Environnement- Diplomatie hydrique de la Guinée : Quelles initiatives de relance (Par Youssouf Sylla)

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En plus des règles très élaborées de l’ABN en matière de protection de l’environnement, certaines autres conventions internationales peuvent servir de modèle de référence pour les Etats de l’OMVG et de l’OMVS dans le cadre d’amélioration de leurs textes constitutifs. On peut citer a ce titre la Convention sur l’Evaluation de l’Impact sur l’Environnement dans un contexte transfrontière ou Convention d’Espoo et la Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation.

Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière ou Convention d’Espoo

Dans le souci d’ouvrir la Convention d’Espoo aux autres pays du monde, les États parties lors de leur deuxième réunion ont par Décision II/14 procédé à l’amendement de la Convention d’Espoo. Il est permis désormais à travers le nouvel alinéa 3 de l’article 17 de la Convention d’Espoo à tout État qui n’appartient pas à la région de la CEE-ONU de devenir Partie à la Convention. Théoriquement la possibilité est offerte aux pays membres de l’OMVG de devenir partie à cette Convention. Compte tenu de l’importance de cet instrument juridique pour les questions de protection de l’environnement dans un contexte transfrontière, les Etats de l’OMVG peuvent y adhérer ou s’en inspirer pour combler une importante lacune en matière d’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière. Autrement, la Convention d’Espoo peut offrir aux États membres de l’OMVG l’opportunité de bâtir des règles qui visent à régler les préoccupations environnementales résultant en particulier des projets de construction des barrages hydroélectriques sur le fleuve Gambie. Lorsque par exemple, un État membre de l’OMVG préconise à titre individuel la construction d’un barrage sur le fleuve Gambie et que ce projet de par sa nature est susceptible d’avoir un « impact transfrontière », la Convention d’Espoo en vertu de l’alinéa 2 de son article 2, impose à l’État porteur du projet, « l’établissement d’une procédure d’évaluation de l’impact sur l’environnement permettant la participation du public et la constitution du dossier d’évaluation de l’impact sur l’environnement ».  L’impact transfrontière désigne aux termes de l’article 1, (viii) «  tout impact, et non pas exclusivement un impact de caractère mondial, qu’aurait dans les limites d’une zone relevant de la juridiction d’une Partie une activité proposée dont l’origine physique se situerait en tout ou partie dans la zone relevant de la juridiction d’une autre Partie».

Au titre de la Convention d’Espoo, les projets susceptibles de déclencher une procédure d’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière sont ceux qui figurent dans l’Appendice I de la Convention. Parmi les projets visés, figurent les «Grands barrages et réservoirs ». Il apparait de toute évidence que la réalisation de tels projets peut être envisagée à titre individuel  par un État membre de l’OMVG ou à titre collectif par tous les États membres de l’Organisation.

La procédure d’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière comporte différentes étapes successives. Il s’agit de la notification, de la constitution d’un dossier d’évaluation de l’impact sur l’environnement,  des consultations sur la base du dossier d’évaluation de l’impact sur l’environnement, et de la décision définitive.

La notification. En vertu de l’article 3 de la Convention, l’État initiateur, appelé dans le jargon de la Convention « Partie d’origine », doit notifier dans un délai raisonnable à l’État impacté, « Partie touchée », le projet envisagé. La notification qui concerne les projets qui figurent dans la liste de l’Appendice I, contient, entre autres, les informations relatives à « l’activité proposée, y compris tout renseignement disponible sur son éventuel impact transfrontière », ainsi que des « renseignements sur la nature de la décision qui pourra être prise ».

A ce stade, il est d’une importance capitale pour la partie touchée de faire savoir à la partie d’origine si elle entend participer à la procédure d’évaluation de l’impact sur 1’environnement. Lorsque la partie touchée déclare qu’elle ne participera pas à la procédure d’évaluation ou si elle ne répond pas dans les délais requis, elle se prive de son droit d’être impliquée dans les prochaines étapes de la procédure d’évaluation. Et la Partie d’origine dans de telles conditions, détermine « si elle doit procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement sur la base de sa législation et de sa pratique nationales ».

Il peut arriver qu’une partie touchée fasse valoir qu’aucune notification ne lui a été faite au titre de l’article 3 de la présente Convention. Dans ce cas, elle peut en vertu de l’article 3 alinéa 7, demander à la partie d’origine « des informations suffisantes aux fins d’engager des discussions sur le point de savoir si un impact transfrontière préjudiciable important est probable ». Si cette probabilité est admise par les parties, la Convention d’Espoo s’applique. Dans le cas contraire, ce sont les dispositions de l’Appendice IV qui s’appliqueront, à moins qu’elles ne décident de regeler autrement la question. Les dispositions de l’Appendice IV ont trait à une procédure d’enquête menée par une commission composée de trois membres aux fins de déterminer si un impact transfrontière préjudiciable important est probable. Chaque partie désigne un membre qui est un expert et les deux représentants désignent un troisième qui présidera la Commission. Le Président ne doit pas être en situation de conflit d’intérêt avec une des parties et ne doit pas avoir été impliqué auparavant dans le traitement du dossier dont il est saisi. Deux mois à compter de la date de sa constitution, la Commission rend un avis scientifique définitif.

