Réaction à la tribune de Me Mohamed Traoré, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats de Guinée (Par Mamady Diawara)

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Bonjour Maître,

J’ai soigneusement lu vos manuscrits qui vont dans le sens de la contestation et de la démonstration de l’illégalité de l’ordonnance N° 001/2020/PRG/SGG du 29 janvier 2020 portant dispositions relatives au référendum.

Je tenais tout d’abord à vous signaler, qu’un décret n’est pas égal à une ordonnance qui même investie par une loi d’habilitation, détermine le domaine d’intervention d’une ordonnance.

Rappelons tout d’abord, que la loi organique LO/2017/039/AN du 24 février 2017 portant code électoral révisé ne prévoit nullement dans ses dispositions spéciales les modalités d’organisations d’un référendum même si elle attribue expressément à la commission électorale nationale indépendante la compétence d’organiser le référendum en République de Guinée. Par voie de conséquence, ni la constitution ni le code électoral n’ont prévus les modalités de consultation référendaire. Merci d’avoir reconnu au préalable ce vide juridique.

En revanche, contrairement au droit français qui a su, notamment dans la constitution du 4 octobre 1958 pallier ce vide juridique en son article 11, où on retrouve les modalités et procédés d’organisations consultatives d’intérêt national, ce qui n’est pas le cas dans l’actuelle constitution guinéenne a plus forte raison dans ses dispositions d’application.

Pour revenir à la loi L/2019/055/AN habilitant le Président de la République à légiférer par ordonnance pendant la période transitoire, c’est-à-dire avant l’installation de la future Assemblée Nationale, deux observations méritent d’être mentionnées :

Première observation

La loi d’habilitation en son article 1 alinéa 2 permet au Président de la République de prendre par ordonnance des mesures concernant les matières législatives ci-après : « toutes autres lois nécessitées par les circonstances, en dehors de celle relative à l’organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics, à la loi de finances, aux codes, aux lois impliquant les finances de l’Etat et les lois relatives aux statuts des personnes. »

Tout d’abord, cherchons à comprendre qu’est-ce qu’on entend par organisation et fonctionnement des pouvoirs publics ? D’une part, cette notion renvoie aux principes de séparation de pouvoir entre différents organes ou autorités constitutionnelles, mais elle traite également les rapports entre ces instances, d’autre part.

Si nous examinons le contenu de l’article 51 de la constitution, la notion « organisation des pouvoirs publics apparaît clairement », il dispose que « Le président de la République peut, après avoir consulté le président de l’Assemblée nationale, soumettre à référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur la promotion et la protection  des libertés et  des droits fondamentaux, ou l’action économique et sociale de l’État, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité. »

A lire et interpréter cette disposition constitutionnelle, force est de reconnaître que le constituant a expressément visé à la fois les lois organiques et celles ordinaires.

Les articles 72 et 82 de la constitution qui constituent le fondement même de la loi d’habilitation, qui à son tour fonde juridiquement l’ordonnance N° 001/2020/PRG/SGG ; force est de constater, que le législateur a, dans son pouvoir d’habilitation, méconnu la répartition des compétences prévues par le constituant.

En effet, l’article 72 de la constitution fondement n°1 de la loi d’habilitation dispose que « Sous réserve des dispositions de l’article 51, l’Assemblée nationale vote seule la loi et contrôle l’action gouvernementale.

La loi fixe les règles concernant :

– Les garanties des libertés, des droits fondamentaux, les conditions dans lesquelles ils s’exercent et les limitations qui peuvent y être portées ;

– Les droits civiques, la nationalité, l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et les libéralités ;

– Les sujétions imposées pour la défense nationale aux citoyens en leur personne et leurs biens ;

– La détermination des infractions, les peines qui leur sont applicables, la procédure pénale, l’amnistie, la création et la composition des ordres de juridiction et les statuts des magistrats ;

– L’assiette, le taux et les modalités de recouvrement et de contrôle des impôts de toutes natures, et des contributions obligatoires ;

– Le régime électoral de l’Assemblée nationale en tout ce qui n’est pas indiqué par la Constitution, le régime électoral des conseils élus des collectivités locales ;

– Les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’État ;

– Le régime d’émission de la monnaie ;

– La création des catégories d’établissements publics ;

– L’expropriation, la nationalisation ou la privatisation d’entreprises ;

– La création des collectivités locales.

La loi détermine les principes fondamentaux :

– De l’organisation générale de la défense nationale et du maintien de l’ordre public ;

– De la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences ;

– De l’enseignement et de la recherche scientifique ;

– Du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;

– Du droit du travail, du droit syndical et de la protection sociale ;

– De la détermination des statuts des corps diplomatiques et consulaires ;

– Du développement culturel et de la protection du patrimoine et de l’environnement. »

Sur cette liste simultanément exhaustive et limitative de compétence de l’Assemblée Nationale, on ne voit nullement apparaître le terme « Organisation et fonctionnement des pouvoirs publics ». D’ailleurs, il faut comprendre par « la notion sous réserve » susmentionnée, que le Constituant a expressément dissocié le projet de loi référendaire des propositions et votes de lois par l’Assemblée Nationale. Et si jamais la Cour Constitutionnelle était saisie en l’espèce, l’incompétence négative du législateur pourra être sérieusement examinée ; puisqu’il faut contraindre celui-ci à respecter sa propre compétence et éviter qu’il l’exerce au détriment du pouvoir réglementaire.

Deuxième observation

Maître, j’ai l’honneur et le grand plaisir de vous faire part de mon analyse et vous dire que la loi d’habilitation méconnaît au même titre les articles 21 de la constitution qui dispose que : « Le peuple de Guinée détermine librement et souverainement ses institutions et l’organisation économique et sociale de la Nation. »

Faudrait-il vous rappeler l’avis n°002/2019/CC du 19 décembre 2019 de la Cour Constitutionnelle qui avait considéré que « le Président de la République est un élu du peuple souverain et dispose à ce titre des prérogatives pour soumettre un projet de constitution au référendum ? »

Cher Maître ne tombez pas dans un débat de militantisme politique qui serait de type subjectif. Le rôle d’un juriste a fortiori un avocat c’est de porter une appréciation objective sur la règle de droit et non de faire une interprétation biaisée et préjudiciable à la nation.

Je ne vous fais pas de leçon, mais tout être humain ou toute créature divine, surtout en ce qui concerne notre domaine, pourrait être amenée à confronter la réalité juridique au mirage passionnel.

Recevez mes sentiments les plus distingués.

Mamady Diawara

Ci-Joint le lien de la tribune de Maître Traoré :

https://conakrylemag.com/dacret-ordonnance-chef-de-laeetat-referendum-analysaun-

avocat/?fbclid=IwAR24UYLLUKieqcgBt8_jSroNY4eTA8uv3yUfL6DDQRIuauzGmD5L7I3Yjqc

Mamady Diawara,

Juriste en Droit Public, Limoges France.

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