Djinconya et Kétiguia (Dalaba): le maire de la CU revient sur les causes profondes du conflit entre les deux localités (interview)

0

Obtenez des mises à jour en temps réel directement sur votre appareil, abonnez-vous maintenant.

La semaine dernière, l’on a enregistré de violents affrontements entre Djinconya et Kétiguia, deux localités relevant de la préfecture de Dalaba. Des affrontements qui ont fait plusieurs blessés.

Dans ce conflit domanial qui défraie la chronique, chacun y va de son commentaire. Certains se basent sur les faits réels, d’autres par contre spéculent là-dessus. Pour connaître l’origine, les enjeux et les causes anciennes et récentes de cette situation, votre quotidien en ligne a dépêché un de ses journalistes sur les lieux, pour connaître la génèse de ce conflit qui date depuis le prémier régime et qui malheureusement a pris une autre tournure sous le règne d’Alpha Condé à cause de certaines négligences liées au découpage administratif.

Dans une interview qu’il a accordée à Mediaguinee, Elhadj Ibrahima Dalaba Diallo, maire de la commune urbaine (CU) de Dalaba (lui-même originaire de Diguilin, district de Pennoun, dans Mafara) est revenu sur les causes profondes de ce conflit dont les paisibles populations de Dalaba auraient pu et dû se passer allégrement. Interview…

Voici le domaine qui divise…

Médiaguinée: Monsieur le maire, vous êtes originaire de Diguilin. Qu’est-ce que vous savez du conflit entre les localités de Djinconya et Kétiguia?

Elhadj Ibrahima Dalaba Diallo: Je suis âgé de 72 ans. J’ai fait la Mecque. J’ai fait toute ma vie à Dalaba ici, grandi ici, plusieurs fois j’ai bénéficié de la confiance de la population de la population de Dalaba. J’ai été le sécrétaire général du comité régional du premier régime durant 12 ans, entre la commune urbaine et les sous-préfectures de Dalaba. J’ai été un leader politique au temps du régime de feu Lansana Conté. J’ai été sous-préfet de 1985 à 2019. Je ne suis allé nulle part. Je suis enseignant de carrière, professeur de titre. Toute ma vie de jeunesse et de notabilité, je l’ai faite à Dalaba ici. Je n’ai pas eu de difficultés dans tout ce que j’ai fait durant ces trois régimes. Le premier au temps du président Ahmed Sékou Touré, une partie au temps du président Lansana Conté et ensuite avec le capitaine Moussa Dadis Camara. J’ai été sous-préfet adjoint à Mafara, j’ai été sous-préfet adjoint à Kalla, j’ai été sous-préfet titulaire à Bodié, à Ditinn et j’ai été muté sous-préfet à Mombéya mais on m’a ramené à Mafara. 

