[Tribune] Guinée : les piliers de relance de la diplomatie guinéenne (Par Youssouf Sylla)

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En matière de diplomatie, nous devons rompre avec le présentéisme à l’international, une figuration qui ne change pas grand-chose à la vie du guinéen lambda. Notre diplomatie ne doit pas se réduire en une activité touristique réservée à quelques privilégiés plus soucieux de leur confort personnel que celui de la nation tout entière. Notre diplomatie doit changer de philosophie, être proactive et se mettre au service de nos intérêts. C’est pourquoi elle doit être refondée sur trois piliers : notre prospérité, notre sécurité et nos idéaux.

Notre prospérité

La Guinée est citée parmi les pays les plus riches du monde, compte tenu de la quantité et de la qualité de ses ressources naturelles. Nous sommes riches et la richesse doit en principe profiter à son détenteur, ce qui n’est pas le cas.

Donc notre action diplomatique doit être orientée vers la conclusion ou la revue d’accords bilatéraux et multilatéraux d’investissements dans le but de promouvoir nos intérêts économiques et commerciaux.

Mais la condition essentielle pour déployer de manière profitable à nos concitoyens cette diplomatie économique, consiste à nous rendre compétitif sur le marché sous régional, régional et international. Ce qui n’est pas encore le cas, car notre capacité de production est notoirement faible, les usines ne poussent pas dans les périphéries des villes c’est le cas ailleurs. En réalité, nous sommes plus importateurs qu’exportateurs des biens et services.

Pour donner un contenu concret à notre diplomatie économique, notre plus grand défi est d’augmenter notre capacité de pénétration des marchés extérieurs. Pour y parvenir, il faudrait faire de notre pays, le grand atelier de fabriques du continent, destiner ses terres fertiles à l’agriculture et y qualifier l’enseignement à la fois professionnel et universitaire.

Mais comment y procéder si les guinéens sont aujourd’hui plus désunis que jamais, si les valeurs sûres de la République sont reléguées au second plan, si le choix démocratique des dirigeants devient le moment le plus critique de la cohésion sociale.

Outre la compétitivité de l’économie pour l’amélioration du bien-être collectif, notre action diplomatique devrait être jugée par sa capacité de drainer vers la destination Guinée, une foule de touristes prête à débourser pour son plaisir de découvrir d’autres paysages et d’autres cultures. Pour relever ce défi, source de notre prospérité, il faudrait alors valoriser le riche potentiel touristique du pays.

Notre sécurité

L’analyse croisée du contexte régional et local laisse penser qu’il pourrait exister une menace indirecte à laquelle il convient de faire face dès maintenant pour parer à toute éventualité.  En effet, la situation au Mali, territoire situé entre l’Afrique du nord et l’Afrique au sud du Sahara, devrait nous alerter en tant que guinéens.

Si l’intervention française dans ce pays en 2013 à travers l’opération Serval avait empêché la prise de Bamako par les djihadistes, l’attaque par exemple de l’hôtel Radisson est quand même venue démontrer que djihadistes n’étaient pas prêts à s’arrêter en si bon chemin. D’un point de vue sécuritaire, il est de notre intérêt que le Mali, pays frontalier de la Guinée tienne et qu’il ne tombe pas. Sinon qui sera la prochaine cible sur la liste : la Guinée, la Côte d’ivoire …

Parallèlement à la situation malienne, il y a aussi le cas de Boko haram. On sait queAbubakar Shekau, le chef de cette organisation djihadiste au Nigeria qui s’en prend sans distinction à tout le monde y compris les couches les vulnérables de la population, les femmes et les enfants, a déjà prêté allégeance à l’Etat Islamique en considérant son organisation comme la province ouest africaine du Califat de l’EI. Outre le Nigeria, Boko Haram étend ses tentacules notamment sur le Cameroun, le Niger, et le Tchad, bref sur la bande sahélo sahélienne.

Il est donc à craindre que les pressions exercées sur certains pays par les organisations djihadistes n’atteignent finalement notre pays, grâce notamment à la porosité de nos frontières, et à la liberté de circulation accordée aux ressortissants de 16 pays de la CEDEAO, organisation sous régionale dont fait partie la Guinée. L’autre crainte aussi, non la moindre, c’est de voir se constituer dans le territoire national, les répondants locaux des organisations terroristes.

