Les élections communales de février 2018, un tournant décisif dans la démocratie guinéenne (Par Bouna Yattassaye)

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En Guinée, les élections communales prévues le 4 février 2018 permettront d’élire les membres du conseil communal de chaque commune. Ceux-ci sont appelés conseillers municipaux. Ils élisent en leur sein le maire, qui préside le conseil communal, ainsi que les adjoints au maire. Le mandat des conseillers communaux, du maire et de ses adjoints est de cinq ans (probablement février 2014 à février 2023). Ils seront en charge du développement de leur commune selon le code des collectivités, allant de la gestion du terroir, à la gestion financière et comptable, de la mobilisation financière, à la police administrative de sa commune, la mise en œuvre des plans locaux de développement répondant aux besoins des citoyens de sa commune.

A ces élections locales, pourraient prendre part les partis politiques constitués, les particuliers sur des listes indépendantes, ce qui fait sa particularité, son enjeu politique et social.

Dans le contexte démocratique guinéen, ces élections communales dénotent un caractère de tournant décisif et dégagent des enjeux que nous analyserons dans cette réflexion.

Situées à cheval de deux élections majeures, celles législatives en 2018 et Présidentielles en fin 2020, seraient-elles décisives et déterminantes pour ces deux élections majeures quand on sait que l’opposition souhaite une alternance et la mouvance se battrait corps et âme pour la conservation du pouvoir, étant entendu que la gestion des communes est déterminante dans la mobilisation des militants en faveur des partis politiques constitués au moment des élections nationales ?

Quant aux enjeux, il est légitime de se poser les questions suivantes : Le « RPG » va-t-il sortir majoritaire dans ses bastions et faire des avancées dans ceux de l’opposition ? L’opposition « UFDG » notamment qui part en solo, conservera-t-elle aussi ses bastions acquis lors des précédentes élections législatives et saura-t-elle concurrencer la mouvance et les autres partis ? Les listes indépendantes constituées en majorité des « frustrés » du parti au pouvoir sauront-elles convaincre les populations et du coup sanctionner la gestion du pouvoir et l’approche conflictuelle de l’opposition ? Il y a aussi des enjeux non visibles qui tiennent compte du pouvoir local, des pesanteurs sociales ainsi que la dominance juvénile de la population. A cet effet, on réfléchira sur l’effet que portera sur la présence massive des jeunes tant sur la liste de certains partis politiques que sur celles des indépendants ?

La mouvance face à ses promesses électorales

D’une part l’on peut dire sans se tromper que ces élections locales seront une occasion pour les populations à la base de faire un jugement sur les acquis des huit années de gestion du parti au pouvoir. Une chose reste certaine, les partis politiques et les candidats des listes indépendantes s’adonneraient à cœur joie de critiquer les faiblesses de la mouvance et la faible visibilité des actions les aideraient dans ce sens. D’autre part, il faut reconnaitre que les festivités tournantes de la célébration de l’indépendance ainsi que l’appui apporté au monde paysan restent tout de même des avantages non moins importants pour le parti au pouvoir. Il convient aussi de faire un distinguo géographique dans la réalisation de certaines promesses. Dans la ville de Conakry, où le RPG Arc en Ciel a perdu les élections législatives face à une opposition organisée, il lui serait difficile de gagner la bataille quand on sait que les médias, les organisations citoyennes ainsi que les guéguerres de choix des candidats du RPG lui sont défavorables. Les délestages de courant ces derniers moments et l’impunité affichée par l’exécutif sont des terreaux fertiles à la propagande. Contrairement à l’intérieur du pays où les réalisations sont visibles et les paysans sont plus faciles à convaincre mais l’ethno stratégie électorale reste aussi un champ de prédilection de tous les protagonistes.

La forte implication des jeunes sur les listes des partis politiques et celles des indépendants

Bien que la population guinéenne soit à dominance jeune et fortement impliquée dans le combat politique, il faut reconnaitre et admettre que cette jeunesse est laissée pour compte dans la sphère politique lorsqu’il s’agit de choisir les représentants (députés ou maires) ou désignés les administrateurs (exécutif) tant bien que l’actuel pouvoir a amélioré cet état de fait.

De même, cette jeunesse a muri depuis les grèves de 2007 où le régime de feu CONTE a été contesté par elle et elle a été à l’avant-garde du combat politique pour le départ de l’ancien Président de la transition jusqu’à l’élection du Prof Alpha CONDE en 2010. Attentes, maturités, et envies sont devenues grandes sans que dans la majorité des cas elle ne soit prise en compte et profitant de l’ouverture de l’espace médiatique et social, cette jeunesse est de plus en plus exigeante et souhaite de plus peser sur son avenir. Elle ne se contente plus du slogan, la jeunesse est l’avenir mais elle comprend qu’elle est le présent et son avenir dépend d’elle. Cette situation soutenue par la frustration d’un côté par le parti au pouvoir confronté à la lutte de génération et doutant des propositions de l’opposition qui a montré ces limites, elle veut peser sur ces élections de février 2018. Ceci passe d’une part par la multiplicité des listes indépendantes mais aussi la volonté affichée des jeunes de choisir sur une base saine en regardant les propositions des candidats pour ne pas se retrouver victimes.

