Hadja Aicha Bah : ‘’mon rêve est que l’enseignement des langues nationales de la petite enfance au primaire soit réintroduit’’

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Du haut de ses 77 ans, Hadja Aicha Bah Diallo reste une icône de l’éducation. Aujourd’hui, membre du jury de la prestigieuse Fondation Mo Ibrahim du milliardaire anglo-soudanais Mohamed « Mo » Ibrahim, l’ancienne ministre guinéenne de l’Enseignement pré-universitaire a ouvert samedi dernier son cœur –en exclusivité- à Mediaguinee. C’était dans l’imposant Sofitel Hôtel Ivoire d’Abidjan qui accueillait Ibrahim Governance Weekend (IGW).

La dame tout sourire qui ne paraît pas son âge a émis le souhait de voir un jour l’enseignement des langues nationales réintroduit dans les programmes scolaires en Guinée. Non sans fustiger la façon dont cela avait été fait sous le premier régime.

‘’Moi, mon rêve est que l’enseignement des langues surtout au niveau de la petite enfance et du primaire soit réintroduit. Ça existait autrefois. Mais la façon dont ça avait été introduit n’avait pas été étudié à fond. On n’avait pas demandé l’avis des parents. Il aurait fallu en parler aux parents, aux jeunes leur expliquer que la qualité de l’éducation dépend de la langue que l’on introduit lorsque l’enfant arrive à l’école », dit-elle.

« Vous vous imaginez, moi je parle poular, je parle malinké, je parle soussou, je parle guerzé ou toma, mettons 3 ans, quatre ans, on me parle français alors que dans ma famille on parle la langue maternelle. Je vais arriver [à l’école], c’est une violence. L’enfant est complètement perdu. Alors qu’il vient avec beaucoup de connaissances. Donc, on doit bâtir sur ce que l’enfant a comme connaissances : la langue nationale.  Et maintenant introduire au fur et à mesure le français. Mais d’abord la langue nationale », poursuit-elle. Mais, insiste-elle, « il faut former les enseignants en langues nationales, et c’est par là qu’il faut commencer pour qu’ils sachent l’introduire de la petite enfance à l’école primaire. Comme ça, au moment où l’enfant arrive au collège, il a au moins deux langues qu’il maîtrise :  sa langue maternelle et le français. Et vous allez voir, ils vont tous aller et vont tous réussir. J’en suis persuadée ».

Mamadou Savané, de retour d’Abidjan (Côte d’Ivoire)

 

 

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2 commentaires
  1. CONDÉ ABOU dit

    Quel destin extraordinaire et incroyable de savoir que Mme Hadja Aicha Bah est en si bonne santé apparente ! Bravo Madame Hadja Aïcha Bah, dont personne dans ce pays n’oubliera le passage remarquable dans le système éducatif Guinéen depuis les années 1960 et 1970.

    Que Dieu le Tout Miséricordieux en soit Loué et qu’Il vous accorde Madame, encore beaucoup plus de longévité et de bonheur.

    Par rapport à ce papier de Médiaguinée, en toute humilité, je trouve que sur le principe de l’enseignement des Langues Nationales dans un pays de 24 ethnies comme la Guinée, j’y souscrirais certainement. Je dis bien sur le principe.

    Mais pas du tout dans l’enseignement obligatoire des Langues Nationales dans les curricula académiques actuels des élèves. Cela devrait se faire très progressivement d’abord dans l’investissement dans la recherche sur la longue durée pour conférer méthodiquement à cette matière, une base scientifique suffisamment forte en termes de supports pédagogiques universels comme le dictionnaire, la grammaire, la conjugaison, l’orthographe et tous les outils pédagogiques à l’usage des élèves, des enseignants et autres formateurs et qui soient validés par l’institut National de la Pédagogie appliquée et de la Linguistique.

    Ensuite dans les budgets-programmes et pourquoi ? Parce qu’il suffit de comparer l’enseignement de l’Anglais dans un pays de 325 millions d’habitants comme les USA, avec pourtant plusieurs langues parlées dans les familles comme l’Espagnol, ou dans une moindre mesure les langues des autochtones, puis le Français, l’Arabe et le Chinois y compris les autres langues asiatiques.