Notre action diplomatique doit pleinement jouer son rôle dans le cadre de la protection de la nation contre toutes formes de menaces. Autrement, les menaces étant de plus en plus trans-frontières, notre action diplomatique doit être orientée sur la conclusion des alliances avec les autres nations. Deux catégories d’alliances sont prioritaires à cet effet.

La première catégorie doit renforcer nos capacités de prévention.

Quatre initiatives diplomatiques sont à mener à cet égard.

La première consiste à renforcer la capacité nationale de renseignement, d’analyse et d’évaluation de toute situation de menace. Cela passe par exemple par l’identification des activités suspectes dans tous les foyers susceptibles de produire des personnes à risques. Ces personnes doivent faire l’objet de surveillance de manière à connaitre leurs motivations, leurs contacts aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

La deuxième initiative qui est un complément de la première consiste à intensifier la coopération avec les services de renseignement des autres pays de la sous-région et du monde afin d’être informé à temps sur les actions à caractère terroriste susceptible d’être menées à l’encontre des intérêts de notre pays.

La troisième initiative consiste à faire impliquer les partenaires de la Guinée dans la mise en œuvre de sa politique de lutte contre l’exclusion sociale, responsable de frustrations, et d’insertion professionnelle des jeunes qui sont une clientèle vulnérable et facilement manipulable par les groupes djihadiste.

Enfin, la dernière initiative au titre de la prévention consiste à   assécher les sources de financement des organisations suspectes. L’argent étant le nerf de la guerre, il convient de renforcer à travers la coopération internationale notre capacité de mise en œuvre des accords internationaux relatifs à la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent.

Enfin, la deuxième catégorie d’alliances à sceller au niveau bilatéral et multilatéral doit tendre au renforcement de notre capacité opérationnelle sur le terrain. Notre action diplomatique doit donc multiplier les initiatives en vue de donner à la Guinée la capacité de mettre en place ou de renforcer les forces d’élites spécialement chargées d’agir en un temps record en cas d’attaques terroristes.

Etant donné qu’une grande majorité de ces attaques se tiennent en milieu urbain, ces forces doivent être formées pour faire face à de telles situations. La neutralisation de telles actions dans les centres urbains à forte concentration humaine demande de la part des forces de l’ordre des techniques tout à fait appropriées qui s’acquirent par le biais de formations spécialisées.

Nos idéaux

Ils traduisent notre identité et les valeurs auxquelles nous acceptons d’adhérer volontairement. Ces idéaux doivent trouver un échos retentissant dans notre relation avec nos partenaires et plus généralement sur la scène internationale.

La Guinée est avant tout un pays africain et entant que tel, elle doit porter partout où elle se trouve la voix d’une afrique libre. Dans les années 60 et 70, elle l’avait fait en prenant la défense des peuples opprimés du continent.

Aujourd’hui encore, elle doit porter sa vocation africaine en étant en première ligne sur le renforcement de la coopération sous régionale et régionale. Et doit prendre au travers des initiatives diplomatiques fortes, la tête des pays qui se battent pour la représentation du continent au sein du conseil de sécurité des nations unies, instance suprême de prises de décisions dans le monde.

La diplomatie guinéenne doit refléter son attachement à la démocratie et au respect des droits humains, surtout en Afrique où ces valeurs sont violées. Elle doit non seulement donner l’exemple mais condamner sans réserve toutes formes d’atteintes à ces valeurs su sein des institutions appropriées à cet effet.

Sur le plan environnemental, la Guinée, doit résolument s’engager à relever les défis du changement climatique et de la responsabilité environnementale des entreprises qui opèrent dans les contextes locaux. Bref, elle doit être pionnière dans la promotion de la diplomatie environnementale surtout quand on sait que de nombreux cours d’eau prennent leur source dans son territoire.

En définitive, la diplomatie d’un pays est comme le miroir qui reflète son image. Plus le pays est bien portant plus son image est reluisante. Plus il est mal portant, plus son image est exécrable. Et les discours n’y changeront rien.

Youssouf SYLLA

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