Après notification, la partie d’origine doit constituer un dossier d’évaluation de l’impact sur l’environnement. En vertu de l’alinéa 1 de l’article 4, le dossier d’évaluation de l’impact sur l’environnement doit comporter les renseignements visés à l’Appendice II. Ces renseignements qui ne sont pas exhaustifs doivent décrire le projet et proposer des solutions  de remplacement ; décrire l’environnement sur lequel l’activité proposée et les solutions de remplacement sont susceptibles d’avoir un impact important; décrire l’impact que l’activité proposée et les solutions de remplacement peuvent avoir sur l’environnement tout en évaluant l’ampleur de cet impact ; décrire les  mesures correctives proposées pour réduire l’impact préjudiciable sur l’environnement; et faire résumé non technique avec, au besoin, une présentation visuelle.

Dès lors que le dossier d’évaluation de l’impact sur l’environnement a été constitué et transmis à la partie touchée, il est procédé en vertu de l’article 5 de la Convention à une consultation entre les parties concernées « au sujet, notamment, de l’impact transfrontière que l’activité proposée pourrait avoir et des mesures propres à permettre de réduire cet impact ou de l’éliminer ».

Après ces consultations, la partie d’origine prend une décision définitive avec ses motifs et la communique à la Partie touchée. Outre la décision définitive, les parties peuvent envisager s’il y a lieu de procéder à une analyse à posteriori au titre de l’article 7 de la Convention et de l’Appendice V. Cette analyse tend à vérifier si la décision définitive et les mesures de correction envisagées sont correctement appliquées. Cependant si cette analyse met en évidence des facteurs qui contribuent à donner lieu à un impact transfrontière significatif, les parties peuvent engager des consultations en vue d’atténuer l’impact concerné.

Pour terminer, on peut se demander sur la position qu’il conviendrait d’adopter par rapport à un projet non inscrit sur la liste de l’Appendice I mais qui est susceptible d’avoir un impact transfrontière préjudiciable.

Face à ce projet, l’alinéa 5 de l’article 2 de la Convention permet aux parties d’engager des consultations en vue de déterminer si le projet en question génère effectivement un impact transfrontière préjudiciable dans des conditions assimilables à un projet inscrit sur la liste de l’Appendice I. Si c’est le cas, le projet non inscrit sur la liste, à cause de ses effets, doit être traité par les parties comme un projet inscrit sur la liste. L’Appendice III met en place trois critères pour déterminer l’importance de l’impact d’un projet non inscrit sur la liste de l’Appendice I. Les critères à prendre en compte sont soit l’ampleur du projet, soit la sensibilité du site retenu pour l’exécuter, soit enfin ses effets.

Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation

Adoptée en mai 1997, cette convention est entrée en vigueur le 17 août 2014. La Guinée ne fait pas partie de cette Convention.  A date seuls 5 pays de l’Afrique de l’Ouest en sont membres. Il s’agit du Benin, du Burkina Faso, de la Guinée Bissau, du Niger et du Nigeria. Elle contient d’importantes dispositions en lien avec la protection de l’environnement des cours d’eaux internationaux qui peuvent intéresser la Guinée dans le cadre d’une action du renforcement des conventions sur ses eaux partagées. En effet, la convention invite un État du cours d’eau à prendre les mesures nécessaires pour ne pas causer des dommages significatifs à un autre État du cours d’eau. Si malgré tout, un État est touché par le fait d’un autre, ce dernier a l’obligation au titre de l’article7 de la convention, d’éliminer ce dommage ou d’indemniser les victimes dans certains cas. Aussi, l’obligation pour un État de communiquer aux autres riverains, préalablement à la réalisation de tout ouvrage sur les eaux partagées, des informations concernant le projet envisagé, y compris le résultat des études d’impact, figure en bonne place dans l’article 12 de la convention. La convention accorde en outre, une importance fondamentale à la protection et à la préservation des écosystèmes des cours d’eaux internationaux. Cette protection est assurée individuellement par chaque État, et collectivement par les États riverains. En vertu de l’article 21 de la convention, les États du cours d’eau, peuvent prendre des mesures qui visent à définir les critères communs concernant la qualité des eaux, à lutter contre les sources de pollution ponctuelles ou diffuses de l’eau, et à identifier les substances dont l’introduction est interdite ou contrôlée dans le cours d’eaux. A souligner enfin, que l’adhésion à cette convention, au titre de l’alinéa 1 de son article 3 est sans conséquence sur les engagements conclus par les parties dans le cadre d’autres conventions. Cependant, rien ne les interdit d’adapter les dispositions de cette convention « aux caractéristiques et aux utilisations d’un cours d’eau international particulier ou d’une partie d’un tel cours d’eau ».

In fine, la convention d’Espoo et celle relative aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation ouvrent pour la Guinée un champ diplomatique explorable pour planter les questions environnementales dans le cœur des organisations sous régionales de gestion des eaux dont elle fait partie.

Par Youssouf Sylla, analyste-juriste, à Conakry

In Guineenews

 

 

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