Demande d’adhésion du Maroc et de la Tunisie à la Cedeao : pourquoi ne pas attendre la ZLEC en Janvier 2018! (Par Oumar Diop)

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Après l’évaluation des risques sécuritaires liés à la demande d’adhésion du Maroc et de la Tunisie à la CEDEAO, il est également opportun de revenir sur les autres volets assez préjudiciables pour la sous-région. En effet, à y réfléchir encore, l’engouement et le forcing effréné du Maroc et de la Tunisie posent vraiment des problèmes d’ordre économique, institutionnel, et social, voire éthique qui méritent aussi d’être pris en considération pour justifier davantage plus de retenue quant à l’éventuel octroi d’un statut de membre à part entière à ces deux pays au sein de la CEDEAO.

En premier lieu, le volet économique qui semble justifier l’accord des chefs d’état et de gouvernement est pourtant le plus craint par nombre de milieux d’affaires et agricoles de la sous-région. A part la Cote d’Ivoire qui a déclaré officiellement son engouement total dans l’espoir de plus d’investissement pour son économie – deadline de 2020 pour l’émergence oblige peut-être – les autres gouvernements n’ont pas encore donné d’arguments plus innovants, ou mutuellement bénéfiques, ou enfin totalement différents des avantages d’affaires que le statut d’observateur offre déjà au Maroc ou à la Tunisie !

Mais en matière d’intégration continentale les ministres du commerce de l’Union Africaine viennent d’approuver le 1er décembre 2017, à Niamey, les textes de la Zone de libre –échange continental (ZLEC) qu’ils ont remis officiellement au président Mahamadou Issoufou du Niger. Ce dernier, désigné champion de la zone de libre-échange continental par ses pairs, va les présenter à la prochaine conférence des chefs d’état et de gouvernement en janvier 2018, pour adoption après une approbation préalable par le comité spécial des ministres de la justice du continent.

Projet phare de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, la ZLEC a pour « finalité de doubler le commerce intra-africain avec un profit annuel d’environ 35 milliards de dollars, d’ici 20210 2022 »[2]. Il a également l’ambition de mettre en application un taux d’ouverture des marchés compris entre 85% et 95% entre les pays de l’Union dans une période de 5 à 10 ans.

Cette avancée au niveau continental doit certainement appeler à plus de précaution et de retenue avant d’offrir le statut de membre à part entière au Maroc et à la Tunisie à la CEDEAO, un mois seulement environ avant une décision continentale de grande importance. Une action précipitée à l’avantage des pays concernés est à craindre à ce sujet. Ce, d’autant plus que les discussions des accords additionnels de la ZLEC permettront à chaque pays de préciser quels secteurs mieux protéger ou faire bénéficier d’un moratoire avant l’application effective et totale des accords.

A ce jour, les appréhensions de ces milieux d’affaires régionaux demeurent vives et actuelles. Si la Confédération Nationale des Employeurs du Sénégal (CNES) est bien connue au Sénégal pour une position bien tranchée contre l’admission du Maroc, d’autres institutions nationales ont bien élevé la voix pour alerter les gouvernements de leurs pays respectifs. Au Nigeria, la puissante Nigeria Labour Congress (NLC)[3] a demandé officiellement au gouvernement, à l’assemblée nationale et au sénat d’émettre un avis défavorable. Il a également recommandé aux associations membres dont Mademba Sock est le président régional, d’en faire autant auprès de leurs gouvernements respectifs.  La Manufacturers Association of Nigeria (Association des Manufacturers du Nigéria) fondée en 1971 a également rejoint le camp des opposants en évoquant le risque que l’adhésion du Maroc à la CEDEAO constitue eu égard aux liens de libre-échange avec l’Union Européenne. Enfin un groupe de députés nigérians dirigé par le représentant Bosum Georges –Oladele, a déclaré e que le marché de 340 millions de la CEDEAO de consommateurs dont 55% proviennent du Nigeria, est d’un grand intérêt pour le Maroc : ce pays bénéficiera donc d’un partenariat économique avec l’UE s’il est admis à la CEDEAO et les produits européens inonderont inévitablement la CEDEAO par son biais, et ils poursuivent en disant que le Nigeria sera obligé de menacer de quitter la communauté régionale si les autres états émettent un avis favorable. Enfin l’association des anciens diplomates nigérians a également recommandé un avis défavorable de peur que le Maroc ne porte ombrage à la notoriété du Nigeria dans la sous-région.

