[Tribune] Guinée : la région forestière, l’enjeu majeur de la présidentielle du 18 octobre 2020 (Par Sékouba Maréga)

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L’élection présidentielle s’annonce dans une conjoncture politique serrée et qui présage de possibles violences post-électorales. Des violences qui, à bien des égards, risqueraient de plonger le pays dans des crises de nature diverses (sociales, politiques, économiques etc.).

Comme naguère, les élections en Afrique sont synonymes de vives tensions et d’angoisse à cause d’un jeu à somme nulle, c’est-à-dire, que les candidats en compétition quel que soit leur nombre et leur score électoral, celui qui a cinquante-et-une voix emporte avec lui, toutes les mises. Ce jeu à somme nulle est dangereux pour les sociétés africaines dans la mesure où les partis politiques en compétition ont en grande partie, des bases électorales identitaires (ethnie, la région ou la religion). En Guinée, la religion n’est pas un clivage pertinent, par contre, l’ethnie et la région sont des facteurs très clivant.

Depuis l’indépendance, l’ethnicité est présente dans l’activité politique. Selon une enquête réalisée sur 1800 informateurs, par Dr Ramadan Diallo dans le cadre de sa thèse intitulée : « L’ethnicité et le processus Démocratique en Guinée de 1990 à 2015 », l’ethnicité s’élevait à 41,77% et faible à 35,46% avec la première République (1958 – 1984), elle s’étendait de 12,79% et faible à 44,84% avec la deuxième République (1990 – 2008), l’ethnicité s’élevait avec la période transitoire (2008 – 2009) à 19%  et faible à 37%,  elle s’élève à 80% et faible à seulement 8% avec la troisième République.

En fait, cette description montre combien de fois l’ethnie est impliquée dans la vie politique du pays.

Cela étant dit, nous constatons que les stratégies de mobilisation au compte de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020 ont, dans une large mesure changé, car, la candidature spontanée du président de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) n’était pas prévue par la coalition de partis au pouvoir (RPG arc-en-ciel), mais ce qui reste clair, elle est loin d’être anodine par ce qu’elle s’inscrit dans une logique opportuniste. Cela s’explique par l’absence des partis politiques influents, comme l’Union des Républicains (UFR), le Parti de l’espoir et de Développement National (PEDN) qui pourraient réduire considérablement l’électorat de Cellou Dalein Diallo. De ce point de vue, ce scrutin du 18 octobre se jouera pour la conquête de l’électorat des indécis dans les régions Côtière et Forestière, car, de toute évidence, l’électorat de la Moyenne Guinée est une propriété de l’UFDG, celui de la Haute Guinée est l’exclusivité du RPG arc-en-ciel et l’électorat de la zone spéciale de Conakry est souvent partagé avec un léger avantage du parti au pouvoir, même si aujourd’hui, il y a une opinion légère qui estime que cette donne a changé du fait de la « gestion peu appréciable » du candidat du parti au pouvoir. Mais cette analyse s’applique à l’électeur dit « rationnel » capable de constater, d’écouter, d’analyser et d’évaluer un produit politique (candidat). Mais comme de toute façon, la réalité est très percutante, l’électorat rationnel à cette élection n’excède pas les 20%, donc, encore une fois, nous assisterons au même scénario du 07 novembre 2010, l’identification partisane renforcer par la corrélation du vote ethnique.

Par ailleurs, il faut rappeler que la cartographie électorale publiée par la Commission Électorales Nationale et Indépendante (CENI), qui est répartie en fonction des régions administratives qui se présente comme suit: Conakry 19% ; Kindia 13% ; Boké 8% ; Mamou 6% ; Labé 8% Faranah 9% ; Kankan 22% ; N’Zérékoré 14% ; Afrique 1%. Cette répartition ne favorise en aucune manière une alternance voulue par l’opposition républicaine, par le fait du faible taux d’enrôlement des militants du principal parti d’opposition. Nonobstant ce constat, l’UFDG promet sa victoire au soir du 18 octobre en comptant sur l’électorat de son principal adversaire.

Ainsi, conscient de la faiblesse de sa traditionnelle base électorale dont la proportion en termes de pourcentage semble être faible (14% Labé et Mamou), l’UDFG tente l’assaut électoral jamais opéré depuis 1958 en Guinée, celui de conquérir un bastion de son adversaire, notamment la forêt, qui constitue à elle seule l’équivalent de sa base électorale (14%,).

 Cette volonté courageuse a amené le parti à entamer un voyage semblable à l’hégire, traversant monts et marées pour conquérir l’électorat de la région Forestière. Toutes fois, il a réussi en terme de mobilisation en faisant une percée incroyable dans certaines villes forestières, notamment la ville de N’Zérékoré. Delà, il passe à la vitesse supérieure de la manœuvre politicienne en affirmant : « Si je suis élu président à cette élection présidentielle, je ferai venir le capitaine Moussa Dadis Camara [fils natif et populaire de la région] », une promesse qui, de toute évidence est amorale, parce qu’il s’agit d’un présumé auteur du massacre du 28 septembre 2009, dont il a lui-même victime. Mais cela combien l’électorat de la forêt compte pour lui à cette élection. La question est de savoir, est-ce le discours tenu par Cellou Dalein à N’Zérékoré pourrait traduire en électeurs réels la masse populaire pour son parti ? La réponse à cette question reste pour l’instant suspendue, mais en attendant d’y voir clair cette probabilité dans les prochains jours, il convient de rappeler que le RPG arc-en-ciel est l’un des partis dominants dans cette région de par le passé, et il est également en alliance avec les partis phares de ladite région, notamment le GRUP de Papa Koly Kourouma, RDIG de Jean Marc Telliano, Guinée Audacieuse de Domani Doré et d’autres leaders d’opinions.

Ensuite, ce qui est aussi remarquable dans cette concurrence au niveau de la région forestière, est que la zone est devenue une véritable industrie électorale, divisant les cadres de la région en deux groupes et permettant chaque groupe de vendre sa partie au plus offrant. L’un avec le parti au pouvoir et l’autre avec l’opposition.

Ainsi, ce bruit est allé jusqu’à déranger le président candidat Pr Alpha Condé son sommeil, qui depuis le début de cette campagne, n’a fait de campagnes qu’en visioconférence, et qui, finalement décide de se rendre dans cette région pour éviter l’effet surprise de ce que nous avons nommé « la conquête des bastions hostiles », au soir du 18 octobre 2020.

En réalité, quel que soit le déroulement de ce scrutin, la région Forestière constitue un enjeu majeur, capable de trancher la fin du jeu dès le premier tour en faveur du parti au pouvoir ou encore de donner une prolongation à l’opposition au second tour.

Sékouba Maréga

 
   

 

 

Citation : l’UDFG tente l’assaut électoral jamais opéré depuis 1958 en Guinée, celui de conquérir un bastion de son adversaire, notamment la forêt, qui constitue à elle seule l’équivalent de sa base électorale (14%,).

 

 

Sekouba MAREGA

Politiste, Analyste Politique

A l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia Conakry (UGLC-SC)

Email : sekoubamarega224@gmail.com

(+224) 628116554

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