L’histoire de ces deux localités, Kétiguia et Djinconya, Tamikouré et Bady faisaient le même PRL. Liées par des liens de parenté séculaires, serrées, intimes, il n’y a jamais eu de problème. Nous, nous avons fait notre école primaire coloniale à Bodié. C’est le fleuve qui sépare Kétiguia et Bodié. Toute la sous-préfecture de Mafara faisait partie de l’arrondissement de Bodiè dans le temps avec le canton de Bodié. Le fleuve les séparant, en hivernage il y a des crues. On utilisait la pirogue. Vu cette situation, on a ramené tout le Mafara à Ditinn. Je crois ça c’est vers 1963. Donc Ditinn rayonnait jusqu’au niveau de Kourou-Maninka, de Mafara, de Kétiguia, de Pennoun, plus maintenant les localités de Ditinn centre. C’est en 1976 que Mafara a été détaché en sous-préfecture. Kourou-Maninka avait demandé d’être érigé en sous-préfecture au temps des provinces lorsque Monsieur Kouramoudou était gouverneur de la province de Kindia. Lorsque Kourou-Maninka a senti qu’on voulait avoir une sous-préfecture, disons un arrondissement à Mafara, un à Kalla, un à Mombeya, ils ont postulé. Ils ont sollicité auprès de Kouramoudou Doumbouya pour que le président accepte que tout ce qui est de l’autre côté là soit le chef-lieu à Kourou-Maninka. Entre Kourou-Maninka et Fougoumba, il y a une grande rivière appelée Siragouré et deux petits ruisseaux (Sönè 1 et Sönè 2). Ils sont allés chez lui avec deux cent mille sylis. Kouramoudou a pris l’argent, directement il est allé remettre à Monsieur Sékou Touré. Que voilà on veut le corrompre avec ça pour que Kourou soit érigée en sous-préfecture. Il y avait les CRR, une conférence régionale dans toutes les régions. C’est Monsieur Lansana Diané qui a été envoyé pour diriger le CRR ici. Lorsqu’il est arrivé à la veille du CRR, toutes les délégations des arrondissements devaient être là, j’étais là en tant que jeune secrétaire. C’était au siège du bureau fédéral. Lorsque les délégations sortent, on laisse un permanent. J’étais là en tant que permanent avec un frère du comité régional du nom de feu Ahmed Tidiane Mara qui travaillait à la justice. On a vu la Mercedes descendre. Dès qu’il a garé, on s’est levé. Il a demandé où est le gouverneur, j’ai répondu: le gouverneur doit être à la résidence. Il dit : bon, montez. Lorsque j’ai voulu monter devant, il avait son fusil. Il me dit, ne t’assois pas sur mon fusil. J’ai compris instinctivement que c’est une mauvaise situation. J’ai voulu reculer, le frère Mara me dit : général va seul, moi je vais rester ici. Il m’a pris, on est allé directement à la résidence. Sa femme est sortie au salon, il lui a demandé où est le gouverneur. Elle nous dit qu’il vient de sortir. Il dit : bon, dès qu’il arrive, qu’il nous trouve à la Villa Syli. Nous on est allé à la Villa, lorsqu’on rentrait, le gouverneur est arrivé. C’était Monsieur Binany (Il était ancien secrétaire fédéral de Gaoual nommé gouverneur de Dalaba lorsque le président de la République française est venu à Labé. Par erreur, ils ont prononcé le secrétaire général comme gouverneur, directement le président l’a nommé gouverneur). Il me dit : prenez un Bic et du papier. J’ai pris un Bic et du papier. Il dit : demain à 8h j’ai besoin de voir à la permanence tous les comités directeurs et les organismes. Sortez. On est sortis. Dès qu’on est sorti, le gouverneur a dit : général, ce monsieur est venu. Ce qu’on va faire, allons d’abord préparer ses repas. On est venu, il avait des étrangers. Il avait acheté un bœuf qu’il a égorgé (En ce moment le bœuf ne coûtait rien). Il devait embarquer ses hôtes vers Conakry, alors c’est cette viande qu’on a prise pour aller à la résidence et préparer les repas. Il me dit : toi occupe-toi maintenant de l’envoi des véhicules pour les délégations. (En ce moment, lorsque tu avais une responsabilité, elle était importante). Je suis allé à l’ERC, prendre pour chaque arrondissement un véhicule. Je suis allé à la station Total, j’ai fait un bon, tous les véhicules ont eu leur carburant. Ils ont démarré avant 18 heures. La nuit, toutes les délégations étaient arrivées ici. Le matin, tout le monde est reçu à la permanence. C’est étant là-bas qu’une délégation est venue garer dans une Jeep. C’était dirigé par Monsieur Pakillé. Je suis sorti en tant que jeune. Il me dit : la délégation ? Je dis elle est là. Il me dit : Annoncez-nous. Je suis allé, j’ai dit au président de la séance qu’il y a une délégation de la présidence. Il me dit : faites-les rentrer. Je suis allé leur dire, ils sont rentrés. Il a fait son garde-à-vous, il a fait sortir la correspondance et l’a remise à Monsieur Lansana Diané. Il a ouvert. Il a lu devant tout le monde. Le papier que le président Ahmed Sékou Touré a envoyé dit : «Je te renvoie ce montant de deux cent mille sylis envoyé par Kourou-Maninka à Kouramoudou pour la création du chef-lieu de l’arrondissement. Il faut remettre cet argent à la délégation administrative de Mafara pour commencer les infrastructures. Ça, ça a piqué mal le président du PRL de Kourou-Maninka qui était dans la salle. Il a appelé l’un des frères qui était là, il y avait trois. Deux du nom de Fofana Mam et Fofana Gosseissé qui est mon grand-frère aîné. Lui, il a été envoyé à Mombéya, frère Fofana a été envoyé à… et l’autre Fofana Mamadou a été envoyé à Mafara comme délégué administratif. Il s’est levé, il a pris l’enveloppe et l’argent dans la permanence ici. Le président du PRL de Kourou-Maninka fâché, s’est levé. Il dit : camarade ministre, je demande la parole. Il lui a donné la parole. Il dit lorsque vous vous mariez, vous divorcez avec votre épouse, elle rentre chez elle et reste longtemps. Elle n’a pas été remariée et le mari aussi n’a pas marié une autre femme. Si le mari veut récupérer cette femme, est-ce qu’il y a des problèmes? Le camarade ministre aussi dit non. Il dit alors nous Kourou-Maninka nous n’irons pas à Mafara. Nous préférons rester à Ditinn. Donc voilà comment Mafara a été sous-préfecture avec des problèmes, des difficultés, des revendications entre Kourou et Mafara. J’ajoute que ce différend n’a rien d’ethnie. Pour preuve, moi je suis né d’un mariage mixte entre une femme malinké et un père peul. Mon père a donné en mariage ma sœur à un jeune malinké. Mon jeune-frère de lait a donné sa flle à un malinké. Mon neveu (le fils à mon grand-frère) a donné en mariage deux de ses filles à des malinkés du même village. Donc, que les gens arrêtent d’ethniciser un conflit autour d’un domaine.

