Retrait de la mission d’observation de la CEDEAO et l’UA en Guinée : avis d’un expert électoral

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Contre toute attente, l’Union africaine est sortie du bois récemment par le canal d’un communiqué en date du 28 février dernier, relatif au double scrutin (législatif et référendum) qui était prévu ce dimanche 1er mars 2020. L’institution panafricaine a rappelé sa mission d’observation déjà déployée en Guinée dans le cadre de l’agenda électoral.

Pour comprendre davantage cette sortie de l’UA, votre quotidien en ligne a préféré donner la parole à un expert dans le domaine du maintien de la paix. Dr Chérif Karamo, Consultant Formateur en édification de la paix, fut Coordinateur du Programme de prévention des conflits et Expert National en Dialogue et Consolidation au PNUD, Coordinateur National du Réseau WANEP en Guinée et secrétaire général de la Croix-Rouge Guinéenne. Il est aussi expert électoral de la CEDEAO. Il a observé six élections présidentielles en Afrique de l’Ouest au compte de la CEDEAO.

Quelle appréciation faites-vous du communiqué de l’UA qui rappelle sa mission d’observation électorale en Guinée ? 

Karamo Chérif : je dirai que la situation actuelle de notre Pays est assez préoccupante. Dans le but de prévenir des conflits violents ou violences intercommunautaires avant, pendant et après les élections en Guinée, les Organisations régionale et sous-régionale, notamment la CEDEAO et l’UA, pourraient déployer des missions de haut niveau d’exploration, de facilitation, de dialogue politique ou de négociation.

Généralement la CEDEAO et l’UA ne déploient des missions d’observation électorales que lors des élections présidentielles et parfois législatives à condition que celles-ci soient couplées avec la présidentielle. Pour le cas spécifique de la Guinée, puisqu’il s’agit des législatives et du référendum, il y a lieu de regarder les termes de référence de la mission pour déterminer les réelles motivations de l’Institution.  S’agit-il d’une demande spécifique de la part du Gouvernement guinéen ? Ou plutôt, la CEDEAO a-t- elle un agenda spécifique concernant le cas de l’Etat membre qui est la Guinée ? Si oui, quel est cet agenda ?

Afin de savoir pour quelles raisons les observateurs ont été rappelés, il est nécessaire d’avoir toutes ces informations préalables qui président à l’envoi de la mission.

Quatre chefs d’État de la CEDEAO dont celui du Niger étaient récemment annoncés en Guinée pour apporter un message de paix et de solidarité à l’endroit du peuple et du Gouvernement guinéens, mais finalement cette mission n’a pas eu lieu. Quelle lecture faites-vous de tout cela ?

Karamo Chérif : L’envoi d’une mission de facilitation de haut niveau de l’Institution sous-régionale en Guinée en cette période de crise sociopolitique aiguë, si elle était décidée à temps, pourrait être salutaire, car elle permettrait de mieux connaître la situation du Pays et de favoriser un climat de dialogue politique entre les différents acteurs du Pays.

La réaction de la CEDEAO bien que tardive et bien que portant sur des sujets techniques précis à travers l’envoi d’une équipe d’experts avec un mandat précis doit être appréciée car mieux vaut tard que jamais surtout lorsqu’il s’agit des questions de paix, de sécurité et de stabilité d’un Pays. Il va falloir que les populations comprennent et acceptent l’implication de la CEDEAO, en tant qu’institution sous-régionale la plus proche, dont la position est prioritairement prise en compte par toutes les autres institutions en vertu du principe de la subsidiarité. Le mandat de la mission annoncée par le Président de la République est limité dans le temps et dans son objet permettra de clarifier certaines questions cruciales et ainsi de faire avancer le niveau du débat.

Alpha Condé a reporté vendredi pour deux semaines le double scrutin qui était prévu ce dimanche, quelles sont les conséquences futures de ce report sur l’ensemble du scrutin ?

Karamo Chérif : Je pense que la décision de Son Excellence Monsieur le Président de la République est sage et responsable. Elle incarne des valeurs liées à sa propre image en tant que Chef d’Etat et même des efforts qu’il a consacrés pour faciliter le retour de la Guinée dans le concert des Nations. Cette décision traduit également sa personnalité dans l’accomplissement du rôle qu’il a commencé à jouer en tant que Personne Ressource de la CEDEAO et de l’UA dans la résolution de certaines crises comme en Gambie, en Guinée-Bissau et ailleurs mais aussi son rôle dans la préservation de la paix et de la quiétude sociale en Guinée.

Quant au report de la date pour deux semaines, je suis sûr que certaines questions essentielles ne seront réglées véritablement qu’après cette période car dans le schéma annoncé, il n’est pas prévu que les acteurs qui ne sont pas engagés reviennent dans le jeu. Les négociations sur ces questions pourraient se révéler plus complexes que l’on ne s’y attend. En fait, la vie de la Guinée ne s’arrêtera pas après ce double scrutin et certains problèmes, à la base des violences enregistrées dans le pays subsisteront après les élections. Il faudrait que le dialogue qui est la clé de la vie de la société continue et que les acteurs continuent à se faire confiance, sous la supervision de partenaires neutres, le cas échéant. C’est dans ce cadre que le plaidoyer qui pourrait être réalisé par l’institution sous-régionale permettra de minimiser certains risques de violations des droits de l’homme et violences lors des élections en cours.

Le Front national pour la défense de la constitution (FNDC) semble être dans son ultime phase de contestation, ses membres demandent désormais le départ du chef de l’Etat. Comment trouvez-vous cette situation ?

Karamo chérif : Cela relève plutôt de la surenchère politique et je pense que les gens du FNDC ne croient pas eux-mêmes à cela.  Cette déclaration n’est pas non plus une solution aux problèmes.

Quelles sont vos recommandations pour une sortie de crise en Guinée ?

Karamo Chérif : Pour une sortie définitive de la crise en Guinée, il faut tôt ou tard, et obligatoirement, que les différents acteurs concernés acceptent de se retrouver autour de la table de dialogue et de concertation, placée sous tutelle ou facilitation des Nations Unies à l’image de la médiation internationale menée par Said Junith en 2010. Cela pourrait aboutir à un Accord politique dont les recommandations seront suivies par le Comité de suivi du Cadre. En cette période de crise, cette option pourrait être idéale mais elle demande plus de temps, d’expertises, de ressources et de volonté politique.

Le respect et l’application de la loi ont été souvent négligés ces dernières années au profit des règlements à l’amiable, des négociations et des conditions préalables de dialogue et de négociation cependant pour une paix durable dans un Pays, le respect de la loi renforce les conditions et succès du dialogue. L’initiative de la CEDEAO bien qu’elle soit tardive contribuerait, j’en suis sûr, à renforcer le dialogue politique entre les différents acteurs concernés et de façon inclusive et durable.

La dernière recommandation est l’appel à la paix du Gouvernement, des leaders des Partis politiques et ONG à l’endroit des populations notamment des jeunes et des femmes à travers des actions de sensibilisations de porte-à-porte, des médias et le renforcement de l’observation électorale domestique par les ONG locales et les Partis politiques.

Propos recueillis par Moussa Diabaté

 

 

 

 

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