La culture en deuil : Kerfalla Kanté s’en est aussi allé (Par Moïse Sidibé)

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Le plus grand chanteur-compositeur que la Guinée a eu depuis Demba Camara s’en est allé, à son tour. Un peu différent cependant car Demba, de 1961 à 1973, en moins de 12 ans de carrière, ia produit un nombre inégalé de chansons. Lui, Kerfalla, a cet orgueil des grands créateurs de ne jamais reprendre les chansons déjà entendues, de lui ou d’un autre. C’est encore le moins laudateur dans ses oeuvres, il a un sens élevé de sa famille. Tout chez est certifié nouveau. Sa voix monocorde, qui rappelle vaguement une note de balafon, est restée invariable jusqu’à la fin. Le corps de l’homme avait subi ;des avatars, pas sa voix. S’il y a un artiste qui a été épargné par les critiques et les ragots de la cité, c’est bien Kerfalla. Je pense que sa plus grande création est celle des années 2000, où il a chanté son père et tous les membres de sa famille.

Je suis tombé dans les amitiés de ‘’Barry-Super-Sélection’’, qui me donnait des cartes d’invitation pour les dédicaces des albums des artistes que produisait la maison Super-sélection (Fousény Diallo, Amadou-Foula Bah, Saîdou Sow, Fodé Kouyaté, Kerfalla Kanté .…

Un jour, Founsény Diallo était venu avant d’aller à la dédicace de son album ‘’Ko cissé’’. Les gens étaient si contents que… c’est Bambino, parait-il, qui avait joué à sa place, au cinéma le 8 Novembre. Le lendemain, les animateurs culturels ont accusé Gbassikolo.…

Amadou Foula Bah, lui, a été pris en flagrant délit de ‘’jouer au noir’’ chez Mme Camara, à Boussoura, là où jouait Kémo Kouyaté, Aminata Kamissoko et le jeune Lasso Doumbouya. J’étais en compagnie du journaliste Ibrahim Bah(aujourd’hui malade) et de Barry-Super-Sélection (paix à son âme). On est entré et Barry a vu Amadou-Foula Bah sur scène. Les gens se cotisaient pour lui donner de l’argent, beaucoup de billets de cinq mille, pour une chanson :« Amadou, ko an ni ! ». Cela avait suffi pour gâter la fête. Des personnes étaient venues entourer Ibrahim Bah pour intercéder auprès de Barry. Je ne savais pas qu’un artiste ne doit pas jouer dans un lieu public, quand il est sous-contrat avec une maison de production. Barry me tira de côté et me supplia de ne rien dire, mais Ibrahim Bah m’a montré du doigt aux intervenants, ils étaient venus avec Amadou-Foula. J’eus un regard suppliant et implorant vers Barry. Il alla dans un coin obscur, je le suivis. Je compris qu’il ne me résisterait pas, si j’insistais, j’ai insisté. Barry me dit : « Un seul morceau, seulement ! ». Ibrahim Bah a dit à Amadou d’apporter 3 Heineken, il en apporta 15…

A cette époque, avant chaque match de football, la RTG faisait passer de nouveaux clips des artistes. Quand Kerfalla apparut sur l’écran avec son morceau dans lequel il chantait« Konkon yarabi konkon », quelqu’un du groupe s’était écrié en disant qu’il donnerait un million pour avoir la danseuse au teint antillais du clip à ses côtés, pour une soirée, et il dit : « Moïse, aide-moi, pour l’amour de Dieu ». Je lui répondis que seul Barry peut cela, pas moi, et Barry me dit, presqu’en aparté, que si je veux la voir, personnellement, il la fera venir avec Kerfalla.

Un jour, vers 22 heures, alors que j’étais à bout de souffle, le bruit courut que des artistes étaient dans la cour. En sortant, je rencontrai Barry en compagnie de Kerfalla. Ils me drivèrent vers une voiture et me proposèrent, sans aucune autre forme de préavis, de sortir avec eux. Je leur demandai : « aller où ? », c’est Kerfalla qui répondit, sous l’aiguillonnent discret de Barry, naturellement de Barry, je ne suis pas dupe, quand même : « Où tu voudras! », Les danseuses étaient dans la voiture, qui ressemblait à une Volvo de couleur rouge, m’avait-il semblé. Kerfalla avait précisé et insisté que je n’ai rien à craindre ni à payer, qu’il me ramènerait sain et sauf. Ils ont tout fait mais j’étais en fin de parcours. A l’impossible, nul n’est tenu.

C’était la seule brève fois qu’on a eu de contact et d’échanges, mais je garde la chaleureuse voix dans mes oreilles. Les Guinéens ont bien raison de rendre un hommage grandiose à ce créateur infatigable et inépuisable.

Comme Kémo Kouyaté, Kerfalla a aussi rempli son contrat avec la culture guinéenne. Transmets mes sentiments à Lamarana Barry dit ‘’Barry Super-sélection’’ et repose-toi dans la paix !

MoÎse Sidibé

 

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