Mais les conclusions de l’économiste mauritanien Mory Gueta Cissé, ardent défenseur de l’adhésion de son pays à la CEDEAO, sont suffisantes pour justifier les appréhensions de tous les milieux d’affaires régionaux : « notre intégration dans l’espace de l’Union du Maghreb Arabe n’a attiré aucun investissement autre que des coiffeurs , des bouchers, divers restaurateurs et vendeurs de fruits et légumes non commercialisables sur leur marché local alors qu’aucun mauritanien ne peut disposer de licence pour ouvrir un quelconque commerce de proximité dans l’un quelconque des pays du Maghreb »[4].

Les fruits et légumes marocains de médiocre qualité que l’on voit arriver à travers le désert à Dakar, Bamako, Nouakchott, Niamey et Ouagadougou en sont aujourd’hui d’éloquents témoignages.

Les cercles d’affaires régionaux ont posé des problèmes clairs de facilitations de réciprocité d’établissement et d’accès au marché marocain qui connaitront difficilement des solutions positives pour des raisons évidentes de préférence nationale.

Et pourtant, les chefs d’état et de gouvernement ne donnent à ce jour que des arguments d’intérêt économique pour justifier leur futur accord. Le président de la commission de la CEDEAO, conscient au début des réels problèmes de cohérence géographique et de soucis économiques, a modulé progressivement ses propos face aux attaques répétées de la presse marocaine[5] et de la tendance favorable manifestée par nombre de chefs d’état depuis le sommet de Monrovia en avril dernier.

Mais le Maroc lui sait ce qu’il veut en intégrant un marché de 320 millions d’habitants dont le PIB global des états membres s’élève à 700 milliards de dollars US. L’objectif affiché a été décliné clairement, à savoir « poursuivre l’intégration régionale du Maroc et contourner une Union du Maghreb Arabe (UMA) éteinte » selon les termes de SM le Roi Mohamed VI dans son discours au sommet de l’Union Africaine.

Les milieux d’affaires marocains ont renchéri en insistant « qu’en intégrant la CEDEAO c’est tout bénef pour les produits marocains et les industries marocaines qui délocalisent une partie de leur production …..car globalement cet espace est plus une zone de consommation et d’importation que de production et d’exportation »[6].

A part l’option politique clairement déclinée, la situation socioéconomique du Maroc et de la Tunisie, voire des pays du Maghreb, justifie également cette recherchée effrénée de marchés pour leurs produits et leurs populations. Leur situation socioéconomique demeure assez morose en ces temps-ci, malgré l’attrait qu’ils ont pour nombre de jeunes d’Afrique tropicale.

Il convient d’abord de retenir que « le taux de chômage des jeunes du Maghreb est parmi les plus élevés au monde » selon les experts réunis à Rabat à l’occasion de la réunion du Comité intergouvernemental d’experts organisé par le bureau Afrique du Nord de la Commission Economique de l’Afrique (CEA)[7]. L’équipe d’experts dirigée par la secrétaire exécutive Vera Songwe va plus loin en donnant des chiffres plus précis :

Algérie : taux de chômage national : 10, 5 % début 2016 ; taux de chômage des jeunes de 16 à 24 ans : 27%

Maroc : taux de chômage national : 10, 7% début 2017 et taux de chômage des jeunes (15 à 24 ans) ; 25,5%

Tunisie : taux de chômage national : 15,3% (début 2017, et taux de chômage des jeunes (16-24 ans) : 35%

Le secrétaire général de l’UMA, Taieb Baccouche, présent à la réunion, reconnait que « l’intégration régionale au Maghreb permettra d’avoir un marché de plus de 100 millions de consommateurs. Ce qui dynamisera les économies de l’Afrique du Nord et engendrera davantage d’investissements productifs ». Le gisement d’emplois que représente l’intégration régionale était donc officiellement reconnu. L’atteinte de cet objectif devrait être assurément la première mission des pays de l’UMA, en lieu et place d’une recherche effrénée d’adhésion à la CEDEAO, laissant leur propre communauté régionale péricliter lamentablement !