Mediaguinée: Quelles sont ces revendications?

Elhadj Ibrahima Dalaba Diallo: Les gens de Mafara voulaient que toute cette entité soit comme sous-préfecture de Mafara. Mais puisque déjà vous avez l’état d’esprit dans lequel se trouvait Kourou-Maninka, pour eux, le président du PRL a dit : nous nous n’avons pas envoyé notre argent pour être vilipendés. On a envoyé notre argent en cachette dans l’honneur. Il allait prendre l’argent et ne rien dire. Mais pour nous il nous a vendus chez le président et ici aussi on nous a vendus. C’est ce qui a fâché Kourou-Maninka. Donc Kourou n’a pas été érigé en sous-préfecture. Ainsi durant tout le temps, Kourou-Maninka est resté avec Ditinn. Maintenant Djinconya et Kétiguia étant le même district géré par Mafara, il y a eu des problèmes entre les deux localités à cause d’une mosquée. Pour la localité de Djinconya, vous savez en ce moment il y avait des principes pour la construction d’une mosquée un peu partout. On n’érige pas les mosquées n’importe comment. Si la mosquée n’arrivait pas à avoir les critères de nombre indiqué par le Coran, on n’érige pas la mosquée comme on veut. En ce moment il fallait rester sur ces critères. Une seule mosquée pouvait servir pour beaucoup de localités. Nos parents étaient en ce moment foncièrement attachés à la religion musulmane. Ils ne badinaient  pas. Normalement, Djinkoya dans le passé venait faire la prière à Kétiguia. Lorsque maintenant cette prolifération des mosquées a commencé dans le pays, Djinkoya dit nous aussi nous voulons notre mosquée. Ils ont déclaré ça à Kétiguia que ce n’était pas une mosquée de vendredi. Les vendredis, on revient dans la grande mosquée. Les autres aussi ont accepté. Mais par après, les autres ont transformé ce vœu en mosquée de vendredi. Il y a donc des tiraillements là encore. Et ça a coûté de la quinine aux deux localités. J’étais sous-préfet à Ditinn en 1995-1999. Feu Ousmane Kaba, ancien membre du comité national de la jeunesse était gouverneur à Mamou ici et Elhadj Boubacar de Almamy était gouverneur à Dalaba. Lorsque le feu a été allumé encore entre ces deux localités, moi j’ai accompagné les deux délégations. J’ai été interprète de Ousmane Kaba gouverneur. (Un intellectuel des deux côtés, c’était un journaliste mais pétri dans la religion musulmane. Tous ses discours sont purgés dans les séquences de la religion musulmane, de l’Islam. Pour le traduire, il faut se lever de bonne heure… ). C’est là que Djinconya a été érigé finalement en district.

