Immigration irrégulière : « l’Europe n’est pas ce qu’on nous fait croire », Alpha Oumar Diallo, fermier

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Le chômage, un problème qui touche la plupart des jeunes guinéens. Le moindre espoir pour sortir de la misère est exploité. C’est dans cet esprit, que beaucoup choisissent de migrer dans l’espoir de vivre heureux. Malheureusement, l’image qu’il se font de l’occident n’est pas toujours vrai. Après des années en Europe, la plupart déchantent et reviennent pour vivre et investir en Guinée. C’est le cas d’Alpha Diallo. Dans cette interview, le jeune entrepreneur nous explique son expérience de migrant, ses débuts dans l’entreprenariat mais aussi ses difficultés, ses moments de doutes et projets futurs.

Dites, qu’est-ce qui vous a poussé à partir de là Guinée ?

D’abord, c’est un long parcours. Après mes études, au Sénégal je suis revenu en Guinée en 2005. Durant une année, j’ai tenté d’avoir un emploi en vain. Entre temps j’ai perdu mon père suite à un arrêt cardiaque. Ce qui m’a beaucoup attristé parce que je suis l’aîné de la famille. Après le veuvage de ma mère, j’ai enfin décidé de revendre mes biens pour avoir un peu d’argent. J’avais un taureau comme héritage que j’ai vendu pour repartir au Sénégal en 2007. Là-bas non plus ça n’allait pas et j’ai eu l’idée de rejoindre l’Occident à tout prix. Dieu m’a permis d’y aller, pas sans difficultés.

Pouvez-vous nous relater votre parcours migratoire ?

Bon en fait, c’est une chose que généralement je n’aime pas raconter parce que j’ai vu la mort en face. Je suis parti du Sénégal pour le Maroc par voie aérienne. Sur place j’ai fait 3 ans à la zone d’embarcations à Tanger avec des situations très compliquées. Je suis tombé plusieurs fois malade sans aller à l’hôpital de peur d’être rapatrié. On pouvait rester parfois des jours sans avoir de quoi se nourrir ou ne se nourrir que de macaronis salés mal cuits. 

Nous nous sommes embarqués sur une embarcation que nous même avions fabriquées sur la Méditerranée. Ce jour-là la mer était calme au moins pour le début. Arrivés à un endroit, en pleine mer, notre moteur est tombé en panne. C’était la panique, chacun voulait se tirer d’affaire un grand sauve qui peut. Plusieurs personnes sont mortes dans cette bousculade qui s’est déclenché, moi-même je ne croyais plus à ma survie avant l’arrivée des secouristes. A leurs arrivés, ils nous ont évacués de l’embarcation qui était sur le point du gouffre et nous ont transporté en Espagne ou certains sont restés dans un camp de réfugiés en attendant qu’on étudie leur demande d’asile. (Long silence).

Comment vous en êtes-vous sorti une fois sur le sol européen ?

En tant que « réfugié », je travaillais plus que je ne gagnais, et ne gagnais que des travaux avec un salaire dérisoire en basculant entre deux boulots la journée et la nuit en Espagne, tout en faisant face à un stéréotype qui ne dit pas son nom. Je me suis dit de faire des économies. Au bout de 3 ans j’avais accumulé 20.000$ mais je n’avais toujours pas de papiers.

Ensuite, je suis revenu 2014, en fait j’en avais marre de cette exploitation à ciel ouvert. Après mon retour, j’ai cherché à être employé dans élevage des volailles. De là, j’ai eu le contact avec beaucoup d’éleveurs et je me suis familiarisé avec l’activité. C’est dans ces conditions que j’ai décidé d’ouvrir ma propre ferme pour être libre et surtout être autonome.

Depuis votre retour, vous avez décidé de vous lancer dans l’aviculture, qu’est-ce qui vous a poussé à revenir et entreprendre ?

Deux raisons m’ont poussé. Premièrement, j’ai constaté que la majorité des grands patrons du monde, ce sont des éleveurs, agriculteurs ou commerçants. En un mot se sont tous des entrepreneurs. Deuxièmement, comme je le disais tantôt, c’est d’être indépendant, être autosuffisant et surtout autonome.

Aujourd’hui vous employez combien de personnes ?

Présentement, j’emploie (3) trois personnes directement et d’autres indirectement, qui sont des employés de circonstance. On a également des distributeurs exclusifs qui écoulent les produits de la ferme et gagnent leur quotidien dans cette activité.

Quels sont les obstacles que vous avez rencontrés dans votre parcours ?

Déjà du rêve à la réalisation de mon projet, c’est tout un monde. Vous pouvez rêver mais réaliser cela est un autre problème. De la conception du projet en passant par les études de faisabilité au financement, c’est un parcours de combattant. Les gens « les concurrents » ne vous donnent pas toutes les informations. Tu as l’impression que c’est un circuit fermé pour y accéder il faut soit forcer ou avoir un mentor influent. J’ai failli abandonné à plusieurs reprises mais c’était la dernière balle dans mon carrier. Je me suis donc accroché de toutes mes forces. Et maintenant, je m’en sort pas mal. A côté de la ferme, j’envisage aussi me lancer dans l’agriculture, pour agrandir mon champ d’action dans le pays.

Pour finir, que pouvez-vous dire à ces milliers de jeunes qui pensent que l’Europe c’est l’eldorado?

 S’ils réfléchissent très bien et s’organisent, l’argent qu’ils dépensent ici pour aller mourir dans le désert ou dans la méditerranée, cet argent pouvait les aider à monter un projet en Guinée où ils vont travailler et vivre dignement. Je tiens à leur dire de se concentrer sur une activité professionnelle, car partout dans le monde, c’est le courage et le travail qui paient. L’Europe n’est pas ce qu’on nous fait croire, elle n’est plus ce qu’elle était. Il y a des gens plus pauvres que vous qui vivent en Europe. L’Afrique c’est le continent de l’avenir. La concurrence est moins rude, la fiscalité est moins rigoureuse et le marché africain absorbe toute la production africaine.

Kouné Diallo

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