnelle aux élections législatives

Cette proposition d’introduire une dose de proportionnelle doit aller de pair avec la réduction du nombre de parlementaires, les modalités de votre (électronique, par correspondance, vote blanc), la mise à l’étude d’un assouplissement limité du non cumul des mandats (autorisé pour des villages de petites tailles) avec leur limitation dans le temps et une restructuration du travail parlementaire qui redonnerait à celui-ci tout son lustre. Par exemple, il sera versé au débat l’encadrement du pouvoir d’amendement ( au besoin avec le filtre des groupes), les pouvoirs d’évaluation dévolus aux commissions parlementaires, la surveillance de l’élaboration des décrets d’application, le calendrier alterné (une semaine au palais du peuple, une semaine en circonscription) etc..

Autre pièce essentielle de ce « pacte républicain », la participation citoyenne. Il faut mettre les enseignements des expériences des régimes précédents au crédit de la future Guinée. La grande concertation nationale engagée par le colonel Mamadi Doumbouya : la rencontre avec toutes les composantes de la nation devrait être pérennisée pour amorcer un réel changement dans les moeurs démocratiques.

Premièrement, la clarté de la proposition faite aux citoyens : sont-ils décisionnaires ou   simplement consultés ?

Deuxièmement, la bonne articulation entre ces dispositifs de « collégialité élargie » et les responsabilités du CNRD, du CNT et des divers pouvoirs locaux.

La Guinée est si peut familière de cette inclusion délibérative de la société civile que sa mise en oeuvre devra faire l’objet d’une expérimentation progressive. Référendums ( délestés de leur caractère plébiscitaire), conférences de consensus, jugement majoritaire (mécanisme judicieux de mesure de l’opinion), activation des conseils économiques, sociaux et environnementaux locaux… Les dispositifs ne sont pas une difficulté, surtout à l’ère numérique. Mais il faudra surmonter cette contradiction : outils destinés à apaiser la colère citoyenne, ils ne pourront produire leurs meilleurs fruits qu’avec une opinion pacifiée. Ce qui suppose une pédagogie de la citoyenneté auprès des populations auxquelles elle parle de moins en moins: les jeunes grossissant les rangs de l’abstention ou habitants des villages éloignés.

Ceci, est une réflexion sur un nouveau « pacte social/démocratique » pour ressouder le peuple et ses dirigeants, mais aussi pour réconcilier «légitimité du pouvoir » et « efficacité de l’action »

Ousmane GUIRASSY

Juriste diplômé de l’université de Bordeaux

Préparation de l’examen de barreau de Paris

IEJ de Paris 1 Panthéon Sorbonne

E-mail: mahannafaousma@gmail.com

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