Madina Daff : « en Guinée, c’est dommage de constater que les femmes ne s’entraident pas »

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Madina Daff, ex-présidente des femmes du parti  UNR (l’Union Nationale pour le Renouveau) n’est pas satisfaite de la situation des femmes dans son pays. Dans cet entretien qu’elle nous a accordé en marge de la célébration de la fête internationale des droits des femmes, elle situe les responsabilités. Entre autres, elle pointe du doigt l’organisation de la couche féminine et les systèmes mis en place par le gouvernement. Entretien !

Selon vous quels sont les défis qui attendent les femmes du monde, plus particulièrement celles de la  Guinée ?

Je vous remercie pour l’opportunité que vous me donnez pour m’exprimer sur la situation des femmes. Au-delà de mes fonctions, je suis avant tout une femme qui est au milieu d’autres femmes et qui est donc mieux placée pour connaitre les défis et les problèmes de la couche féminine.

Je voudrais d’abord lancer un message de soutien, avant de parler des défis qui s’imposent aux femmes et des stratégies que les femmes elles-mêmes doivent mettre en œuvre pour relever ces défis.

Ce message c’est que je soutiens les femmes. Ce sont elles les mamans. Tant qu’une femme est mère, elle solutionne des problèmes.

Je reviens aux défis pour dire qu’ils sont énormes. Malheureusement, nous sommes en train de nous leurrer nous-mêmes en faisant de la fête internationale de la femme une fête de célébration. Ça devrait être une fête de plaidoyer, de diagnostic, de concertation pour voir là où ça marche, là où ça ne marche pas et qu’est-ce qu’il faut pour que ça marche. Savoir aussi pourquoi ça n’a pas marché dans tel domaine ou dans tel autre. Bien que le Professeur ait dédié son mandat aux femmes, vous voyez qu’il y a très peu de femmes aux prises de décisions. Quand on pense que les femmes représentent 52% de cette population et qu’on n’a pas dix ministres femmes dans le gouvernement, on peut dire que ça ne va pas encore. Quelque part je ne dis pas que  c’est le gouvernement ou c’est la volonté politique qui a manqué, c’est l’organisation de la couche féminine, les stratégies au sein de la couche qui font défaut. Donc, ça revient à la couche féminine de se retrouver  et de voir comment faire face aux problèmes.

Parlons aussi de l’autonomisation de la femme. L’autonomisation de la femme ne doit pas être un vain mot parce que c’est le socle de la vie. Quand une femme est autonome, elle s’occupe réellement de la famille. Voila pourquoi le Président de la république a pensé qu’il fallait mettre les femmes au niveau  des directions administratives des différents départements. La femme, quand elle détourne, c’est pour la marmite. Et quel que soit le degré du détournement, la marmite n’empêche pas le développement.

Nous voulons, puisqu’il ( le Président Alpha Condé) a conscience que  ces femmes doivent être au niveau des directions financières, qu’il les place aussi au niveau des postes de prises de décisions pour essayer de changer les mentalités un peu. A mon humble avis, je pense que nous devons revoir notre façon de faire. Les femmes intellectuelles de ce pays doivent se retrouver et laisser les partis pris et les états dames, sans passion et poser les diagnostics concrets. Parce que sans pouvoir diagnostiquer le problème on ne trouvera  pas de solution.

Depuis des années vous faites des plaidoyers pour que les femmes soient désignées à des postes de décision mais cela n’arrive pas à se réaliser. Qu’est-ce qui se passe à ce niveau ? D’aucuns pensent que les femmes sont très peu formées.

C’est une réalité. J’ai été invitée quelque part en Afrique, notamment au Rwanda, par une dame qui œuvre dans le cadre de la paix depuis le temps du génocide. C’est une dame très mûre qui a mis un système en place et qui participe à la formation des femmes qui veulent être dans la politique. Cette femme amène des femmes intellectuelles à contribuer et à faire des cotisations pour aider des femmes qui n’ont pas assez de niveau pour accéder aux postes de prise de décision. De nombreuses femmes accèdent ainsi à une formation adéquate, et deviennent prêtes pour les postes de décision. En Guinée, c’est dommage de constater que les femmes ne s’entraident pas. Alors que la couche féminine représenterait 52% de la population guinéenne, vous ne verrez pas 10% de cette couche féminine formée. Il y a un réel problème de niveau qui est là. C’est pourquoi il faut la mise en place d’une stratégie accéder d’accès aux prises de décisions. C’est les mêmes personnes qui tournent autour des postes de décisions, parce que c’est ce sont ces mêmes personnes qui sont formées et on n’a pas pensé à la relève.

Près de dix ans après la venue au pouvoir d’Alpha Condé, êtes-vous satisfaites des efforts fournis par le gouvernement  pour l’autonomisation des femmes ?

Il faut toujours un départ pour tout. Le gouvernement a manifesté sa volonté politique d’autonomiser les femmes. Mais le système mis en place pour arriver à cette autonomisation ne  s’adapte pas au cas guinéen. C’est un système importé d’ailleurs. Il devait être étudié, élaboré et mis en place en parfaite conformité avec la réalité guinéenne. On devait tenir compte du niveau intellectuel bas de la plupart des Guinéennes. On devrait revoir le système. Ce n’est pas la volonté politique qui a manqué, mais c’est le système qui n’est pas conforme à la réalité. Le département de l’Action sociale devait revoir ce système pour l’adapter au cas guinéen. Ça n’engage que ma façon de voir les choses en tant que femmes sur le terrain avec les femmes. Je vous dis que moi en tant qu’ex-présidente nationale du réseau des femmes de l’UNR, maintenant membre du RPG-arc-en-ciel, nous avons entamé au sein de l’UNR d’alors des formations dans le cadre de l’autonomisation de la femme. On  les octroyait des petits prêts pour voir comment elles pouvaient évoluer. Le constat qui a découlé de cette initiative, c’est que la formation manque aux femmes guinéennes. Les structures qui prêtent l’argent aux femmes devraient mettre en un mécanisme  d’encadrement, de suivi et d’évaluation pour amener ces femmes à rentabiliser leurs prêts.

Vous venez de citer un certain nombre de problèmes qui freinent l’épanouissement de la femme. Alors quel est votre message particulier à l’endroit des femmes, mais aussi à l’endroit des décideurs de notre pays ?

Je pense que les femmes ont manifesté leur volonté  parce qu’elles accompagnent l’Etat pour la concrétisation des systèmes mis en place. C’est à l’Etat qu’il revient le devoir de réadapter et de réorganiser ces systèmes. Je dirais alors bravo aux femmes. Je vais vous dire que la guinéenne est très belle, c’est la troisième beauté mondiale féminine. Mais est-ce que la Guinéenne a le temps de montrer sa beauté féminine ? Non ! Vous regardez dans les rues aujourd’hui, il y a tellement de prostitution de jeunes filles. Quand tu les vois tu te demandes pourquoi elles sont dans la rue. Parce que la femme est le socle de la société, le baromètre de la société, la pauvreté de la femme détruit une nation, l’analphabétisme de la femme détruit une nation.

 

 

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