Médias et société guinéenne : archaïsme et absence d’un patriotisme ardent (Par Djély Karifa Samoura)

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         « Au bout du petit matin, ce plus essentiel pays restitué à ma gourmandise[2] »

            Nous avions noté avec satisfaction, en mai 2020 dernier, l’organisation de deux grands évènements en Guinée, à savoir la Journée internationale de la Presse et le 40ème anniversaire de la Télévision nationale[3]. Mais auparavant, le Forum de la Jeunesse Panafricaine (FJP), une ONG guinéenne de jeunes, a organisé, parallèlement à la rencontre mondiale « Conakry, Capitale Mondiale du Livre 2017-2018 », une Conférence de Presse, le 24 mai 2017, puis un Forum avec quelques-unes de nos meilleures intelligences de la capitale pour célébrer le 57ème anniversaire de l’Union Africaine, à l’Université de Nongo Contéya à Conakry.

Ces initiatives, dans l’esprit de leurs initiateurs, cela doit être souligné aussi, consistaient à soutenir le renouvellement de leur espérance et de leur attachement au Panafricanisme à rénover. La Presse guinéenne, dans sa diversité, est restée sourde ou muette par rapport à ces événements de premier ordre et au regard de notre responsabilité historique pour les rendre plus vivants encore dans leur patrie guinéenne.

Mais les médias guinéens, comme partout dans le monde, et particulièrement dans les pays en voie de développement, sont le reflet de leur environnement socioculturel. Par conséquent, sans aucune exagération, nous constatons qu’ils sont saisis par un excès d’archaïsme, l’absence d’un patriotisme ardent et l’inculture généralisée. Notre pays malheureusement n’échappe pas à ce mal endémique. Pourtant, depuis plus de quarante années que nous animons des Organisations de la Société Civile (OSC), nationales et internationales en Afrique, en Europe, en Amérique et en Asie, nous pouvons dire, avec des preuves à l’appui que les OSC constituent réellement le fer de lance de nos sociétés à renforcer.

 Ces organisations, nous continuons à le croire,s’efforcent de contribuer à retrouver l’esprit des années lumineuses. Pour accélérer cette dynamique dans le nouvel environnement de turbulences tous azimuts et surtout face à la pandémie à Coronavirus 2019, nous encourageons les responsables politiques et des médias à s’élever au-dessus des divisions et des tensions politiciennes et des intérêts partisans ou personnels, pour repartir dans une voie éclairée et ne plus déraper comme ce fut le cas dans des moments sombres de notre histoire récente. 

Les médias devraient moins céder à des formes de légèreté.

En particulier les médias guinéens devraient moins céder à des formes de légèreté pour faire oublier aux populations leurs difficultés et souvent leurs drames quotidiens.

Les chaînes de télévision en particulier ne devraient pas se cantonner dans des programmes de variétés et des séries dramatiques qui laissent trop les téléspectateurs dans un amusement éphémère et sans profondeur, et dans l’admiration naïve de couches de populations favorisées, autochtones ou de pays développés, qui étalent leur confort, leur richesse et leur succès.

L’Afrique doit dépasser la tentation de mimétisme

Dans le même ordre d’idées, les médias devraient moins réduire les réalités nationales et internationales à des clichés ressassés, dont le vide est dissimulé par l’apparente mais trop simple objectivité des images. Ces clichés (dans les deux sens de ce terme, photographique et sémantique) émergent d’ailleurs souvent de l’imitation des notions des grands médias internationaux au service de puissances médiatiques, politiques, économiques et commerciales extérieures à l’Afrique et qui ne considèrent pas vraiment son évolution et son avenir avec sympathie, mais au contraire avec condescendance et en dissimulant la manière dont elles incitent l’Afrique à brader ses ressources si considérables et si utiles à toute l’humanité.

L’Afrique doit dépasser la tentation de mimétisme, source de stagnation, et se donner progressivement une personnalité originale. Les médias ont un grand rôle à jouer à cet égard, qui doivent certes s’appuyer sur la culture, mais aller au-delà du domaine de la culture tel qu’il est actuellement compris – d’une manière trop anodine, même si elle suscite un certain intérêt dans les pays des autres continents, notamment dans les pays développés.

D’un autre côté, ce renouvellement des médias exigera de l’originalité et un esprit inventif et authentique et pour assurer une telle vision la liberté d’expression devra être au maximum respectée, notamment à l’égard de la société civile, et l’emprise étatique, sous la forme de la censure et de gestionnaires officiels sans indépendance, ceux-là même qui penchent pour des contenus anodins et sirupeux, devra le plus possible être évitée.         

Pour ce faire, nous vous proposons d’égrener la prière matinale d’Aimé Césaire pour la guérison totale de notre société, oui, de la terre-mère, que voici :

« Et je redis : Hoo mère !

et je lève ma force

inclinant ma face.

Oh ma terre !

que je me l’émiette doucement entre pouce et index

que je m’en frotte la poitrine, le bras,

le bras gauche,

que je m’en caresse le bras droit[4]. »

« Au bout du petit matinJ’arriverais lisse et jeune dans ce pays mien et je dirais à ce pays dont le limon entre dans la composition de ma chair : « J’ai longtemps erré et je reviens vers la hideur désertée de vos plaies ».

Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais : « Embrassez-moi sans crainte… Et si je ne sais que parler, c’est pour vous que je parlerai[5] ».

Par Djély Karifa Samoura

Président, Comité Aimé Césaire

Membre du Collectif des membres du CNT, membre de la CODECC


[1] Extrait d’un précédent article inédit intitulé « Si je ne sais que parler, c’est pour vous que je parlerai [1]» inédit, 2 octobre 2017, à l’occasion de la célébration de l’Indépendance de la Guinée, le 28 septembre et le 2 octobre 1958

1 et 2 Aimé Césaire, in Cahier d’un retour au pays natal, Ed, Seuil, Paris, 1994

[3] La Télévision nationale a été créée le 14 mai 1977.

[4] Aimé Césaire, « Pour saluer le Tiers Monde », in Poésie, Ed. Seuil, Paris, 1994

[5] Aimé Césaire, op. cit.

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