    L’Anglais est enseigné partout et par ricochet, c’est la principale Langue qui facilite et domine largement la communication pour toute la Nation ici aux États Unis. Les budgets-programmes fonctionnent très bien dans le développement accéléré du système éducatif de ce pays.

    Qu’en-est-il du Swahili en Afrique de l’Est (Tanzanie, Kenya ) et dans bien d’autres pays de la région des Grands Lacs (Congo Kinshasa, Rwanda et Burundi notamment) et au-delà partiellement en Zambie, au Mozambique.

    Selon le Chercheur Arnaud Bébien, c’est les missionnaires occidentaux, débarqués vers la fin du XIXème siècle, qui ont réalisé les premiers ouvrages en Swahili en alphabet Latin. S’il existait une écriture, elle était en caractères Arabes, tout au début.

    C’est un religieux Français, à la veille de 1900, qui réalisa le premier lexique Franco-Swahili. En 1928, une Conférence entre les pays de l’Est du continent donna naissance au véritable premier dictionnaire Anglais-Swahili. Et normalisa par la même occasion la Langue car il existait plusieurs formes de Swahili.

    Toujours selon le Chercheur Arnaud Bébien, la Tanzanie de Julius Nyerere saisit la première, en 1967, l’intérêt d’instaurer le Swahili comme Langue nationale. En fédérant une nation (le Tanganyika et Zanzibar), autour d’une langue commune, Nyerere évitait ainsi le piège ethnique.

    Aujourd’hui, l’enseignement public en école primaire y est exclusivement en Swahili. Les médias tout comme les hommes politiques Tanzaniens s’expriment dans cette langue, même si tous maîtrisent l’Anglais.

    Au Kenya, toute la population ne parle pas le Swahili. Le Luo ou le Kikuyu, par exemple, dominent encore largement dans leur bassin respectif.

    Le Swahili a ainsi historiquement emprunté à une langue étrangère puis façonné un mot qu’il n’avait pas dans son propre vocabulaire. Si ce fut le cas avec l’Arabe, le Persan et le Portugais, c’est de plus en plus courant avec l’Anglais.

    Ainsi, ordinateur (computer en Anglais), se dit kompyuta en Swahili. Les exemples sont nombreux. On retient la version phonétique Anglaise pour l’écrire en Swahili.

    Toujours selon Arnaud Bébien, la littérature Swahilie a fleuri, et fleurit encore. Les plus grands classiques occidentaux ont été traduits, à l’image d’un Julius Nyerere qui, à la fin de sa vie avait mis à la portée des Tanzaniens de nombreuses œuvres de Shakespeare en Swahili.

    Enfin, une nouvelle pratique a vu le jour, celle du Kiswa-English. Particulièrement visible parmi les étudiants qui mélangent Swahili et Anglais à tour de bras, un mot après l’autre, cette langue nouvelle génération a le don d’irriter les défenseurs du Swahili. C’est pour nous montrer qu’ils sont éduqués, et qu’ils connaissent l’anglais, disent les détracteurs.

    Et le pire, c’est que même les politiciens s’y mettent, se coupant ainsi de leur audience la plus large. Le phénomène est surtout visible au Kenya et en Tanzanie, où le Swahili est de moins en moins utilisé au sein des classes aisées.

    Il faut y voir les conséquences de la percée des écoles primaires et secondaires privées, où l’enseignement n’est qu’en Anglais. Le reste de la population, l’écrasante majorité en fait, étant confinée au Swahili.

    Le Swahili a encore énormément à faire dans les curricula des Universités et au niveau de la recherche-développement, en dépit des progrès accomplis après plus de 200 ans d’investissement.

