Zones de Conflits: Clark et Kaljulaid alertent sur le malheur des agents de santé et couches vulnérables

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L’édition 2022 de la semaine mondiale de la vaccination se déroule du 24 au 30 avril. A l’occasion, et dans une tribune publiée en anglais dans le ‘British Medical Journal’, Helen Clark et Kersti Kaljulaid tirent la sonnette d’alarme sur la situation des agents de santé et des organisations humanitaires dans les zones de conflit. Helen Clark est la présidente du conseil d’administration du PMNCH et ancienne première ministre de la Nouvelle-Zélande. Défenseur mondial du Secrétaire général de l’ONU pour le programme ‘’Chaque femme, chaque enfant’’, Kersti Kaljulaid est l’ancienne présidente de l’Estonie. Ci-dessous l’intégralité de la version française de la tribune des deux leaders de classe mondiale.

Alors que les bombes pleuvent sur des communautés sans défense en Ukraine, cela nous interpelle une fois encore sur la grande vulnérabilité des femmes, des enfants et des adolescents dans les zones de conflit – et les risques auxquels sont exposés les agents de santé qui tentent de répondre à leurs besoins en période de conflit et de crise.

En marge de la Semaine mondiale de la vaccination, nous reconnaissons que les droits fondamentaux à la santé – des services de soins obstétricaux sécurisés à la vaccination de routine- constituent une véritable bouée de sauvetage, surtout dans les situations de conflit. Pourtant, le nombre de femmes et d’enfants qui sont privés de ces services est trop élevé. L’horrible situation en cours en Ukraine est la dernière en date d’un nombre croissant de crises humanitaires déclenchées par des conflits. En 2020, un nombre record de cinquante-six conflits actifs a été recensé et l’année dernière, l’Afrique subsaharienne a enregistré son plus grand nombre de coups d’État en 20 ans. Ainsi, si l’Ukraine a capté l’attention du monde, il y a plusieurs autres conflits de longue date et en pleine expansion qui méritent également l’attention et la mobilisation politique de la communauté internationale. 

Les professionnels de la santé et de l’aide humanitaire qui apportent des soins en première ligne sont confrontés à des défis et des risques immenses et croissants. Ces circonstances rendent encore plus difficile l’accès des femmes, des enfants et des adolescents les plus vulnérables aux soins dont ils ont pourtant besoin.

Lorsque les professionnels de la santé et des services humanitaires deviennent la cible de conflits, les principes énoncés dans le droit international humanitaire et les droits de l’homme sont également remis en cause. De nombreux professionnels de la santé sont victimes de conflits, qu’il s’agisse de victimes accidentelles d’attaques ou de cibles délibérées. La violence contre les professionnels des services humanitaires a fait 484 victimes individuelles en 2020, dont 117 sont décédées, faisant de 2020 la pire année enregistrée pour la deuxième année consécutive. Rien que pour l’Ukraine, 147 attaques contre le personnel, les installations, les fournitures et les transports de soins de santé ont été confirmées à la date du 19 avril 2022, faisant 73 morts et 52 blessés. Au Yémen, selon une analyse réalisée par l’organisation ‘’Save the Children’’ en 2021, près de la moitié des professionnels de santé interrogés ont déclaré être présents dans un centre de santé au moment où se produisait une attaque, tandis que 93 % des professionnels de santé interrogés ont déclaré que les services des centres de santé où ils étaient en service ont été suspendus à plusieurs reprises en raison de ces attaques.

Lorsque les professionnels de la santé sont en danger, la vie des femmes, des enfants et des adolescents est également menacée.  Plus de 10 millions de cas de décès d’enfants de moins de cinq ans dans le monde, entre 1995 et 2015, peuvent être directement ou indirectement liés aux conflits. Les femmes en âge de procréer vivant à proximité de conflits de haute intensité ont trois fois plus de risques de perdre leur vie que les femmes vivant dans un environnement stable. De même, à la suite de l’assassinat de huit agents en charges de la lutte contre la poliomyélite en Afghanistan en février 2022, la campagne nationale de vaccination contre la poliomyélite a été suspendue dans deux provinces afghanes, l’un des rares pays où la poliomyélite demeure endémique malgré les actions menées à l’échelle mondiale pour l’éradiquer. Les conflits ont provoqué la réapparition de la polio dans des pays qui l’avaient éradiquée auparavant. Par exemple, la Syrie et l’Irak ont enregistré des épidémies de poliomyélite pour la première fois depuis des décennies après le déclenchement de la guerre civile.

