Presse: devoir d’informer contre terrorisme intellectuel

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Les Guinéens se sont rendus aux urnes, le dimanche 22 Mars 2020, bravant le climat d’insécurité imposé, dans certaines localités du pays, par des heurts entre manifestants fidèles au FNDC, contre-manifestants, et forces de l’ordre. La relative bonne tenue du double scrutin, dans l’ensemble, si on tient compte de ce qui s’est réellement passé sur toute l’étendue du territoire national, a évidemment hérissé des boutons sur la tête de quelques confrères à la bonne foi à géométrie variable, certains allant même jusqu’à accuser les initiateurs de la synergie des radios de « trahison ». Il paraît que, depuis dimanche, la démocratie guinéenne est enterrée six pieds sous terre et que l’épitaphe inscrite sur la pierre tombale consignant ce « crime odieux » (la synergie des radios) mentionne le nom d’un système qui est censé donner la voix au peuple, à condition d’être accommodant avec une forme de terrorisme intellectuel, distillée depuis le tout premier vagissement du fameux FNDC, les vrais « patriotes ». On ne peut que regretter et dénoncer les pertes en vie humaines, et naturellement, la presse, qui a du reste compté des blessés dans ses rangs, est en première ligne pour exiger que lumière soit faite sur les circonstances de ces décès !

Toutefois, c’est à se demander, par quel mécanisme logique, un journaliste, dépositaire de l’information, disposant d’une réelle liberté de pensée, peut s’enfermer dans une sorte de cage aux loups et s’imposer un bâillon qui, au finish,  écorne son devoir premier : celui d’informer. Informer en dépit des circonstances, pour que tout le monde soit au courant des faits et des conséquences des décisions qui rythment notre quotidien dans un espace déterminé. Informer par respect pour ce public dont l’intelligence est souvent supérieure à celle d’un gratte-papier grincheux et boudeur. Informer enfin, sans passion, et en faisant surtout l’effort de réfréner ses états d’âme partisans qui peuvent assassiner les faits, les grossir à souhait, les malmener, et bien sûr les galvauder. C’est évidemment le plus dur exercice dans notre posture ingrate. Qu’à cela ne tienne !

Si on part du principe que le public est le seul juge, de quoi un journaliste sérieux aurait-il peur en relatant fidèlement ce qui s’est passé sous ses yeux ? Sur quelle base sérieuse, devrait-il tordre son bon sens et son objectivité pour se transformer en « acteur », comme s’il n’avait pas pris graine des dégâts commis sous d’autres cieux par une presse médiocre, menant un combat d’arrière-garde, en un mot irresponsable ? Où est la rationalité ? On ne peut pas bien entendu emprunter le raccourci de la « représentation » discutable, au sein du Conseil national de transition (CNT) de 2010, pour déblatérer des fadaises. Ils sont nombreux les journalistes qui ne connaissent même pas les noms de leurs prétendus représentants au sein du CNT ! Il ne faut pas être naïf, ces dernières années, une horde de militants (virtuels ou assumés) de partis politiques se dissimulent derrière notre manteau douillet pour se livrer, avec emphase et désinvolture, à toutes sortes de forfaits contre le plus beau métier du monde. On ne peut pas, d’un côté, pousser des cris d’orfraie au nom de sacro-sainte « liberté d’expression », dénoncer « bavures » et « meurtres » de toutes sortes, jouer pour certains aux « intellectuels » aux lunettes bancales, et vouloir, dans un élan désespéré, avec une indécence aussi partisane que maladroite, brider ses propres confrères. Le journaliste n’est pas comme ce gredin, apprenti psychopathe, qui s’active sur les corps encore chauds et ensanglantés de ses victimes, lacérées au couteau, pour tenter de dissimuler le sang avec une fine bande de tissu blanc ! On ne pourra jamais l’accuser du « crime » d’informer. C’est son travail. C’est son devoir. Il n’est pas là et ne doit pas, par prétention ou pour perdre son temps, se contenter de lire frénétiquement des textes insipides (parce qu’il y en a qui aiment s’écouter !) en se comportant comme un juge capable de prononcer des sentences sans appel. Le journaliste doit rester dans son rôle qui consiste à collecter, traiter et diffuser l’information (toute l’information, évidemment dans les limites de la loi), de manière impartiale et rigoureuse. Dans ces conditions, tenter, avec l’énergie du désespoir, de sortir de la galère un quelconque leader politique, quel que soit son bord, c’est trahir son public. Bref, le journaliste ne devrait pas perdre de vue que sa crédibilité dépend de l’honnêteté dont il fait montre, en mettant à la disposition de l’opinion les faits et points de vue pertinents, capables de permettre à cette dernière d’analyser ce qui se passe dans la société. Si, dès lors, quelqu’un pense que ce sont ses logorrhées pathétiques qui vont lui permettre de soulager ses propres frustrations, c’est tant mieux pour lui. Si, par contre, il décide de « quitter la profession », parce que des journalistes se sont organisés en synergie pour relater et dénoncer, dans les pires difficultés, mais avec une pugnacité digne d’éloge, les faits et méfaits d’un double scrutin, on lui dira tout simplement bon débarras. La presse ne perdra pas grand-chose, c’est certain !

Babou Camara

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