En guise de conclusion des travaux, la secrétaire exécutive, allant au-delà de la communauté régionale, rassurait en déclarant que « l’établissement d’une zone de libre-échange continentale de plus d’un milliard de consommateurs va stimuler les économies de la région et permettra la création d’emplois durables pour les jeunes[8]. »

Il est évident que l’ouverture de l’espace CEDEAO, ou la moyenne du chômage national se situe environ à 8% selon l’OIT en 2014, à des pays d’Afrique du Nord confrontés aux problèmes ci-dessus évoqués, ne sera pour eux qu’un appel d’air pour trouver d’abord des solutions à leurs propres difficultés.

A la suite de nombre d’organisations professionnelles régionales, d’éminentes personnalités de compétence reconnue sur le plan économique ont eu également à alerter les autorités et l’opinion sous régionale. A cet égard le Professeur Moustapha Kassé, doyen honoraire de la Faculté de Sciences Economiques de l’Université de Dakar, n’a pas manqué de démonter avec force que « l’entrée du Maroc va handicaper les économies des états membres, et qu’un pays comme le Sénégal n’y gagne rien, qu’il va perdre au contraire »[9] !

Mais c’est bien la dimension internationale du préjudice qui risque de faire plus mal compte tenu des accords d’association déjà signés par le Maroc et la Tunisie avec l’Union Européenne. En effet les deux pays ont signé d’abord des accords d’association en 1995 (Tunisie) et 1996 (Maroc) qui ont abouti au fil des ans en Accord de Libre Echange Complet et Approfondi (ALECA ; 2013 pour le Maroc et 2015 pour la Tunisie) centré sur les problèmes d’échanges économiques à l’exclusion de toute disposition relative à la libre circulation des personnes, voire même des professionnels.

Là aussi la hantise de voir le Maroc ou la Tunisie servir de relais de pénétration européenne du marché ouest africain peut être comprise car les prémisses sont déjà perceptibles, voire officiellement annoncées. En visite au Maroc en novembre dernier, le Premier Ministre français Edouard Philipe a été on ne peut plus clair à ce sujet en appelant, en présence de son homologue marocain Saad Eddine El Othmani, sur le plan économique « à développer les échanges pour faire du Maroc une plateforme de développement commun vers l’Afrique, terre d’opportunité »[10].

Quant à la Tunisie qui vient d’être épinglée par l’Union européenne pour ses pratiques « d’offshoring [11]» au détriment de certains pays européens, les pays de la CEDEAO risquent de constituer un boulevard, voire une autoroute sans péage de profits illimités et incontrôlés.

En second lieu, leur adhésion à titre individuel pose également problème sur le plan institutionnel. En effet les communautés économiques régionales (CER), piliers de l’intégration économique graduelle du continent été bien établies compte tenu des affinités socio-culturelles des pays concernés, de leur position géographique respective, en tenant compte certainement aussi du passé colonial. En effet, c’est bien la résolution CM/Res 464. (XXVI) du conseil des ministres de l’Organisation de l’Unité Africaine sur laquelle s’appuie le Traité d’Abuja[12] qui divise l’Afrique en cinq communautés économiques régionales : Afrique de l’Ouest (16 état membres), Afrique de l’Est (13 états membres), Afrique Australe (10 états membres), Afrique centrale (9 états membres), Afrique du Nord (5 états membres). L’article 2 du Traité révisé ne fait que renforcer ce critère d’appartenance géographique bien délimitée, malgré l’interprétation élargie que veulent en faire certains.

Les CERs avaient pour but essentiel de favoriser entre ses membres l’intégration économique et le développement au profit de leurs populations en vue de la réalisation de l’intégration économique continentale dénommée aujourd’hui Zone de Libre Echange Continentale (ZLEC). Mais à l’évaluation des CERs à travers le continent, force est de reconnaitre que la seule zone qui n’a fait aucun effort de cohésion et d’intégration sous régionale est bien l’UMA ! Dirigeants et populations n’arrivent jamais à s’entendre sur l’essentiel, aucune institution ne fonctionne correctement, aucun projet sous régional commun n’a été réalisé, et pire les pays sont toujours à la limite de la confrontation armée avec le problème du Sahara Occidental !