Les images des blessés des deux parties en conflit…

Mediaguinée: Comment Djinconya s’est retrouvé dans la sous-préfecture de Kourou-Maninka?

Elhadj Ibrahima Dalaba Diallo: Vous avez vu entre Kourou-Maninka et Djinconya c’est très distant. Djinconya à cause du troisième mandat d’Alpha Condé a eu la promesse que si Kourou vote pour le troisième mandat, il sera cette fois-ci érigé en sous-préfecture. Cet esprit a été donné par les ressortissants près de l’ancien régime. Puisque cela a eu lieu, ils les ont érigés en sous-préfecture. Maintenant la délégation qui est allée pour des études sociologiques ne connaissait pas le lieu. C’était tous des étrangers. Ils ont commencé par Djinkoya qui est une entité de Kétiguia. Mais elle n’a pas interrogé le président. Elle est allée d’abord au niveau de Djinconya. Ceux-ci ont dit qu’ils sont prêts à être dans Kourou-Maninka et renoncer à Mafara. Ils sont venus à Kétiguia par après, eux ils ont dit attention, nous seuls nous n’avons pas le droit de vous répondre ici, on n’a pas retrouvé tous nos parents. C’est lorsqu’on va les retrouver, on vous répondra oui ou non. C’est au niveau du Bowal qu’il y a la différence entre l’ancien territoire de Kétiguia dans Mafara et Kourou-Maninka. Vous voyez la portion qui restait. Vous continuez jusqu’au niveau du pont pour dire que c’est Kétiguia Tout ce territoire-là était géré par Mafara. Maintenant depuis que eux ils ont choisi d’être à Kourou-Maninka, il y a les problèmes qui sont réveillés un peu partout. Ce sont des gens qui vivaient bien.

Mediaguinée: Depuis là, qu’avez-vous fait pour calmer la situation ?

Elhadj Ibrahima Dalaba Diallo: Le lundi passé, nous étions là-bas avec le préfet. On était allés lorsqu’ils ont dit qu’il faut tracer un terrain de football le lendemain de la fête. Le terrain, pour les gens de Kétiguia, ils sont les coutumiers, comme dans toute autre entité. Maintenant la génération actuelle veut transcender ces coutumes. Si on veut certains domaines, on vient, on demande, prêtez-nous. Dans l’histoire qui a été donnée ce jour, ceux de Djinconya ont dit qu’ils ne demanderont plus personne une portion de terre là-bas. Ceux de Kétiguia disent non. Ce sont nos domaines, demandez, on vous prête. Les autres ne veulent pas suivre les valeurs que les parents ont laissées, les autres veulent que les valeurs demeurent intactes. Le préfet et moi, on a sensibilisé mais en vain. D’abord le premier jour de la fête, s’il y avait eu le football sans aucune autorisation, il y aurait eu des cadavres. On a dit au préfet d’interdire le football. Parce que les jeunes ressortissants avaient quitté tous les horizons pour venir s’affronter là-bas. Donc voilà en bref le problème. Chacun est campé sur sa position. Ce jour, les cailloux venaient sur nous comme la pluie.

Mediaguinée: D’après vous, quelles dispositions faut-il prendre pour mettre fin à ce conflit?

Elhadj Ibrahima Dalaba Diallo: On a mis en place une commission de crise. Puisque je suis le président du conseil de développement de la préfecture désigné par d’autres maires de la préfecture. Nous sommes en train de travailler.

Réalisé par Jacques Kamano, de retour de Dalaba

Obtenez des mises à jour en temps réel directement sur votre appareil, abonnez-vous maintenant.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Ce site utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. Accepter En savoir plus

Open chat
Mediaguinee.com
Avez-vous une information à partager?
Besoin d'un renseignement?
Contactez Mediaguinee.com sur WhatsApp