Ces élections communales de 2018, sont aussi une occasion pour la jeunesse guinéenne de procéder au renouvellement de la classe politique à la base et être fortement impliquée dans la gestion de leur avenir. En grande partie constituée par des intellectuels sur les listes indépendantes et de certains partis politiques, cette immersion améliorait la gestion des communes si elle arrive à s’imposer. Il faut reconnaitre que l’ancienne garde constituée des personnes ayant vécues les deux premières républiques, les aspirations, les modes de gestion et les visions ne sont plus les mêmes. Aussi, en comparant la gestion de nos communes à celle des pays voisins visités (Mali, Bénin), il faut reconnaitre que notre pays à du chemin à faire en termes de qualité de personnes dans les mairies.

Les maires sont des représentants directs de la population qui au-delà des considérations politiques doivent répondre aux aspirations des habitants de leurs communautés et cette population étant à dominance jeune, n’est-il pas indispensable de laisser cette jeunesse gérer, ce qui augurera une nouvelle ère. Ce qui est certain, le poids démographique est à l’avantage de la jeunesse, saura t’elle en profiter, wait and see.

Les pesanteurs sociales

On entend par pesanteurs sociales, l’ensemble des pratiques, forces, mœurs et coutumes qui ont des tendances négatives sur l’évolution d’un phénomène. En guinée, lors des premières élections communales de l’ère démocratique au temps du Feu Président CONTE, les élections communales ont fortement été influencées par la notion de famille fondatrice du village devenu ville. Cette considération anachronique et infructueuse a été à l’origine de nombreux conflits lors du processus électoral mais aussi cause de retard de certaines communes. Les personnes choisies sur base très subjectives, une fois élus continuaient à se réfugier derrière ces considérations nauséabondes pour faire souffrir les populations avec une gestion calamiteuse des fonds et du terroir.

Bien que les temps aient changés, il est utile d’alerter que ces considérations sont encore présentes dans certaines régions où les populations sont fortement attachées au respect de certaines valeurs sociales. Nous osons croire que ces considérations ne seront pas un désavantage pour les listes indépendantes constituées en majorité des frustrés ne voulant se soumettre au dickta des partis politiques qui ont leurs propres considérations.

L’opposition, dispersée, désorganisée, en manque d’argument et de véritable leadership

A la tête du Pays, un politicien de formation et de carrière. Rusé, préparé, minutieux, reconnu par tous comme un politicien hors pair avec plus de 40 ans de lutte, le voici à la tête de la république en face de lui des apprentis politiciens qui sont devenus politiciens à la faveur des évènements.

Déjà en 2010 puis en 2013, des alliances ont été scellées pour mettre en place une opposition forte et unique pour contrecarrer le Président qui a un parti politique fortement implanté, des militants passionnés et dévoués à la cause de leur idole. Elhadj Celou Dalein DIALLO censé être le leader politique est confronté à des luttes internes au sein de son parti où son leadership est en phase de contestation dû à la mauvaise gestion financière qu’on lui connait, mais n’arrive pas à fédérer les autres leaders de l’opposition au tour de lui.

La stratégie choisie par l’opposition ne sait pas montrer fructueuse, si au départ elle donnait des résultats, elle s’est vitre effritée avec le départ de certains ténors. Aujourd’hui, l’opposition n’a pas d’arguments forts pour contrecarrer le Président de la République et son parti et le puissant Président est même arrivé à fédérer tous ses détracteurs au tour de lui.

Cette dispersion fait que l’opposition a moins de chance de remporter ces élections pour lesquelles elle n’est pas prête mais complétement désorganisée et désunie.

Les futures élections nationales, c’est maintenant !

Comme dans toute démocratie représentative, l’élection des élus locaux montre d’une part l’assise des partis politiques dans le pays, sa pénétration ainsi que son influence grandissante mais aussi garantie l’avenir des prochaines élections nationales d’autre part. En effet, les mairies guinéennes ont une autonomie de gestion financière et une liberté programmatique de leurs actions. Etant en contact direct avec les populations, ils sont de très bons relais dans la conquête des militants mais jouerait un rôle déterminant dans la stabilité politique notamment à Conakry. Dépositaire de la police administrative de leurs communes ils autorisent les manifestations politiques dans leurs juridictions. Sachant que la marche est la stratégie prisée de l’opposition radicale guinéenne, la gestion des mairies de Conakry est un enjeu majeur. De même, le mode de désignation des prochains chefs quartiers donnent l’occasion aux partis politiques de s’immiscer dans la vie quotidienne des citoyens et étant fortement impliqués dans la distribution des cartes d’électeurs, le choix des sites de bureau de vote, l’occupation territoriales de ces élections communales serait un atout majeur pour le parti qui compte remporter les prochaines élections législatives et présidentielles.

Dr Bouna YATTASSAYE

bounayat@gmail.com

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