Il faut signaler également que la libre circulation des ressortissants de l’UMA dans les pays de leur zone n’est pas libre comme au sein de la CEDEAO : elle est encore assujettie à l’obtention d’un visa, sauf pour des cas particuliers objet d’accords bilatéraux !

Comment donc voulez-vous que des pays qui n’ont fait 26 ans durant aucun effort pour animer leur sous-région, ne se sont entendus sur rien d’essentiel pour atteindre l’objectif d’intégration régionale prescrit par l’institution continentale, vont se réveiller un matin pour décider unilatéralement de rejoindre la CEDEAO, pour des intérêts économiques bien calculées, sans se soucier des solutions à trouver au niveau de leur communauté d’appartenance !

Pire, l’avis de l’Union Africaine n’est même pas sollicité pour savoir si l’institution continentale doit évaluer l’UMA d’abord, accepter ou non son incapacité à fonctionner puis procéder à des recommandations pour ventiler les pays concernés auprès des autres CER ! Ou bien recommander au bloc UMA de rejoindre la CEDEAO comme l’ont fait librement et après négociations les pays de la SADC[13] et de la EAC[14] pour former la COMESA[15] !

Rien de tout cela ! Par contre nous assistons à une course effrénée, voire une compétition ardue entre le Maroc et la Tunisie ! Cette dernière fonce d’abord vers la COMESA dont elle espère devenir le 20e membre rejoindre en 2018, avant de se retourner illico vers la CEDEAO pour solliciter une adhésion !

Le Maroc lui a été plus subtil et saisit l’opportunité des visites du roi pour mettre en exergue la « générosité » de la Fondation Mohamed VI pour les œuvres sociales. Les plus récentes interventions phares sont le financement des PDA (point de débarquement aménagé) au débarcadère de Locodjoro et Grand Lahou en Côte d’Ivoire, ceux de Temenitaye et Bonfi à Conakry, et celui de Soumbedioune au Sénégal ! Il faudra ajouter à cela l’aménagement de la baie de Cocody à Abidjan. La réalité du partenariat entre secteurs privés et publics ouest africains et marocains est indéniable depuis des décennies : elle est certainement profitable aux deux parties en l’état actuel de la situation et du statut du Maroc vis-à-vis de la CEDEAO.

D’autres experts évoquent la difficulté du royaume de pouvoir appliquer le protocole de la CEDEAO sur la Démocratie et la Bonne gouvernance ratifié par tous les états membres ; compte tenu de la spécifié monarchique de l’état marocain.

Il faut noter enfin qu’au niveau des huit nouvelles communautés de développement régionales du continent, seule la CEDEAO a adopté une mesure effective de libre circulation des personnes et des biens au profit de ses ressortissants ! La CEEAC vient juste de prendre une mesure similaire. Toutes les autres appliquent des accords bilatéraux entre pays de la même région.

Enfin, le principe de la discontinuité territoriale a été aussi avancé. Comment accepter que le Maroc et la Tunisie puissent « sauter littéralement » la Mauritanie, pays frontalier ayant un statut d’associé, et venir demander directement un statut de membre à part entière ? Etats islamiques ayant les mêmes fondements socioreligieux que la Mauritanie, à l’opposé des pays officiellement laïcs de la CEDEAO, le Maroc et la Tunisie, voire demain tout autre état de l’UMA, devraient s’accommoder de leur statut d’observateur ou d’associé en attendant l’application effective de la ZLEC !

En dernier lieu le volet social, voire éthique, mérite aussi d’être pris en compte pour apaiser d’abord les relations et préjugés, entre les populations. Les communautés économiques régionales réunissent des pays qui ont des valeurs partagées – socio-culturelles, histoire commune, us et coutumes similaires ou presque – et qui vivent dans une région géographique donnée. A dire vrai, les populations noires de l’Afrique tropicale n’ont aucune similarité socioculturelle avec les populations arabo-musulmanes de l’Afrique du Nord. Ne nous voilons pas la face : le racisme viscéral dont font preuve les populations arabes, dans le regard comme dans la parole quand le noir est soit appelé publiquement « esclave », ou « singe », ou « maudit », ou même « africain » ne peut s’accommoder d’une disposition mentale et morale en faveur d’une intégration sociale véridique, particulièrement dans la quête d’une CEDEAO des peuples ! Et il sera difficile de lutter contre une attitude permanente de négrophobie prête à s’exprimer à chaque opportunité.