    ENSEIGNEMENTS À TIRER PAR LA GUINÉE DE L’INTRODUCTION DES LANGUES NATIONALES DANS LES CURRICULA ACADÉMIQUES:

    (1)La Guinée est énormément en retard en termes de résultats et de qualité de son système éducatif, et ce, en dépit des progrès accomplis au cours des dernières années dans le financement de l’éducation nationale d’une manière générale. À cause de quoi ?

    (2)Les Langues nationales n’y ont actuellement aucune responsabilité particulière puisqu’elles ont été abandonnées dans les curricula académiques depuis des décennies.

    Le problème de ce pays sur la longue durée, c’est la très mauvaise qualité des programmes enseignés aux Formateurs et aux apprenants et surtout l’absence d’un système de suivi-évaluation fiable et très performant.

    (3)La Guinée a besoin de s’orienter vers des budgets-programmes dans son système éducatif sur la longue période, afin de mesurer ses propres forces et faiblesses dans le cadre d’un suivi-évaluation global et catégoriel et d’y apporter les corrections essentielles dans le temps.

    Sans un tel système appuyé par la coopération internationale, le système éducatif Guinéen n’évoluera pas d’un iota en termes de qualité et de résultats.

    (4)De la faiblesse relative des budgets du système éducatif en comparaison de ceux du Sénégal, quand bien même ce pays était déjà beaucoup plus en avance par rapport à la Guinée depuis les années 1960.

    Selon les sources officielles, en 2017 avec une population de 15,2 millions d’habitants et un PIB en parité nominale de 16,05 milliards de Dollars US, le Sénégal avait un budget de l’éducation de 693,4 millions de Dollars US équivalent (environ 403 milliards de Francs CFA).

    En 2018, ce budget de l’éducation nationale du Sénégal est passé à 710 millions de Dollars US (environ 413 milliards de Francs CFA).

    Or en 2018, la Guinée représentait un PIB de 9,86 milliards de Dollars US pour une population projetée à 13,4 millions d’habitants en 2019.

    Sur un budget initial 2019 estimé à 22.000 milliards de Francs Guinéens, (soit environ 2,4 milliards de Dollars US), la part du système éducatif est de l’ordre de 13,66% selon la communication officielle. Soit de façon empirique, environ 3.005 milliards de Francs Guinéens sauf erreur de ma part (ou l’équivalent de 330 millions de Dollars US), y compris l’investissement dans l’alphabétisation et les langues nationales.

    (5)La poussée démographique est toujours très forte en Afrique Subsaharienne et particulièrement en Guinée (8.7 millions d’habitants en 2000 et 12,3 millions d’habitants en 2015).
    Comment voulez-vous dans ces conditions, obtenir des résultats tangibles dans un système éducatif très mal en point depuis plusieurs décennies et sur tous les plans ?

    CONCLUSION :

    L’introduction des Langues nationales dans les écoles et dans un pays économiquement très faible comme la Guinée avec 24 ethnies et sans aucune base scientifique standardisée ou normalisée pour la conduite de l’enseignement dans ses écoles, ne sera qu’une pure perte pour des générations entières. Le pays risque de reculer de plusieurs années dans son système éducatif.

    Je ne suggèrerais pas du tout une telle option dans les priorités actuelles des politiques publiques du développement du système éducatif Guinéen dans un monde multipolaire engagé dans une compétition universelle féroce.

    Merci pour la courtoisie de Médiaguinée, et bonne journée de Jeudi chez vous.

    1. Barry dit

      Bonsoir à tous;
      Moi aussi j’ai des rêves:

      le premier est de s’assurer que tous les enfants guinéens qui terminent le cycle primaire sachent lire, écrire, parler et compter en français;
      Le second est d’avoir des enseignants guinéens qui sachent enseigner et évaluer;
      Le troisième est de ne plus avoir des publicités qui indiquent, pour attirer le plus grand nombre de familles guinéennes, que l’école privée est dirigée et/ou que les enseignants sont des ressortissants des pays voisins de la Guinée;
      Que les jeunes élèves et étudiants de la Guinée ne soient pas les plus nombreux sur la route migratoire du Sahel, du Sahara et de la méditerranée.

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