« Pendez les Blancs »: au tribunal, un rappeur face aux limites de la liberté artistique

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Libre expression artistique ou provocation au crime ? Jugé pour le clip « Pendez les Blancs » qui l’a extirpé de l’anonymat cet automne, le rappeur Nick Conrad a défendu mercredi une fiction militante sans convaincre le parquet qui a requis une amende avec sursis.

En septembre 2018, la diffusion de ce clip ultraviolent, sous l’acronyme « PLB« , avait enflammé les réseaux sociaux et suscité de nombreuses condamnations au sein du gouvernement et dans la classe politique.

Nick Conrad, artiste auto-produit, était alors totalement inconnu du grand public. Mais son clip, retiré depuis par YouTube, avait été repéré par des personnes proches de l’extrême droite, qui y ont vu l’expression d’un « racisme anti-blancs« , et également relayé par le polémiste Dieudonné.

Poursuivi par le parquet, ce Noir de 35 ans s’est donc retrouvé mercredi devant la chambre de la presse du tribunal correctionnel de Paris.

Comme à chaque fois qu’un rappeur doit répondre de ses textes devant un tribunal, la question est de savoir où placer le curseur s’agissant d’un genre musical auquel le droit permet, dans une certaine limite, d’être outrancier et violent.

Le clip, diffusé à l’audience, met en scène le rappeur enfonçant un revolver dans la bouche d’un Blanc, lui tirant dessus ou lui écrasant la tête sur un trottoir. Il montre également la victime pendue à une corde.

Nick Conrad – un pseudonyme – a défendu une oeuvre revendicative, certes réaliste mais fictionnelle et truffée de références à des films comme « American History X« , qui explore les origines du racisme et de l’extrémisme aux États-Unis.

Il s’agit d’une dénonciation du racisme à travers l’évocation « à l’envers » de l’esclavage, des lynchages subis par les Noirs, a expliqué l’artiste, cravate, boucles d’oreilles et bracelet au poignet. Il en veut pour preuve ces paroles: « Je viens inverser le commerce gulaire-trian » (triangulaire en verlan).

Une Histoire dont il « souffre par répercussion« , a-t-il ajouté, expliquant avoir subi des discriminations.

– « Charge violente » – 

Le tribunal l’a plusieurs fois questionné sur le discernement du public devant un clip si réaliste. Comment être sûr que certains internautes n’y verraient pas « un appel à la violence » ?, l’a interrogé le président, citant ensuite un passage de la chanson appelant à tuer « des bébés blancs (…) dans des crèches« .

« Je compte sur le fait que ce soit trop gros pour être vrai« , a répondu le rappeur au débit de mitraillette. Se défendant de tout racisme envers les Blancs, il a également estimé que « le suprématisme noir n’existe pas« , car « on est en bas, en fait« .

Sa « théorie de l’inversion » dans le clip entre Noirs et Blancs n’a « pas convaincu » le procureur, qui a estimé qu’il y avait bien là « provocation directe à commettre des atteintes à la vie » et requis une amende de 5.000 euros avec sursis.

Aux yeux du représentant de l’accusation, le rappeur « a outrepassé les limites autorisées de la liberté d’expression dans ce genre singulier qu’est le rap« .

« Il n’y a pas d’élément de distanciation, c’est l’ensemble de l’oeuvre qui est violente« , a-t-il poursuivi. « Il y a bien une charge violente à l’encontre d’une population, identifiable et stigmatisée, en l’occurrence les Blancs« .

Toutefois, le rappeur au casier vierge, qui a perdu son emploi de réceptionniste dans un palace en raison de cette affaire, en a « déjà dans une certaine mesure payé les conséquences« , a admis le magistrat.

Rarement dans le même camp judiciaire, la Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme (Licra) et l’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (Agrif), parties civiles, ont toutes deux estimé que Nick Conrad propageait dans ce clip un discours de haine anti-Blancs.

Les avocats du rappeur, David Apelbaum et Chloé Arnoux, ont plaidé la nullité de la procédure avant de demander sa relaxe, en citant notamment le cas d’Orelsan. Le rappeur normand, poursuivi pour provocation à la violence envers les femmes dans plusieurs chansons, avait finalement été relaxé en 2016.

Jugement le 19 mars.

AFP

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