Malgré les relations officielles et la coopération politique et économique, il existe une rupture profonde entre les populations arabo-musulmanes et les populations d’Afrique tropicale. A part la religion musulmane que partagent un certain nombre de ressortissants de la CEDEAO avec ceux du Maghreb, les Konan, Obi, Diandy, Preira, Lamptey et autres Enyema de l’Afrique occidentale n’ont guère une aucune affinité socioculturelle avec les magrébins de l’Afrique du Nord, si ce n’est la bonne compréhension quand l’occasion se présente !

Nul besoin de rappeler que les minorités noires vivant dans ces pays d’Afrique du Nord connaissent aussi dans leur propre chair le racisme et la marginalisation au quotidien ; ainsi qu’une volonté d’état de leur ôter toute visibilité nationale et internationale !

Les souffrances, humiliations, manque de respect et de considération que vivent depuis des années nombre de visiteurs d’Afrique noire dans les pays du Maghreb sont des témoignages quotidiens. Les vidéos provenant de Libye et qui défraient l’actualité ces jours-ci révèlent assurément des pratiques anciennes bien ancrées dans leurs traditions arabo-musulmanes.

Nous demeurons convaincus que le non l’emporterait largement si les populations maghrébines, à l’instar de leurs homologues de l’Afrique de l’ouest, étaient consultées par voie référendaire ou par échantillonnage populaire.

En outre, la situation déplorable dans laquelle des migrants africains sont maintenus dans des camps à Casablanca, Fès vivant dans les rues, ou dans les caches des champs et vergers du nord du pays dans l’espoir d’une traversée, comme la traque officielle et les renvois massifs de milliers de négro-africains à travers les villes algériennes du sud représentent en soi une vulnérabilité pour les dirigeants d’Afrique noire comme pour leurs populations. Là aussi, il faut bien comprendre les populations maghrébines : personne ne serait content d’avoir autour de son domicile, sa rue, une centaine de migrants qui ne peuvent aller nulle part, en train de mendier ou de s’adonner à des activités illicites ! La politique généreuse de SM Mohamed VI pour l’intégration des migrants à des limites évidentes et il convient d’en tenir compte désormais, autorités des pays comme candidats à l’émigration.

Comment s’attendre à être respecté si de jeunes migrants passent tout leur temps à être insultés dans les rues, renvoyés en convois routiers d’Algérie après moult humiliations, subir au quotidien une négrophobie ostentatoire …alors que leurs gouvernements respectifs ne mènent aucun effort pour réclamer un traitement décent et humain les concernant ! Comment eux-mêmes peuvent ils littéralement « envahir » des rues de villes maghrébines en espérant recevoir un accueil chaleureux ?

C’est toute la politique de migration et des conditions de séjour des citoyens de l’Afrique subsaharienne qui méritent d’être l’objet de nouvelles et franches négociations entre les pays concernés pour espérer retrouver respect et c considération pour l’homme noir dans le Maghreb.

Comment donc comprendre que des gens qui affichent un mépris multiséculaire à l’égard des populations de l’Afrique tropicale, qui ne marquent même pas leur émoi ni leur indignation devant les scènes horribles qui se passent chez leur voisin libyen, puissent se lever un jour pour dire qu’ils veulent « s’intégrer » avec ces mêmes populations ? En effet à ce jour de Nouakchott à Tunis, en passant par Rabat et Alger, aucune marque de compassion n’a été exprimée officiellement !

Mais le paradoxe aussi est que certaines populations musulmanes de la région ouest africaine peuvent même avoir des comportements préjudiciables à la sécurité de leurs propres communautés. Le prosélytisme religieux de certaines d’entre elles, prêtes à prendre tout arabe enturbanné pour un « chérif religieux » affublé automatiquement du titre pompeux de « petit-fils du prophète » (PSL), va les emmener à faire montre d’une hospitalité débordante qui peut se terminer par un attentat au détriment de compatriotes innocents. Et ceci est bien une ruse que ne manqueront pas d’utiliser certains revenants !