La Syrie est un autre exemple frappant de l’inversion des progrès qui se produit lorsque les professionnels de la santé ne sont pas en mesure de fournir des services. En 2010, elle avait atteint une couverture de 80 % de la vaccination conjointe contre la diphtérie, la coqueluche et le tétanos (DTC). Cependant, après des années d’un conflit armé dévastateur, le taux de couverture a chuté à 47 % en 2018. De même, l’Ukraine avait une couverture vaccinale du DPT (Vaccin diphtérique, tétanique et poliomyélitique) de 76 % en 2012, mais ce taux a fortement chuté à 19 % en 2016 après le conflit ukrainien de 2014. Une situation similaire, voire pire, est à craindre pour le conflit actuel.

L’un des indicateurs des inégalités auxquelles les enfants et leurs familles sont confrontés en conséquence est la prévalence des enfants  » zéro dose  » dans de tels contextes. Ceux-ci n’ont reçu aucune dose du vaccin DTC (contre la diphtérie, la coqueluche et le tétanos).   Les enfants  » zéro dose  » et leurs familles vivent dans des communautés qui ne bénéficient d’aucune protection sociale et n’ont pas accès à certains ou à tous les services de base du continuum de la santé sexuelle, reproductive, maternelle, néonatale, infantile et adolescente. 

Une action multisectorielle et équitable    

Pour protéger ceux qui nous protègent, il faut impérativement coordonner de manière ciblée les initiatives visant à promouvoir l’accès à des services sécurisés, notamment la fourniture de vaccins et d’autres services et produits de première nécessité à travers des initiatives publiques-privées à plusieurs niveaux et dans plusieurs secteurs. Par exemple, lorsqu’elles sont engagées de manière significative, les ONG locales et la société civile peuvent considérablement améliorer la couverture et la flexibilité opérationnelle des interventions sanitaires.

Lorsque le gouvernement est impliqué dans un conflit interne, les principes humanitaires de neutralité, d’indépendance et d’impartialité sont souvent violés. Dans ces cas, l’ONU et d’autres acteurs non-partisans doivent mener une réponse multisectorielle et locale fondée résolument sur les principes humanitaires.

Pour que les agents de santé puissent administrer des vaccins et fournir d’autres services essentiels dans ces contextes, ils doivent bénéficier d’une protection constante, comme le demande instamment le Conseil de sécurité des Nations unies (résolution 2286) et comme l’exigent les lois internationales sur l’aide humanitaire et les droits de l’homme. La communauté internationale doit tenir les États et les groupes armés responsables du respect du droit humanitaire international dans les territoires qu’ils contrôlent.

En outre, les agents de santé doivent être recrutés, formés et financés localement, dans la mesure du possible. Cela permettra de renforcer la confiance entre les agents de santé et les communautés dans lesquelles ils travaillent, vu qu’ils comprennent parfaitement les contextes locaux. Ceci est également nécessaire pour assurer la pérennité des effectifs, réduire les menaces pour la sécurité et mieux rassurer le personnel.

Les avancées sur l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD) dans le domaine de la santé dépendent de la reconnaissance de ces disparités et du ciblage des environnements qui ont le plus besoin de soutien pour garantir la continuité et l’accès aux services. Deux années de pandémie nous ont déjà fait régresser considérablement, il n’y a donc plus de temps à perdre.

Alors que les bombes continuent de pleuvoir en Ukraine et ailleurs, il est plus que jamais nécessaire de consentir d’importants investissements pour assurer la sécurité et la protection des travailleurs de la santé et garantir la continuité des services et des approvisionnements en cas de conflit.

Les auteurs :

  • Helen Clark, présidente du conseil d’administration du PMNCH et ancienne première ministre de la Nouvelle-Zélande
  • Kersti Kaljulaid, défenseur mondial du Secrétaire général de l’ONU pour le programme ‘’Chaque femme, chaque enfant’’, ancienne présidente de l’Estonie

NB : La première version de cette tribune, en anglais, a été publiée par le British Medical Journal (BMJ)

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