Un autre point d’éthique et non des moindres a été soulevé par un ancien ministre des affaires étrangères nigérian. Le Maroc, comme les autres membres de l’UMA , est déjà membre de la Ligue Arabe et » pourrait bénéficier du quota de l’UMA et de la Ligue Arabe, comme les Nations Unies et l’Union Africaine utilisent désormais le concept de répartition régionale dans la désignation à des postes de haute responsabilité , par élection ou affectation »[16] .

Enfin, la bataille, voire la guerre, politico-médiatique entre l’Algérie et le Maroc va se transposer au sein des institutions de la CEDEAO et finir de bloquer le fonctionnement harmonieux que connait l’organisation régionale à ce jour .Rivale officielle et attitrée du Maroc à travers le continent, l’Algérie va demander d’adhérer car son économie est aussi morose que celle des autres pays candidats ; pire  elle va demander ensuite l’adhésion de la RASD[17] en arguant que celle-ci a été déjà reconnue par l’Union Africaine !

Leurs invectives à travers la presse africaine et internationale à la veille de la conférence UA-UE de fin novembre à Abidjan, a fait sortir de ses gongs Mr Ahmedou Ould Abdallah, ancien représentant du secrétaire général des nations unies au Burundi, qui a demandé « aux pays du Maghreb de laisser tranquilles les pays de la CEDEAO et de ne pas y transposer leurs querelles » au cours d’une interview avec Radio France Internationale !

En conclusion, les arguments ci-dessus évoqués, en sus des risques sécuritaires soulignés la semaine dernière, ne militent guère à l’octroi du statut de membre à part entière de la CEDEAO au Maroc et à la Tunisie. Leur statut actuel d’observateur, voire d’associé comme la Mauritanie, est largement suffisant et leur permet de mener les activités économiques et d’affaires qui les intéressent plus qu’une intégration des peuples.

C’est l’occasion de regretter en passant que les institutions de la CEDEAO et de la CEAC n’aient pas jugé utile de renforcer leur coopération eu égard aux valeurs partagées de leurs populations respectives.

Il s’avère donc plus judicieux d’attendre la mise en place effective de la Zone de Libre Echange Continental (ZLEC), en janvier prochain, pour permettre à tous les pays membres de l’UMA, comme les autres CERs, de participer à armes égales aux relations de libre échange continental selon des termes clairs et arrêtés d’accord parties entre les gouvernements du continent.

Alioune Diop, Colonel (En retraite)

Ancien Conseiller Principal Sécurité des Nations unies

Consultant – Chercheur

Mail : aldiop30@gmail.com

Dakar, décembre 2017

—————-

[1] ZLEC : Zone de Libre Echange Continental : Projet phare de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine

[2] Niamey et les 2 jours : article du 4 décembre 2017

[3] Congrès National des Syndicats du Nigeria

[4] Mory Gueta Cisse : « L’adhésion du Maroc à la CEDEAO est liée à la réadmission de la RIM » ; Financial Afrik, 7 juin 2017

[5] Mohammed Jaabouk : « Marcel de Souza a-t-il pioché ses réserves en Afrique du Sud ? », publié le 09/03/2017, disponible à https://www.yabiladi.com

[6] Adama Sylla : Adhésion à la CEDEAO : ce que le Maroc pourrait gagner ; Challenge.ma du 14 mars 2017

[7] Agence Xinhua : 32eme Réunion du comité intergouvernemental d’experts, Bureau Afrique du Nord de la CEA, Rabat 3-6 octobre 2017)

[8] Idem

[9] Sud Quotidien du 4 décembre 2017

[10] Sophie Pons, Paul Aubriat :  Visite d’Edouard Philippe au Maroc : objectif Afrique ; AFP, 16/11/2017

[11] Offshoring : délocalisation de services ou d’entreprises vers des pays à bas salaire

[12] Trait2 d’Abuja instituant la Communauté Economique Africaine, 3 juin 1991

[13] SADC : Southern Africa Development Community : Communauté de Developpement des pays du Sud de l’Afrique

[14] EAC : East African Community : Communauté des pays de l’Afrique de l’Est

[15] COMESA : Common Market for Eastern and Southern Africa : Marché commun de l’Afrique de l’Est et du Sud

[16] Bolaji Akinyemi, ancien ministre des affaires étrangères du Nigeria

[17] RASD : République Arabe Sahraouie Démocratique (Sahara Occidental)

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